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Décisions

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-11.958

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme de Cabarrus

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Dijon, du 23 janv. 2018

23 janvier 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 23 janvier 2018), par contrat daté du 14 juin 2013, la SARL Ecrans du Grand Est (la société EGE) a signé une promesse de vente portant sur un bien immobilier lui appartenant, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt par l'acquéreur, M. M....

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

2. M. M... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mise hors de cause comme n'étant plus partie à l'acte du 14 juin 2013 alors :

« 1°/ que la preuve d'un fait est libre ; qu'en affirmant que M. M... n'apportait pas la preuve d'une substitution en faisant valoir un versement du dépôt de garantie par la société [...] et un refus adressé à cette dernière sur la demande de prêt, la cour d'appel a, en définitive, nié toute liberté de la preuve, subordonnant la preuve de la substitution à la production d'un écrit ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du même code ;

2°/ que M. M... faisait valoir que la société EGE reconnaissait elle-même la substitution d'acquéreur, qu'elle connaissait parfaitement, dès lors qu'elle produisait aux débats un refus de prêt opposé à la société [...] ; qu'en ne répondant pas à ce moyen des conclusions de M. M..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu qu'il ne suffisait pas à M. M... de se prévaloir du versement, par la société [...], du dépôt de garantie et du refus d'une demande de prêt formée par cette dernière pour établir qu'il s'était substitué ladite société dans le bénéfice de la promesse du 14 janvier 2013.

4. En cet état, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, n'a pas subordonné la preuve de la substitution à la production d'un écrit.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La société EGE fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il rejetait sa demande de dommages-intérêts et de prononcer l'annulation du contrat conclu le 14 juin 2013 avec M. M... alors :

« 1°/ que le gérant d'une société à responsabilité limitée est investi, dans les rapports avec les tiers, des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés ; que la cession d'un immeuble ne constitue pas un acte réservé par la loi aux associés ; qu'en retenant, pour annuler le contrat, que M. L..., gérant de la société EGE n'avait pas le pouvoir d'engager cette dernière pour la vente d'un bien immobilier, la cour d'appel a violé l'article L. 223-18 du code de commerce ;

2°/ que la vente d'un immeuble n'étant pas réservée par la loi aux associés, l'objet de la société EGE était, au regard des pouvoirs du gérant, indifférent ; qu'en retenant, pour annuler le contrat, qu'il n'était pas justifié de l'objet social de la société EGE, la cour d'appel a violé l'article L. 223-18 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 223-18 du code de commerce :

4. Selon l'alinéa 5 de ce texte, dans les rapports avec les tiers, le gérant de la société à responsabilité limitée est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est donc engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

5. Pour prononcer l'annulation du contrat conclu entre la société EGE et M. M... et rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société EGE, l'arrêt retient que le pouvoir de M. L... d'engager cette société pour la vente d'un bien immobilier n'est aucunement prouvé, en l'absence notamment d'un justificatif de l'objet social.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture, l'arrêt rendu le 23 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.