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Décisions

Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-12.183

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Jean-Philippe Caston, SCP Piwnica et Molinié

Basse-Terre, du 9 oct. 2017

9 octobre 2017

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 9 octobre 2017), M. F... était cogérant, aux côtés de Mme O..., depuis 2011, de la société à responsabilité limitée Techno Pieux Guadeloupe, devenue la société Focon (la société), jusqu'à sa révocation, décidée lors de l'assemblée générale du 19 mai 2014.

2. Le 31 mars 2015, la société l'a assigné en remboursement des rémunérations qui lui avaient été versées en sa qualité de gérant, de dépenses exposées dans le cadre de ses fonctions et des cotisations sociales personnelles, qui avaient été indûment supportées par la société. Reconventionnellement, M. F... a demandé réparation du préjudice causé par sa révocation, intervenue selon lui de manière brutale et sans juste motif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. F... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de réparation au titre du caractère abusif et injustifié de sa révocation, alors :

« 1°/ que la révocation du gérant, ou des manquements de nature à l'entraîner, doivent être prévus à l'ordre du jour de l'assemblée générale au cours de laquelle elle est décidée ; que la révocation qui n'est pas annoncée ou prévisible, permettant à l'intéressé de s'y préparer, est irrégulière ; que la cour d'appel qui a constaté que ni la révocation de M. F..., ni aucun manquement susceptible de l'entraîner, ne figurait à l'ordre du jour, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en retenant que la révocation était régulière ; qu'elle a violé l'article L. 223-25 du code de commerce et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ que le gérant doit pouvoir s'expliquer sur les griefs qui lui sont reprochés avant que les associés se prononcent sur sa révocation ; que la cour d'appel a constaté que "l'examen de la gestion de M. F... avait permis de statuer immédiatement sur sa révocation" ; qu'il en ressortait que la révocation de M. F..., décidée sans qu'il puisse s'en expliquer, était irrégulière ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 223-25 du code de commerce et l'article 6 § 1 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ que la révocation du gérant doit reposer sur un juste motif ; que pour juger la révocation justifiée, la cour d'appel a affirmé qu'elle n'était pas sans juste motif "vu les fautes retenues à l'endroit de M. F..." ; qu'en ne s'expliquant pas sur les manquements reprochés à M. F..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

4°/ que les premiers juges avaient reproché à M. F... une situation de conflit d'intérêt, pour être gérant de deux sociétés concurrentes, les sociétés Techno Pieux Guadeloupe et Technopose ; qu'en répondant pas aux conclusions de M. F..., qui faisait valoir que les deux sociétés n'étaient pas concurrentes mais avaient une activité complémentaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 223-25, alinéa 1, du code de commerce, le gérant d'une société à responsabilité limitée peut être révoqué par décision des associés. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.

6. En premier lieu, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que lors de l'assemblée générale des associés, à l'issue de laquelle M. F... a été révoqué de ses fonctions de cogérant, ont été discutées différentes anomalies ou irrégularités ayant conduit les associés, qui n'avaient pas obtenu de réponses aux questions qu'ils avaient préalablement posées par écrit au cogérant sur la gestion de la société, à ne pas approuver les comptes des exercices précédents, ni la rémunération du cogérant.

7. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les questions inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée générale étaient susceptibles de déboucher sur celle de la révocation du cogérant et que ce dernier avait été à même de présenter ses observations sur les fautes qui lui étaient reprochées à cet égard préalablement à sa révocation, la cour d'appel a pu écarter le grief pris de la brutalité de la révocation, peu important que celle-ci n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale.

8. En second lieu, l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que les comptes soumis à l'approbation des associés étaient peu rigoureux et comportaient une erreur dans les stocks, que les prélèvements effectués par M. F... étaient en augmentation, que les relations de la société avec une société Technopose, dont M. F... assurait également la direction, n'avaient pas été clarifiées, comme celui-ci s'y était engagé, par la soumission de conventions à l'approbation des associés.

9. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, dont elle a déduit que la révocation de M. F... avait été décidée pour un juste motif, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la quatrième branche, a légalement justifié sa décision.

10. Le moyen n'est, en conséquence, fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.