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Décisions

Cass. com., 20 novembre 2001, n° 99-14.172

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Collomp

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Boullez, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Colmar, du 3 févr. 1999

3 février 1999

Donne acte à la société GE Capital Bank (anciennement dénommée GE Sovac), société en commandite par actions venant aux droits de la société Gefiservices, elle-même venant aux droits de la société Crédit de l'Est, dont le siège est ..., de sa reprise d'instance ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Colmar, 3 février 1999), que pour financer l'acquisition par la société EPS d'un matériel informatique auprès de la société Boulanger, le Crédit de l'Est, aux droits duquel se trouve la société Ge Capital Bank, a adressé à cette dernière un chèque de 122 259,69 francs accompagné d'un bordereau de règlement mentionnant les conditions expresses d'utilisation du titre, à défaut desquelles celui-ci devait lui être retourné ; qu'au nombre de celles-ci figuraient une clause attribuant la connaissance des litiges éventuels aux tribunaux de Strasbourg, l'indication de la partie du prix devant avoir été payé comptant par la société EPS et qu'il y était également stipulé qu'à défaut, pour le vendeur, de respecter ces conditions, l'établissement de crédit pourrait lui réclamer le paiement du montant du chèque avec intérêts à compter de l'émission ainsi que la réparation de tout préjudice qu'il pourrait avoir subi du fait de l'utilisation du chèque ; que la société Boulanger a encaissé le chèque sans avoir reçu la fraction du prix qui aurait dû lui être réglée au comptant ; que la société EPS ayant fait l'objet d'une procédure collective sans avoir remboursé le prêt, le Crédit de l'Est a fait assigner la société Boulanger devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, en paiement d'une somme de 162 819,13 francs représentant la somme restant due sur le prêt majorée d'intérêts au taux de 16 % l'an à compter du 29 septembre 1995 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Boulanger fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Lille, alors, selon le moyen :

1° que la clause attributive de juridiction valable entre commerçants nécessite un accord entre les deux parties signataires du contrat, seules celles-ci étant tenues par les effets du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui juge la clause attributive de compétence, qui lui avait été unilatéralement imposée, valable au motif qu'elle est " conclue " entre deux commerçants et rédigée en caractère apparent, sur la lettre-chèque envoyée par la banque, au mépris du fait qu'il ne s'agissait que d'un moyen de paiement n'entraînant aucun engagement contractuel entre la banque, prêteuse des fonds au profit de son propre client, et elle-même, simple bénéficiaire de la provision du chèque, se prononce au mépris des articles 1134, alinéa 1er, et 1165 du Code civil, ensemble l'article 48 du nouveau Code de procédure civile en faisant produire effet aux dispositions d'un contrat contre un tiers à ce contrat, partant la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2° que la clause attributive de juridiction est valable entre commerçants si elle a été convenue entre des personnes ayant contracté ; qu'en l'espèce, la clause attributive de juridiction qui lui a été opposée résulte d'un document unilatéral, établi par la seule banque, et accompagnant un moyen de paiement de sorte que la cour d'appel a omis de rechercher si le vendeur avait librement et de manière éclairée accepté cette clause en donnant son consentement à un engagement contractuel, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 1108 du Code civil ensemble pris l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que la clause attributive de juridiction figurait en caractères apparents parmi les conditions, stipulées au bordereau de règlement accompagnant le chèque litigieux, auxquelles l'offre du Crédit de l'Est était soumise et qu'en acceptant sans émettre de réserve le paiement dont elles étaient la contrepartie, la société Boulanger s'était obligée contractuellement et de manière autonome envers le Crédit de l'Est selon les modalités précisées par la lettre d'envoi du chèque litigieux auxquelles elle avait ainsi consenti en s'engageant à les respecter ; qu'en l'état de ces motifs dont il se déduisait qu'elle avait aussi accepté la clause attributive de juridiction, la cour d'appel, qui n'a pas violé les textes susvisés, a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Boulanger fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au Crédit de l'Est la somme de 162 819,13 francs, alors, selon le moyen :

1° qu'aucune mention apposée sur un chèque ou comprise dans la lettre accompagnant l'envoi du chèque, comportant une condition relative à son encaissement, ne peut avoir pour effet de faire obstacle au paiement à vue du chèque, de sorte que ces mentions sont sans effet et inopposables au bénéficiaire du chèque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, dans la lettre accompagnant le chèque qui lui avait été envoyé, figurait une mention soumettant l'encaissement du titre à une condition, mais a néanmoins dit que cette mention faisait obstacle au paiement à vue du chèque, ajoutant ainsi une condition aux dispositions claires et précises de la loi dont il résulte que toute mention faisant obstacle au paiement à vue du chèque est prohibée qu'elles soient directement apposées sur le titre ou qu'elles figurent dans la lettre accompagnant le titre ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 28 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;

2° que la cour d'appel qui juge qu'elle a encaissé un chèque au mépris des conditions d'encaissement prévues unilatéralement par la banque et inscrites sur le bordereau accompagnant le chèque, sans constater en quoi cette clause figurait explicitement sur ledit bordereau et sans que ne soit démontrée l'acceptation de cette éventuelle clause par celui qui en réclame l'exécution, c'est-à-dire la banque, renverse la charge de la preuve en lui faisant supporter la charge d'une preuve négative, c'est-à-dire qu'elle n'a pas eu connaissance et qu'elle n'a pas expressément accepté cette éventuelle clause, violant ainsi l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil ;

3° qu'en jugeant qu'elle devait payer la somme de 162 819,13 francs à la banque, qui n'a versé qu'une somme de 122 259,69 francs en application du prêt que celle-ci avait consenti à son client et dont certaines échéances ont été honorées, en augmentant la somme initiale d'un intérêt conventionnel de 16 % l'an sans relever en quoi elle avait accepté ce taux conventionnel, la cour d'appel a, là encore, renversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Boulanger avait accepté sans réserve les conditions de l'offre de financement du Crédit de l'Est, qui subordonnait la délivrance du prêt de la partie du prix qu'il avançait, au paiement, par l'acquéreur, de la fraction de ce prix exigible au comptant ; que la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, en a exactement déduit que le contrat de prêt, constitutif du rapport fondamental, ne s'étant pas formé, la société Boulanger devait, après avoir encaissé le chèque, en restituer le montant au Crédit de l'Est, et ce, indépendamment du motif, erroné au regard du droit du chèque, retenant que la clause litigieuse empêchait l'encaissement d'un tel instrument de paiement ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.