Cass. 3e civ., 5 septembre 2012, n° 11-19.549
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
SCP Boullez, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2011), que Mme X..., propriétaire d'un appartement donné à bail à M. Y... le 20 octobre 1993, a procédé, le 30 décembre 1999, à la donation-partage de ses biens à ses trois enfants, se réservant un quart en pleine-propriété et trois quarts en usufruit ; que le 3 janvier 2001, Mme X... et ses enfants ont apporté leurs droits à la société civile immobilière "Les Guys" ; que le 22 janvier 2008, Mme X... a délivré à M. Y... un congé pour reprise ; qu'à la suite de son décès, survenu le 20 octobre 2009, ses héritiers, Michel, Françoise, Chantal et Odile X... (les consorts X...), ont assigné M. Y... aux fins de faire déclarer valable le congé ; que M. Y... a soulevé la nullité du congé pour défaut de qualité de Mme X... ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de prononcer la nullité du congé et de les débouter de leur demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des statuts de la SCI Les Guys (p. 19) que le capital social de la société d'un montant de 1 360 000 euros est divisé en 13.600 parts de 100 euros chacune attribuées aux associés, que Mme Z..., M. Michel X..., Mme A... bénéficient chacun de 3.400 parts en nue-propriété, et que Mme veuve X... bénéficie de 3.400 parts en pleine propriété soit un total de 13.600 parts (3.400 x4) correspondant au capital social de 1.360.000 (13.600 x 100 ) ; qu'il en résulte dès lors que les 10.200 parts en usufruit attribuées à Mme veuve X... n'ont pas été valorisées dans le capital social de la société ; qu'en énonçant que les apports en usufruit ne seraient pas identifiés en valeur nulle, la cour d'appel a dénaturé les stipulations claires et précises de l'acte du 31 janvier 2001 portant statuts de la société, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les apports en usufruit donnent à l'apporteur des droits proportionnels à son apport dans le capital social ; que l'usufruit qui n'est pas valorisé dans le capital social ne peut avoir été apporté à la société par son titulaire ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134 et 1843-2 du code civil ;
3°/ qu'en relevant que les apports conjoints des droits démembrés ont été rémunérés par l'attribution de droits sociaux en pleine propriété, pour affirmer ensuite que le démembrement des droits de propriété aurait été reporté sur les parts sociales reçues en rémunération et que Mme Monique X... aurait par conséquent la qualité d'usufruitière des parts sociales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations de fait et privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1843-2 du code civil ;
4°/ qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir admis que la valeur en usufruit des parts sociales n'avait pas fait l'objet d'une valorisation particulière aux termes de la constitution de la société, ce dont il résulte que le prétendu usufruit des parts ne rémunérait pas un apport de son usufruit par Mme veuve X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 1134 et 1843-2 du code civil qu'elle a violé ;
5°/ que selon les déclarations d'ISF de Mme veuve X... produites aux débats, l'appartement de la rue des Gravilliers figurait à l'annexe relative aux «immeubles bâtis ou droits réels immobiliers portant sur des immeubles bâtis» ; qu'en affirmant que Mme X... avait été imposée au titre de l'ISF en tant qu'usufruitière des parts sociales, la cour d'appel a dénaturé les pièces qui lui étaient soumises et violé l'article 1134 du code civil ;
6°/ que l'usufruit d'une part sociale donne à l'usufruitier le droit de percevoir les dividendes dont la distribution a été décidée par l'assemblée générale ; qu'il ne lui donne aucun droit aux fruits produits par l'immeuble appartenant à la société ; que seul l'usufruitier de l'immeuble peut en percevoir les fruits ; qu'en énonçant que Monique X... aurait perçu les fruits de l'immeuble non pas en qualité d'usufruitière de l'immeuble mais en qualité d'usufruitière des parts sociales, la cour d'appel a violé les articles 582, 585 et 1844-1 du code civil ;
7°/ alors, en tout état de cause, qu'en l'absence de reconstitution de la pleine propriété du bien au profit du cessionnaire de l'usufruit et de la nue-propriété, ce dernier ne peut être assimilé à l'usufruitier ; que l'usufruitier conserve cette qualité et par conséquent a le pouvoir de donner congé du bail qu'il avait consenti au preneur avant la cession ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 617 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par une interprétation, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des statuts rendait nécessaire, que Mme X... et ses trois enfants avaient conjointement apporté l'usufruit et la nue-propriété du bien loué à la SCI Les Guys, devenue titulaire de toutes les prérogatives du droit de propriété, et que Mme X... avait été rémunérée de l'apport de son usufruit par l'attribution de 10 200 parts sociales en usufruit, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la portée des éléments de preuve produits, a exactement déduit de ces seuls motifs, que Mme X... n'avait plus qualité pour délivrer le congé litigieux, peu important que son usufruit n'ait pas été valorisé ni éteint par consolidation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.