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Décisions

Cass. com., 18 novembre 1997, n° 95-19.085

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Boré et Xavier, Me Bertrand, Me Parmentier

Paris, 3e ch. C, du 2 juin 1995

2 juin 1995

Met, sur sa demande, hors de cause M. Y..., pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Julie Maille, contre lequel n'est dirigé aucun des moyens du pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué que M. X... Silva, gérant minoritaire de la société Julie Maille (la société) a été mis dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions par l'associé majoritaire, M. Z..., qui lui a matériellement interdit l'accès des locaux de la société; qu'il a assigné ce dernier pour obtenir, d'une part, paiement de sa rémunération de gérant et, d'autre part, des dommages-intérêts à raison des pertes subies du fait de la liquidation de la société ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... Silva reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une certaine somme au titre des pertes de la liquidation, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il incombe à celui qui se prétend déchargé de prouver le fait générateur de sa décharge; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que M. Z... lui a interdit l'accès aux locaux sociaux et a, ainsi, interrompu toute activité sociale; qu'ainsi, c'est à M. Z... qu'incombait la charge de prouver qu'au jour de la rupture qu'il lui a imposée, ce dernier ne pouvait prétendre à une dissolution de la société générant des pertes; qu'en le déboutant, motif pris qu'il ne rapportait pas la preuve que les comptes de liquidation eussent été bénéficiaires au jour de la rupture des associés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil; alors, d'autre part, que la cour d'appel relève que c'est par la faute de M. Z... que la société a cessé toute activité; qu'en le déboutant de sa demande en remboursement des pertes consécutives à une liquidation déficitaire, motif pris de ce qu'il ne prouvait pas que les comptes eussent été bénéficiaires au jour de la rupture, lors même qu'elle relevait par ses constatations que M. Z... lui avait fait perdre la chance d'obtenir une liquidation bénéficiaire, la cour d'appel a violé les articles 1844-1 et 1848 du Code civil, ainsi que les articles 50 et suivants de la loi du 24 juillet 1966, et alors, enfin, qu'il est constant, et la cour d'appel le relève, que M. Z... lui a interdit l'accès aux locaux de la société à compter du 1er novembre 1991, qu'en lui faisant obligation de prouver que les comptes de liquidation auraient été bénéficiaires au jour de la rupture, alors qu'elle relève que, depuis novembre 1991, il n'a pu réintégrer les locaux de la société et n'a donc pu avoir accès aux comptes, la cour d'appel a mis à sa charge une preuve impossible, violant ainsi l'article 1315 du Code civil et les articles 50 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver; que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient, d'une part, que M. X... Silva, auquel, en sa qualité de demandeur, incombe la charge de la preuve, ne met au débat aucun élément comptable justifiant que les comptes de liquidation auraient été bénéficiaires, même effectués à la date de rupture entre les deux associés et, d'autre part, que la poursuite de l'activité n'était qu'éventuelle, les mauvaises affaires de la société telles qu'elles apparaissent dans les comptes au 31 décembre 1990 étant antérieures à la rupture entre les associés; qu'à partir de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas mis la preuve à la charge du demandeur; a pu statuer comme elle a fait; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1315 du Code civil et l'article 55 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu que pour rejeter le demande de M. X... Silva en paiement des sommes dues au titre de sa rémunération de gérant, la cour d'appel se borne à relever qu'il ne met au débat aucun élément comptable permettant d'apprécier les chances de survie de la société au-delà de l'année 1991 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... Silva, qui n'avait pas été révoqué de ses fonctions de gérant était en droit de percevoir sa rémunération, à défaut de décision contraire régulièrement prise par l'assemblée des associés,,et qu'il appartenait à l'associé majoritaire qui en refusait le paiement, de rapporter la preuve que cette rémunération n'était pas due, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... Silva en paiement des sommes dues au titre de sa rémunération de gérant, l'arrêt rendu le 2 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.