Cass. 1re civ., 20 février 2001, n° 99-13.848
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. LEMONTEY
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 1999), rendu sur renvoi après cassation, que M. Olivier Roussel, représenté à l'acte par la société Maury Romanet (la société), administrateur d'immeubles, a consenti, le 6 juin 1991, un bail commercial à la société PEL investissement, portant sur des locaux situés à Paris (11e), ... ; que celle-ci, voulant transformer les lieux loués en vue de les affecter à un centre de relaxation et un club de gymnastique, a signé, à cette fin, le 8 juillet 1991, un contrat d'aménagement avec la société Grisbi pour un montant de 6,5 millions de francs, ultérieurement porté à 5,425 millions de francs HT, outre les honoraires du maître d'oeuvre ; que la mairie de Paris ayant fait connaître, le 26 novembre 1991, que les travaux en cause étaient soumis à la législation sur le permis de construire, en raison d'un changement de destination résultant de la nouvelle affectation des locaux, la société PEL a interrompu lesdits travaux, lesquels représentaient alors une somme de 3 378 851,60 francs ; qu'elle a ensuite, par acte du 5 mars 1992, assigné M. Roussel et la société aux fins, notamment, de résiliation du bail aux torts exclusifs du propriétaire, subsidiairement de déclaration de nullité du même bail pour vice du consentement et de condamnation in solidum des défendeurs à la réparation de son entier préjudice, ainsi qu'à des dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a prononcé la résiliation du bail aux torts de M. Roussel, dit que la société avait commis une faute quasidélictuelle à l'égard de la société PEL et une faute contractuelle à l'égard de M. Roussel en tant que rédactrice du bail litigieux ; qu'il a notamment condamné la société, in solidum avec M. Roussel, à payer diverses somme à la société civile porfessionnelle (SCP) Brouard et Daude, ès qualités de liquidateur de la société PEL en raison de cette faute contractuelle ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Maury Romanet fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'en affirmant que le plan ancien du premier étage, pour une raison non expliquée mais peut-être liée au litige qui va survenir, n'a pas été annexé au bail comme celui des autres niveaux, la cour d'appel, qui ne précise pas ce qui lui permettait de poser en hypothèse que ce plan n'avait pas été annexé en vue du litige à intervenir, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en affirmant qu'après avoir pris connaissance de la difficulté née de l'affectation de parties des lieux à usage d'habitation au regard de la matrice cadastrale, la société Maury Romanet n'a communiqué à la société PEL investissement les baux antérieurs afférents aux parties litigieuses qu'avec réticence, le 7 janvier 1992, donc tardivement, que, rapprochée de l'absence du plan du premier étage en annexe du bail, cette attitude donne à penser que cette société avait sans doute vu le problème mais l'avait considéré lors de la conclusion du bail comme négligeable, la cour d'appel s'est prononcée par motif hypothétique et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en affirmant que ne s'étant pas assurée de l'observation des formalités requises ou ayant peut-être fait volontairement l'impasse sur celles-ci, la société Maury Romanet a commis une faute, la cour d'appel, qui émet une hypothèse selon laquelle cette dernière aurait peut-être volontairement fait l'impasse sur l'observation des formalités requises, sans relever aucun élément de fait lui permettant l'émission d'une telle hypothèse, a, de chef encore, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à l'encontre de la société Maury Romanet l'absence de vérification de ce que les lieux loués étaient à usage commercial en leur intégralité au regard de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, la circonstance que le plan ancien du premier étage, révélant un local "cuisine" et le démantèlement d'un local d'habitation, n'avait pas été annexé au bail et que les baux antérieurs afférents aux parties litigieuses qu'avec réticence, tardivement et sur injonction d'un conseil immobilier indépendant ; qu'elle a ainsi caractérisé de façon certaine la négligence fautive de la société, peu important qu'elle eut envisagé, à titre subsidiaire et de façon hypothétique, l'éventualité d'une volonté de tromper la société PEL ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que la société Maury Romanet rappelait que le mandat qui lui avait été consenti par M. Roussel le 1er janvier 1981 était postérieur aux trois baux commerciaux conclus en 1960 et 1966, établis par les consorts X..., dont M. Roussel personnellement, puis en 1978, par le prédécesseur de la société demanderesse, ce dont il s'évinçait que M. Roussel, signataire des baux antérieurs, en tant que bailleur et en tant que preneur, étant à l'origine de l'affectation commerciale de locaux à usage d'habitation, ne pouvait reprocher à la société d'avoir commis une faute dans l'exécution de son mandat, cette irrégularité lui étant imputable et à tout le moins nécessairement connu de lui ; qu'en ne se prononçant pas sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la société faisait valoir que tant le bail de 1960 que celui de 1966 avaient été signés, d'une part, entre les consorts X..., propriétaires, au nombre desquels figurait M. Olivier Roussel, et, d'autre part, la société X... et compagnie, représentée par M. Olivier Roussel, et déclarait s'être référée à la régularité de l'affectation commerciale attestée par M. Roussel tant dans les baux de 1960, 1966, que dans celui de 1978, pour lequel les propriétaires étaient représentés par un administrateur de biens ; qu'en ne recherchant pas si le fait que le mandant, M. Olivier Roussel, ait été signataire en tant que bailleur et en tant que preneur des baux établis par les consorts X..., dont M. Olivier Roussel en 1960, 1966, puis établis par un administrateur de biens en 1978, n'était pas de nature à justifier que la société ne se soit pas interrogée sur la commercialité du local litigieux dès lors que le bailleur avait dû s'enquérir de la régularité de l'affectation commerciale des locaux avant de les louer à la société X... qu'il représentait et, partant, n'avait commis aucun manquement à l'égard du mandant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et suivants et 1147 du Code civil ;
3 / que la société faisait valoir qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée par M. Roussel dès lors que ce dernier était l'auteur des baux de 1960 et 1966 ayant affecté commercialement les locaux litigieux loués à la société de M. Olivier X..., signataire aussi en cette qualité desdits baux ; qu'elle soutenait que M. Roussel avait dès lors nécessairement connaissance de la nature des locaux dont il était le propriétaire et le locataire, en tant que représentant de la société X..., preneur ; qu'en ne recherchant pas si de ce fait le bailleur, M. Olivier Roussel, par ailleurs locataire, n'avait pas parfaite connaissance des formalités à accomplir en vue de régulariser l'affectation commerciale litigieuse, formalités qu'il savait nécessairement n'avoir pas été exécutées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1984 et suivants et 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, loin de négliger la connaissance par M. Roussel de ce que les locaux litigieux n'étaient pas, dans leur intégralité, susceptibles d'être affectés à un usage commercial au regard de la loi, a fondé sur ce motif la résiliation du bail aux torts du bailleur pour manquement à l'obligation de délivrance ;
Attendu, d'autre part, qu'elle a jugé que la faute contractuelle de la société à l'égard de M. Roussel n'en était pas moins caractérisée, puisqu'elle a relevé que le mandat donné par le bailleur à ladite société était extrêmement étendu et impliquait des vérifications nécessaires pour s'assurer de l'efficacité du bail, le mandataire disposant des éléments pour constater la commercialité des locaux en leur intégralité et ne pouvant ignorer que cette affectation commerciale était une des conditions déterminantes du bail ; que, répondant aux moyens prétendument délaissés, elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;