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Décisions

Cass. com., 11 mars 2014, n° 12-22.241

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Grass

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gaschignard, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 21 mars 2012

21 mars 2012

Joint les pourvois n° Y12-22.241et n° E12-22.454 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 10 puis le 28 juin 2011, l'administration des douanes a procédé à la retenue de divers articles importés par la société Sybille accessoires en provenance d'Inde et susceptibles de contrefaire une marque appartenant à la société Cinq huitièmes ; que cette dernière, informée des retenues opérées, a déposé plainte, pour contrefaçon de marque, auprès du procureur de la République; que la société Sybille accessoires a saisi le juge des référés afin que soit ordonnée la mainlevée des mesures de retenue et saisie douanières des produits consignés dans les procès-verbaux des 10 et 28 juin et du 19 juillet 2011 ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Y12-22.241 et le moyen unique du pourvoi n° E12-22.454, pris en leur première branche rédigés en termes similaires, réunis :

Attendu que la société Cinq huitièmes et l'administration des douanes font grief à l'arrêt d'avoir déclaré le juge des référés compétent et ordonné la mainlevée immédiate des mesures en cause, alors, selon le moyen, que l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle n'est applicable qu'en dehors des cas prévus par la règlement n° 1383/2003/CE ; que ce dernier règlement est seul applicable lorsque les marchandises en cause ont une origine extra-communautaire ; que dans ce cas, l'article 13 du règlement n° 1383/2003/CE prévoit que si, dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la réception de la notification de la suspension de la mainlevée ou de la retenue, le bureau de douane n'a pas été informé qu'une procédure visant à déterminer s'il y a eu violation d'un droit de propriété intellectuelle au regard du droit national a été engagée la mainlevée est octroyée, ou, selon le cas, la mesure de retenue est levée, sous réserve que toutes les formalités douanières aient été accomplies ; qu'en retenant qu'un trouble manifestement illicite résulterait du non-respect des conditions de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que les mesures de retenue litigieuses, effectuées sur le fondement du règlement n° 1383/2003/CE, portaient sur des marchandises d'origine extra-communautaire, en provenance d'Inde, de sorte que seul ce dernier texte était applicable, à l'exclusion de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé ce dernier texte ainsi que l'article 13 du règlement n° 1383/2003/CE ;

Mais attendu qu'aux termes des articles 10 et 13 du règlement (CE) n° 1383/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, le titulaire du droit de propriété intellectuelle demandeur de la mesure de retenue doit informer le bureau de douane, dans un délai de dix jours, qu' une procédure visant à déterminer s'il y a eu violation d'un droit de propriété intellectuelle au regard du droit national a été engagée conformément aux dispositions du droit en vigueur dans l'Etat membre sur le territoire duquel les marchandises se trouvent ; qu'ainsi c'est à bon droit que la cour d'appel a fait application de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° Y12-22.241 et le moyen unique du pourvoi n° E12-22.454, pris en leur deuxième branche, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l'article 13 du règlement (CE) n° 1383/2003 du Conseil., du 22 juillet 2003, et l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour retenir qu'un trouble manifestement illicite résulte du maintien des mesures de retenue et de saisie douanières en cause et ordonner leur mainlevée immédiate, l'arrêt retient que la société Cinq huitièmes ne justifie pas s'être pourvue, dans le délai de dix jours ouvrables, par la voie civile ou correctionnelle, à laquelle ne saurait, pour cette dernière, être assimilé un dépôt de simple plainte devant le procureur de la République ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que par le dépôt d'une plainte devant le procureur de la République son auteur justifie de s'être pourvu par la voie correctionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Y12-22.241 et le moyen unique du pourvoi n° E12-22.454, pris en leur troisième branche, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l'article 13 du règlement (CE) n° 1383/2003 du Conseil., du 22 juillet 2003, et l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour retenir qu'un trouble manifestement illicite résulte du maintien des mesures de retenue et de saisie douanières en cause et ordonner leur mainlevée immédiate, l'arrêt retient que la société Cinq huitièmes ne justifie pas, ni même n'allègue, avoir constitué les garanties prévues par l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, dont les conditions sont, par ailleurs, cumulatives ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si un juge judiciaire avait ordonné la constitution de garanties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen du pourvoi n° Y12-22.241 :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen du même pourvoi entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant condamné la société Cinq huitièmes à payer à la société Sybille accessoires la somme provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Flanker et reçu le directeur général des douanes et droits indirects en son intervention volontaire, l'arrêt rendu le 21 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.