Livv
Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 23 mars 2015, n° 12/05634

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roussel

Conseillers :

M. Lippmann, M. Franco

TGI Bordeaux, 1re ch., du 28 août 2012, …

28 août 2012

La société civile du château PALMER a été constituée en 1938 pour détenir le grand crû classé du même nom, de l'appellation Margaux.

En décembre 2009, son capital était détenu pour 66 % par 24 associés personnes physiques, descendants de l'un des fondateurs, et pour 34 % par la société S., également fondatrice.

L'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009 a essentiellement voté une nouvelle répartition du capital, adopté certaines modifications statutaires, agréé la société F. à constituer, refusé l'agrément des sociétés FMB, M., CHMB, adopté la création d'un conseil de surveillance, reconduit pour trois ans le gérant, M. Thomas D., dans ses fonctions et désigné comme cogérants la société F. et la société S..

Par actes des 21 juin et 2 juillet 2010, M. Christian M.-B., associé de la société civile Château PALMER, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux divers associés et la société civile, afin de voir annuler les délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009, de voir subsidiairement constater l'agrément de la cession de 1295 parts sociales en pleine propriété détenues par lui à la société CHMB et d'obtenir des dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 28 août 2012, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté M. Christian M.-B. de toutes ses demandes,

- condamné M.Christian M.-B. à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à :

* la société civile Château PALMER, à la société S. et à M. Michel D. la somme de 2000 € à chacun,

* chacun des autres intimés la somme de 500 €,

- condamné M.Christian M.-B. aux dépens.

M. Christian M.-B. a relevé appel de cette décision le 15 octobre 2012.

Compte tenu de l'accord des parties préalablement à l'ouverture des débats devant la cour et pour permettre le respect du principe du contradictoire, l'ordonnance de clôture en date du 26 janvier 2015 a été révoquée et le dossier a fait l'objet d'une nouvelle clôture à la date du 2 février 2015.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 janvier 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions d'appel de M. Christian M.-B., celui-ci demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- à titre principal,

- le dire recevable et bien fondé en son action et ses demandes,

- annuler les délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009, ainsi que tous les actes subséquents qui en découlent et en dépendent, dont les apports en usufruit temporaire des 11'496 parts sociales de la société civile Château PALMER à la société F., constatés à l'occasion de la signature des statuts de cette dernière postérieurement à l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009, ainsi que conséquemment la constitution et l'existence de la société F. elle-même,

- à titre subsidiaire,

- constater l'agrément de cession des 1 295 parts sociales en pleine propriété de la société civile Château PALMER détenues par M. Christian M.-B. à la SARL CHMB,

- en tout état de,

- condamner les associés assignés, la société F. et le gérant solidairement à lui verser la somme de un euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 15'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens,

- dire recevables et bien fondées les interventions volontaires de Messieurs Franck et Patrick M.-B..

Dans ses conclusions récapitulatives d'intervention volontaire, déposées et notifiées le 14 janvier 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions d'appel de M. Franck M.-B., celui-ci demande à la cour de :

- lui donner acte de son intervention volontaire et la déclarer recevable et bien-fondée,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a notamment validé l'agrément de la société F., non immatriculée au jour de l'assemblée générale du 12 décembre 2009,

- en conséquence,

- prononcé la nullité des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009 et notamment de la quatrième résolution, ainsi que de tous les actes subséquents qui en découlent et en dépendent, dont notamment la nullité de la cession d'une part sociale par M. Olivier B. à la société F. par acte du 12 décembre 200 9, les apports en usufruit temporaires des 11'496 parts de la société civile Château PALMER à la société F. constatés à l'occasion de la signature des statuts de cette dernière postérieurement à l'assemblée générale du 12 décembre 2009, ainsi que la nullité de la société F. notamment pour apport fictif,

- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 12'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 janvier 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions d'appel de M. Patrick M.-B., celui-ci demande à la cour de :

- dire qu'en vertu de l'article 12 des statuts de la société civile Château PALMER, la cession isolée de l'usufruit ou de la nue-propriété d'une part sociale nécessitait un agrément préalable,

- dire que les donations de la nue-propriété des parts de différents associés sont nulles faute d'agrément préalable,

- dire que les apports de l'usufruit des 11'496 parts de la société civile Château PALMER réalisés au 12 décembre 2009 sont nuls faute de notification à la société civile et à chacun des associés du projet de cession et faute d'agrément préalable,

- dire nulle la demande d'agrément de M. Olivier B.,

- dire nul l'agrément de la société F.,

- dire nulle la cession de part entre M. Olivier B. et la société F.,

- dire nulle la société F.,

- dire nulles l'ensemble des décisions prises en assemblée générale ou par consultation écrite de la société civile château PALMER, tenue depuis le 12 décembre 2009 pour avoir était adoptées sans que les associés cédants aient été régulièrement convoqués,

- dire qu'en violation de l'article 11 des statuts de la société civile, les nue-propriétaires n'ont pas été invités à émettre un avis consultatif sur les résolutions soumises au vote le 12 décembre 2009,

- dire que l'ensemble des résolutions soumises au vote le 12 décembre 2009 sont nulles,

- dire que la consultation écrite du 7 juillet 2010 et les assemblées postérieures sont nulles pour avoir été convoquées par des cogérants dépourvus de mandat,

- dire en toute hypothèse que l'assemblée générale du 15 février 2013 a été convoquée par des cogérants dont le mandat était expiré depuis le 13 décembre 2012,

- en conséquence,

- déclarer irrecevable la société civile château PALMER faute d'être valablement représentée dans le cadre de la procédure,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- prononcer la nullité des résolutions de l'assemblée générale du 12 décembre 2009,

- prononcer la nullité de l'agrément de la société F.,

- débouter les intimés de leurs demandes,

- condamner les succombants à lui verser la somme de 50'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 30 janvier 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions d'appel de la société S., celle-ci demande à la cour de :

- rejeter les conclusions de M. Patrick M.-B.

- dire l'appel irrecevable et en tout cas mal fondé,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- dire irrecevable et en tout cas mal fondée l'intervention de MM. Franck et Patrick M.-B. et les débouter de toutes leurs demandes

- y ajoutant, condamner M. Christian M.-B. à lui payer la somme de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

- condamner Messieurs Franck et Patrick M.-B. à lui payer, chacun, une indemnité de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 22 janvier 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions d'appel de la société F. et des consorts B., L., L., DE M., B., ceux-ci demande à la cour de :

- à titre principal,

- débouter Messieur Christian, Franck et Patrick M.-B. de toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement déféré,

- condamner solidairement MM. Christian, Franck et Patrick M.-B. à leur payer, à chacun, la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 janvier 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions d'appel de la société civile château PALMER et de M. Thomas D., ceux-ci demandent à la cour de :

- à titre principal,

- rejeter des débats pour tardiveté les dernières conclusions de M. Patrick M.-B.,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter Messieurs Christian, Franck et Patrick M.-B. de leur demande principale en nullité de l'assemblée générale du 12 décembre 2009,

- débouter M. Christian M.-B. de sa demande subsidiaire de constatation d'agrément de la société CHMB,

- dire irrecevables ou subsidiairement prescrites les demandes nouvelles de Messieurs Franck et Patrick M.-B. concernant la nullité de l'acte de cession d'une part à la société F., la nullité de l'apport de parts en usufruit et la nullité de la société F.,

- débouter Monsieur Christian M.-B. de ses demandes dirigées contre M. Thomas D.,

- à titre subsidiaire,

- octroyer un délai de six mois à la société civile Château PALMER pour couvrir l'éventuelle nullité de l'assemblée générale,

- dans tous les cas,

- condamner MM. Christian, Franck et Patrick M.-B. à payer à chacun la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Sur ce,

Il n'y a pas lieu de rejeter des débats les dernières conclusions déposées par M. Patrick M.-B. le 23 janvier 2015, alors que l'ordonnance de clôture a été rendue, avec l'accord de toutes les parties, le 2 février 2015 et qu'un délai suffisant a été donné à chacune des parties pour prendre connaissance des conclusions adverses et y répondre le cas échéant ; aucune demande de renvoi n'a d'ailleurs été formulée à l'audience.

1- sur la recevabilité de l'appel et des interventions de MM. Franck et Patrick M.-B..

L'appel formé par M. Christian M.-B. doit être déclaré recevable à défaut de tout moyen invoqué à l'appui de la demande d'irrecevabilité formée par la société S. et de toute cause susceptible d'être relevée d'office.

En application de l'article 557 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance.

Messieurs Franck et Patrick M.-B., qui n'étaient pas parties en première instance, ont intérêt, en leur qualité d'associés de la société civile Château PALMER à intervenir devant la cour statuant sur l'appel formé contre le jugement ayant rejeté la demande formée par l'un des associés visant à voir prononcer la nullité des délibérations d'une assemblée générale extraordinaire de cette société et à voir constater l'agrément de la cession de parts sociales au profit d'une société tierce.

Dans ces conditions, les interventions volontaires de Messieurs Franck et Patrick M.-B. doivent être déclarées recevables.

2- Sur la demande en nullité des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009 et sur les demandes en nullité accessoires et subséquentes.

Les demandes en nullité de la donation de parts de la société civile Château PALMER en nue-propriété, de la cession d'une part en pleine propriété, de l'apport de parts en usufruit, de l'agrément de la société F. et de la désignation de cogérants s'avèrent recevables en appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges ayant principalement pour objet l'annulation de l'agrément en qualité d'associé de la société F. et l'annulation des cessions de parts sociales, en pleine propriété et usufruit, consenties à cette société et qu'elles sont accessoires et subséquentes à ces demandes originaires.

Il convient d'examiner successivement chacun des moyens invoqués à l'appui de ces demandes.

a) Sur l'impossibilité d'agréer une « société à constituer ».

Dans sa quatrième résolution, l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009 a décidé, conformément aux dispositions de l'article 12 des statuts, d'agréer en qualité de nouvel associé la société F., représentée par Monsieur Olivier B., société à constituer à l'issue de l'assemblée générale.

L'article 12 des statuts stipulait alors notamment que : « les cessions de parts sont libres entre associés et au profit de leurs descendants. Toute autre cession ne peut être faite qu'avec le consentement de la majorité en nombre des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, cette majorité étant déterminée compte tenu de la personne et des parts de la société cédante. »

Il apparaît en l'espèce que l'agrément de la société F. faisait suite à la demande formée par Monsieur Olivier B., par lettre du 10 novembre 200 9, visant à être autorisé à céder une action de la société civile Château PALMER à la société F., qu'il indiquait dans ce courrier vouloir constituer à l'issue de l'assemblée générale appelée à statuer sur sa demande d'agrément, en précisant que cette société avait vocation à recevoir également l'usufruit de 11'496 parts sociales.

Ainsi, en agréant la SAS F., société à constituer, l'assemblée générale a nécessairement autorisé la cession d'action envisagée par M. B. au profit d'une société qu'il n'entendait constituer que dans l'hypothèse où l'assemblée générale lui donnait l'accord sollicité, société qui avait pour objet exclusif l'acquisition de parts sociales de la société civile et leur gestion et dont les apports étaient constitués de parts sociales de cette société civile, outre un apport en numéraire de un euro.

Aucun engagement n'a été pris par la société F., elle-même, et l'assemblée générale a valablement pu accepter le principe de la cession au profit d'une société, précisément définie et à constituer, ayant vocation à devenir associé de la société civile château PALMER dés lors que M. B. était autorisé à lui céder une action.

Au vu de ces considérations et en adoptant pour le surplus les motifs non contraires des premiers juges, ce moyen doit être rejeté.

b) Sur l'abus de droit et la rupture d'égalité entre les associés.

Il ressort de l'examen de l'ensemble des éléments de la cause que les associés ont été régulièrement convoqués le 27 novembre 2009 pour l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009 à 8heures15, avec précision de l'ordre du jour et annexion à la convocation des documents nécessaires, notamment la copie de la lettre de demande d'agrément de la société F. et le texte des résolutions proposées.

Ainsi, les associés ont pu prendre connaissance 15 jours avant l'assemblée des questions à débattre et ont disposé d'un délai suffisant pour y réfléchir et prendre, le cas échéant, conseil.

De même, la convocation est régulièrement intervenue pour une assemblée générale extraordinaire devant être tenue à 8 heures 15 et le fait que l'usage était de commencer par l'assemblée générale ordinaire ne permet pas de caractériser une volonté de prendre au dépourvu certains associés.

La convocation à l'assemblée du conseil juridique de la société, le cabinet F., n'est aucunement prévue par les statuts de la société civile et aucun des associés, qui avaient régulièrement reçu la convocation et les pièces annexes, n'a formé de demande préalable visant à sa présence à l'assemblée. Il ne peut être déduit de la simple non-communication de la consultation juridique effectuée par ce cabinet une volonté d'induire en erreur une partie des associés alors que ceux-ci disposaient des éléments suffisants pour prendre leurs décisions et que certains, notamment l'appelant et les intervenants à la présente procédure, se sont d'ailleurs régulièrement opposés à l'adoption des délibérations litigieuses.

Le fait que la majorité des associés se soit opposée à un report des délibérations et ait refusé divers amendements ressort du pouvoir décisionnel de la majorité des membres l'assemblée générale alors que les décisions contestées ont été régulièrement prises et ne permet de caractériser aucun abus.

De même, le fait que d'autres demandes d'agrément de sociétés aient été refusées par l'assemblée générale extraordinaire résulte d'un vote régulier des associés qui ont pu apprécier l'opportunité de ces demandes compte tenu de leurs propres critères d'appréciation, sans que ne soit caractérisé un abus de droit et une volonté de nuire aux associés minoritaires.

L'agrément donné à la société F. ne s'avère pas contraire à l'intérêt social alors qu'il permet d'éviter les difficultés d'administration susceptibles de résulter de la dilution du capital et qu'il permet de fédérer les votes de personnes physiques, facilitant ainsi la tenue des assemblées générales.

De plus, les statuts la société F., qui a pour objet de détenir l'usufruit de parts de la société civile pendant une durée de 10 ans, prévoient la capitalisation des dividendes au sein de la société, permettant d'offrir une liquidité aux associés majoritaires ou minoritaires souhaitant céder leurs parts.

Cet agrément ne vise pas à favoriser l'unique intérêt des associés majoritaires, mais permet un meilleur fonctionnement de la société, et aucun préjudice en résultant pour les associés minoritaires n'est caractérisé.

c) Sur le détournement du droit d'agrément.

Aucun détournement du droit d'agrément n'est établi alors que la lettre de M. Olivier B. du 10 novembre 2009, annexée à la convocation, précisait de façon claire sa volonté de céder une part à la société F. et la vocation de cette société à recevoir l'usufruit de 11'496 parts sociales pour une durée de 10 ans.

Il est constant qu'une fois devenue associée, du fait de la cession agréée d'une part, la société F., en l'état des statuts, pouvait recevoir toutes autres actions ou démembrements d'actions de sociétés, sans avoir besoin de solliciter un nouvel agrément. Ce mécanisme était nécessairement connu de l'ensemble des associés et M. B. a expressément précisé ses intentions dans le courrier susvisé.

La nomination en qualité de cogérants des sociétés F. et S. a fait l'objet d'une résolution autonome et ne permet pas de caractériser un détournement du droit d'agrément.

d) Sur la demande de de M. Patrick M.-B. visant à la nullité de la donation de la nue-propriété des 11'946 parts sociales.

M. Patrick M.-B. ne peut valablement invoquer la nullité pour défaut d'agrément de cette donation faite par un associé à ses descendants alors que l'article 12 des statuts de la société civile stipule que « les cessions de parts sont libres entre associés et au profit de leurs descendants ».

Ce texte ne fait aucune distinction entre la cession de la pleine propriété d'une part et la cession de la nue-propriété ou de l'usufruit.

La demande de nullité de ce chef donc être rejetée.

e) Sur la demande en nullité de l'apport en usufruit de 11'946 parts sociales.

M. Patrick M.-B. ne peut valablement invoquer à l'appui de ses demandes en nullité le fait que cet apport soit antérieur à la constitution de la société F. alors qu'en tout état de cause l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009 a agréé la société F. en qualité d'associé et donc également agréé toute éventuelle cession de parts antérieure.

Cette décision a, de plus, été confirmée par la résolution adoptée par écrit en juillet 2010 et l'ensemble de la procédure afférente à l'agrément de la société et à la cession de parts à son profit a été régularisée.

En tout état de cause des éléments du dossier ne permettent pas de caractériser l'antériorité alléguée alors que les pièces visées concernent non la cession de parts en usufruit mais un apport en numéraire de un euro et la cession de la pleine propriété d'une part sociale. L'acte d'apport des descendants de M. Olivier B. à la société F. n'est pas produit.

f) Sur les demandes en nullité de la cession d’une part de Monsieur Olivier B. à la société F. et la demande en nullité de l'agrément de la société F..

Il ne peut valablement être soutenu que le projet de cession de part n'a pas été soumis aux associés alors que le courrier du 10 novembre 2009 a été annexé à la convocation à l'assemblée générale du 12 décembre 2009, peu important l'adresse du siège social futur de la société F. qui s’avère sans aucune incidence sur l'appréciation de la décision à prendre par les associés. L'acte de cession de part sociale de M. B. à la société F. est en date du 12 décembre 2009 et les éléments de cause ne caractérisent pas que cette cession soit intervenue avant l'agrément donné par l'assemblée générale.

En tout état de cause, l'assemblée générale a agréé la cession et renouvelé son accord par délibération écrite en juillet 2010.

De même, la demande en nullité de l'agrément de la société F. doit être rejetée, celui-ci ayant régulièrement été donné par l'assemblée générale extraordinaire et renouvelé par consultation écrite.

Quant à la majorité prévue à l'article 12 des statuts pour voter la quatrième résolution, il apparaît que celle-ci a bien été acquise dès lors que :

- cette résolution a été adoptée à « la majorité des voix » alors que l'article 18-2 stipule que l'assemblée générale extraordinaire peut délibérer si elle réunit des associés représentant plus des deux tiers des parts et que ses décisions sont prises à la majorité des deux tiers des voix des associés présents,

- l'assemblée générale du 12 décembre 2009, dont les associés présents ou représentés possédaient 63'000 parts sociales, réunissait le quorum prévu et il n'est aucunement justifié que la majorité des deux tiers n'ait pas été acquise.

De plus, cette décision a été ratifiée par consultation écrite en juillet 2010.

g) Sur le caractère fictif de l'apport.

Il ne peut valablement être soutenu que l'apport en usufruit de parts sociales revêt un caractère fictif en raison de son caractère temporaire alors que l'effectivité de l'apport résulte de la capacité de la société F., en sa qualité d'associé de la société civile château PALMER, à exercer l'ensemble des droits découlant de cette qualité.

h) Sur la nomination des gérants.

M. Patrick M.-B. sollicite la nullité de la désignation des sociétés F. et S. en qualité de cogérants, aux termes de la 10e résolution de l'assemblée générale du 10 décembre 2009 en invoquant l'article 11 des statuts stipulant que les nus-propriétaires doivent être convoqués aux assemblées générales dans lesquelles l'usufruitier exerce seul le droit de vote, afin d'émettre un avis consultatif.

Il s'avère cependant que les éléments de la cause n'établissent nullement que l'ensemble des nus-propriétaires n'ait pas été convoqué à l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009, alors que le procès-verbal précise que la convocation a été faite le 27 novembre 2009 à chaque associé, que la société comporte 63'000 parts et que les associés présents ou représentés possèdent bien 63'000 parts.

De plus les décisions prises ont été ratifiées par consultation écrite en juillet 2010.

M. Patrick M.-B. invoque également la nullité de la confirmation du mandat de gérant de M. Thomas D. et de la désignation des cogérants, selon 9° et 10e résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 2009 en invoquant la nullité de l'agrément de la société F. et l'irrégularité de la quatrième résolution relative à cet agrément.

Alors qu'il a été statué ci-avant sur ces moyens, la demande subséquente en nullité de la confirmation du gérant et de la désignation des cogérants doit être rejetée.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, la demande en nullité des délibérations de l'assemblée générale du 12 décembre 2009 doit être rejetée ainsi que les demandes en nullité, accessoires ou subséquentes, de la donation de la nue-propriété de ses parts par M. Olivier B., des apports en usufruit, de la demande d'agrément de M. Olivier B., de la cession d'une part entre M. B. et la société F., de la consultation écrite du 7 juillet 2010 et de l'agrément de la société F..

De même, il ne peut être valablement être soutenu que la société civile château PALMER est irrecevable pour ne pas être valablement représentée dans la présente procédure.

3- Sur les autres demandes en nullité.

La demande en nullité de l'assemblée générale du 15 février 2013 constitue une demande nouvelle et s'avère donc irrecevable devant la cour alors qu'elle se fonde sur l'expiration des mandats des gérants et qu'elle ne constitue pas l'accessoire ou la conséquence des demandes initialement formées.

La demande en nullité de la société F., elle-même, s'avère également irrecevable pour être nouvelle devant la cour et de plus prescrite en application de l'article 1844-14 du Code civil dès lors qu'elle a été formée plus de trois ans après sa constitution en décembre 2009, par conclusions déposées en 2014 et qu'elle ne correspond pas à une exception de nullité.

4- Sur la demande subsidiaire en constatation de la cession de parts sociales par M. Christian M.-B. à la société CHMB.

Les premiers juges ont effectué de ce chef une exacte analyse et une juste appréciation des éléments de la cause alors que M. Christian M.-B. s'est vu notifier le refus d'agrément le 6 janvier 2010 et que dans le délai de six mois prévu à l'article 12 des statuts de la société civile Château PALMER, la société F. a présenté par lettre du 9 mars une offre ferme de rachat portant sur les 1 295 parts sociales en pleine propriété, objet de la demande d'agrément, avec valeur à déterminer par expert, à défaut d'accord sur la valorisation des titres. Cette offre a été renouvelée par courrier du 7 mai 2010 avec valeur fixée à 433 €, pouvant être supérieure si la société communiquait une valeur annuelle supérieure pour l'année 2010.

Le jugement déféré doit, en conséquence, être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande subsidiaire.

5- Sur les autres demandes.

Il convient de constater qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de M. Thomas D. dans les dernières écritures de l'appelant et des intervenants et que la demande présentée de ce chef par la société civile Château PALMER et M. D. s'avère sans objet.

Les premiers juges ont effectué une juste application de l'article 700 du code de procédure civile et de la charge des dépens.

L'équité commande de condamner in solidum Messieurs Christian, Franck et Patrick M.-B. à payer au titre des frais irrépétible d'appel à :

- la société S. la somme de 2 000 €,

- la société F. et les consorts B., L., L., DE M., B. la somme globale de 4 000 €,

- la société civile Château PALMER et M. D. la somme globale de 2 000 €.

Messieurs Christian, Franck et Patrick M.-B. supporteront la charge des dépens d'appel.

Par ces motifs,

La Cour,

- Constate que l'ordonnance de clôture rendue le 26 janvier 2015 a été rabattue avec l'accord des parties et que la clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 2 février 2015.

- Déclare recevable l'appel formé par M. Christian M.-B..

- Déclare recevables les interventions volontaires de Messieurs Franck et Patrick M.-B..

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

- Déclarer irrecevables les demandes en nullité de la société F. et la demande en nullité de la délibération de l'assemblée générale de la société civile château PALMER du 15 février 2013.

- Condamne in solidum Messieurs Christian, Franck et Patrick M.-B. à payer au titre des frais irrépétible d'appel à :

- la société S. la somme de 2 000 €,

- la société F. et les consorts B., L., L., DE M., B. la somme globale de 4 000 €,

- la société civile Château PALMER et M. D. la somme globale de 2 000 €.

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

- Condamne in solidum M. Christian, Franck et Patrick M.-B. aux dépens d'appel et en accorde distraction au profit de Maître D., de Maître L. et de Maître A.