Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-14.230
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Rousseau et Tapie, SCP Zribi et Texier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 29 novembre 2018), le 23 décembre 2005, Mme W... a donné à bail en renouvellement à la société l'Angleterre, aux droits de laquelle vient la société Detective hôtel, un immeuble à usage d'hôtel pour une durée de neuf ans, à compter du 1er avril 2006.
2. Le 18 août 2011, la locataire a assigné le bailleur en paiement d'une certaine somme au titre des travaux de clos et de couvert des lieux loués.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. W... fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de cette somme, alors « que les parties à un contrat de bail commercial peuvent toujours déroger aux règles seulement supplétives prévues aux articles 1719 et 1720 du code civil ; qu'est ainsi valable la clause précisant que le locataire accepte de prendre les locaux dans l'état où ils se trouvent et qui met à la charge du preneur tous travaux d'entretien et réparation, y compris pour cause de vétusté, ainsi que les frais de ravalement des façades et la réfection de la couverture ; qu'en l'espèce, il résultait du bail renouvelé le 23 décembre 2005 que le locataire s'était engagé à prendre les lieux dans l'état où ils se trouvaient au moment de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger aucune réfection, remise en état, adjonction d'équipements supplémentaires, ou travaux quelconques, rendus nécessaires par l'état de vétusté ou l'existence de vices cachés ; que les parties étaient également convenues que les grosses réparations définies à l'article 606 du code civil resteraient à la charge du preneur, y compris les travaux de gros oeuvre ; que le locataire s'était engagé à ne pas exiger, pendant la durée de l'occupation, aucune espèce de réparations ni changement et qu'il avait la charge de faire, à ses frais exclusifs, tous ceux qui lui seraient utiles pour son installation et sa jouissance, pendant la durée de la location ; que le preneur s'était engagé à exécuter à ses frais le ravalement des façades dans le courant de l'année 2006 et la réfection de la couverture dans un délai maximum de cinq ans ; qu'en retenant néanmoins qu'il résultait des stipulations contractuelles que le bailleur avait entendu être déchargé de toute obligation relativement à l'entretien et le remise en état des lieux, y compris s'agissant des travaux rendus nécessaires par la vétusté, que ce soit à la prise d'effet du bail ou pendant toute sa durée, et qu'aucune clause contractuelle ne saurait décharger le bailleur de son obligation de délivrance de la chose louée et de son obligation de conserver le bien pour en garantir une jouissance normale par le preneur, la cour d'appel a méconnu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 1719 et 1720 dudit code, dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1720 du code civil :
4. Ce texte n'est pas d'ordre public et il peut y être dérogé par des conventions particulières.
5. Pour accueillir la demande de la locataire, l'arrêt retient qu'il ressort des stipulations contractuelles que le bailleur a entendu être déchargé de toute obligation relative à l'entretien et la remise en état des lieux, y compris des travaux rendus nécessaires par la vétusté, que ce soit à la prise d'effet du bail ou pendant toute sa durée, alors qu'aucune clause contractuelle ne peut décharger le bailleur de son obligation de délivrance de la chose louée et de son obligation de conserver le bien pour en garantir une jouissance normale par le preneur.
6. En statuant ainsi, alors que le bail transférait expressément au preneur tous les travaux d'entretien et de réparation, y compris les gros travaux, le ravalement des façades et la réfection de la couverture, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen.