Livv
Décisions

CA Metz, ch. com., 7 juillet 2015, n° 14/01382

METZ

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Messias

Conseillers :

Mme Knaff, Mme Cunin-Weber

CA Metz n° 14/01382

6 juillet 2015

EXPOSE DU LITIGE

Christelle P. a créé la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, immatriculée pour la première fois au registre du commerce et des sociétés de METZ en 2006, avec pour objet social la conception et l'ingénierie en bâtiment ;

Compte tenu des résultats de l'entreprise, Christelle P. a fait une déclaration de cessation des paiements au Tribunal de grande instance de METZ en vue de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire immédiate, sans aucune période d'observation ;

L'origine des difficultés remonte à fin 2008 mais, évoquant l'évolution négative de la société, elle a souhaité mettre en place, courant 2009, un financement bancaire par le biais de l'organisme OSEO en lien avec la Banque KOLB et qui devait être garanti par son compagnon d'alors ;

Or, le 10 décembre 2009, la société déposait plainte pour un cambriolage qui rendait toute poursuite de son activité impossible, y compris après l'analyse faite par l'expert de la compagnie d'assurances, le 23 février 2010 ;

Par jugement du 28 avril 2010, la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION fixant la date de l'état de cessation des paiements au 1er décembre 2008 et a désigné la SCP N., N. et L., prise en la personne de Me Gérard N., comme mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire ;

Le 17 avril 2013, la SCP N., N. et L., prise en la personne de Me Gérard N., ès-qualité de mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, a fait assigner Christelle P. devant la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ aux fins de l'entendre condamnée au titre de l'insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce ;

Elle sollicitait ainsi :

- la condamnation de Christelle P. au paiement d'une somme de 127 410,67 € au titre de l'obligation aux dettes sociales, sur le fondement de l'article L.651-1 du code de commerce;

- la condamnation de Christelle P. au paiement d'une somme de 3 588,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par jugement du 19 mars 2014, la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ a :

- déclaré Christelle P. responsable de l'insuffisance d'actif de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION à hauteur de 127 410,67 € ;

- condamné Christelle P. à payer à la SCP N., N. et L., prise en la personne de Me Gérard N., ès-qualité de mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION les sommes suivantes :

* 127 410,67 € au titre de l'insuffisance d'actif ;

* 800,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné les publicités légales prévues aux articles R.653-3 et R.621-8 du code de commerce;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné Christelle P. aux dépens ;

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que les cinq conditions fixées par l'article L.651-2 du code de commerce étaient remplies pour admettre l'action en insuffisance d'actif sans que, pour autant, ne puisse être retenu un détournement d'actif ;

Ainsi, outre le caractère de personne morale de droit privé de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, la qualité de dirigeant de droit de Christelle P. et la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, il a été constaté que l'absence totale d'actif, alors que le passif admis est de 127 410,67€, établissait l'insuffisance d'actif ;

S'agissant de la cinquième condition liée à la faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, elle résiderait dans le fait, selon l'analyse de Me Gérard N. partagée pour l'essentiel par le Tribunal de grande instance de METZ, que Christelle P. a poursuivi une activité gravement déficitaire, avoir tardé à déclarer l'état de cessation des paiements, avoir dissimulé une partie de l'actif de la société et avoir fait preuve d'une absence complète de coopération avec les organes de la procédure ;

Sur ce dernier point toutefois, la juridiction relève que la faute de gestion devant être antérieure à l'ouverture de la procédure collective, il ne peut être reproché à Christelle P. un défaut de coopération avec les organes de la procédure au titre de l'action en insuffisance d'actif ;

Le 5 mai 2014, Christelle P. a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe de cette Cour sous le numéro RG 14/01382 ;

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives du 2 mars 2015, Christelle P. conteste le reproche de ne pas avoir entrepris de démarches sérieuses pour pallier la situation d'impayés puisqu'elle affirme avoir obtenu de la Banque KOLB, via l'organisme OSEO, un financement devant lui permettre d'apurer la situation mais que le vol intervenu et la faible indemnisation entrevue l'ont conduite à former sa requête tendant à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire immédiate le 12 avril 2010, soit quatre mois après le vol et moins de deux mois après l'expertise ayant débouché sur l'indemnisation proposée par son assurance ;

Quant au grief tenant à la poursuite de l'activité déficitaire, Christelle P. fait valoir que Me Gérard N. ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre celle-ci et l'insuffisance d'actif ;

S'agissant du grief de dissimulation d'actif constitutif de détournement d'actif, comme de celui d'absence de coopération avec les organes de la procédure, l'appelante souscrit à l'analyse faite par les premiers juges et rappelle que le vol a bien donné lieu à dépôt de plainte en date du 10 décembre 2009, suivi des opérations d'expertise menées par sa compagnie d'assurance et que, d'autre part, elle a envoyé toutes les pièces requises au liquidateur courant mars 2011 par la poste et comme celui-ci a affirmé ne pas les avoir reçues, elle a alors déposées directement les originaux dans la boîte aux lettres de Me Gérard N., qui lui avait adressé la première demande de document en janvier ou février 2011 seulement ;

Christelle P. sollicite le rejet de la demande au titre du comblement de passif compte tenu de ce que la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION a dû faire face à un gros impayé émanant du Groupe R. COMMUNICATION, puis d'un promoteur et qu'elle a dû affronter la crise advenue dans l'immobilier, outre le vol dont la société a été la victime. Elle précise que depuis lors, elle a dû retourner chez ses parents, vit désormais avec le RSA et que l'argent qu'elle avait injecté dans la société, argent emprunté, est perdu. A titre subsidiaire, elle souhaite ne pas être déclarée responsable de la totalité du passif ;

En conclusion, Christelle P. demande à cette Cour de :

- recevoir son appel et le dire bien fondé ;

- infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

* débouter la SCP N., N. et L., prise en la personne de Me Gérard N., ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, de l'ensemble de ses demandes ;

- très subsidiairement, réduire la condamnation de Christelle P. à de plus justes proportions;

- condamner la SCP N., N. et L., prise en la personne de Me Gérard N., ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ;

En l'état de ses ultimes conclusions datées du 20 novembre 2014 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, la SCP N., N. et L., prise en la personne de Me Gérard N., ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, reprend les arguments qu'elle a développés en première instance ;

A ce titre, elle rappelle que Christelle P. s'est abstenue de déclarer la cessation des paiements dans le délai requis puisque la date retenue par les premiers juges pour fixer la cessation des paiements est le 1er décembre 2008 et qu'elle n'a effectué la déclaration de cessation de paiement que le 31 mars 2010 alors que plus de 50% du passif déclaré a été créé avant décembre 2009 et que les bilans 2008 et 2009 établissent que dès la fin 2008, la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION ne disposait plus d'aucun actif disponible pour faire face au passif exigible et que la trésorerie était exsangue ;

Ainsi, le délai de 45 jours prévu par les articles L. 631-4 et L. 640-4 du code de commerce pour solliciter l'ouverture d'une procédure collective à compter de la date de cessation des paiements a été largement dépassé. Or, Christelle P. ne pouvait ignorer la situation puisque, dès janvier 2009, elle a sollicité la mise en place d'un échéancier auprès d'un de ses contractants, la société ALTRANS LOCATION pour un montant de 1 718,65 €. La correspondance de l'organisme OSEO du 14 décembre 2009 est donc inopérante.

Par ailleurs, la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION a accru de manière récurrente son passif au point qu'entre le 31 décembre 2008 et le 31 mars 2010, les capitaux propres sont passés de - 54 013,00€ à - 93 285,00 €, soit 15 fois moins. Les dettes, sur les mêmes périodes, ont évolué de 65 166,00 € à 111 427,00 € ;

Sur l'absence de coopération avec les organes de la procédure collective, l'intimée expose qu'à l'ouverture de la procédure collective, Christelle P. a indiqué qu'elle disposait de trois créances d'un montant de 5 166,66 € à recouvrer ce qui a conduit le mandataire judiciaire à lui demander les transmissions des documents nécessaires en vue de permettre leur recouvrement par la voie judiciaire. Or, ce n'est qu'en octobre 2011qu'elle a déposé lesdits documents de sorte que tout recouvrement devenait illusoire. Cette carence de 18 mois de la gérante a empêché que puisse être réalisé le moindre actif. En réponse au moyen soulevé par le Tribunal de grande instance de METZ pour écarter ce grief, Me Gérard N. se fonde désormais sur l'article 1382 du code civil pour les fautes de gestion commises postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;

En conséquence, la SCP N., N. et L., prise en la personne de Me Gérard N., ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, sollicite de cette Cour qu'elle :

- rejette l'appel ;

- déboute Christelle P. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirme le jugement entrepris ;

- condamne Christelle P. aux entiers dépens ainsi qu'à une somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites en date du 12 décembre 2014, le ministère public requiert la confirmation du jugement entrepris au motif que le passif de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION a été créé pour moitié avant fin 2009, que l'actif disponible était d'ores et déjà insuffisant pour y faire face de sorte que la déclaration de cessation des paiements n'a pas été effectuée dans le délai légal constituant par là-même une faute de gestion ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en comblement de passif

Il résulte de l'article L. 651-2 du code de commerce que 'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.' ;

* s'agissant des critères non contestables

La S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION est une personne morale de droit privé, inscrite au registre du commerce et des sociétés de METZ depuis 2006 sous le numéro 490 057 35, au capital de

6 000, 00 € et ayant pour gérante Christelle P., dirigeante de droit de cette société ;

La S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée prononcée le 28 avril 2010 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ à la suite de sa saisine par requête de ladite société déposée le 12 avril 2010 (pièce n1 de l'intimée), étant précisé que la même juridiction a mis fin à l'application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée suivant jugement du 12 décembre 2012 (pièce n2 de l'intimée) ;

La Cour constate que le moyen écarté de manière pertinente par les juges de première instance tenant à une dissimulation d'une partie de l'actif de la société et soutenu par la SCP N., N. et L., prise en la personne de Gérard N., mandataire judiciaire en charge de la liquidation judiciaire de la SARL PMC CONSTRUCTION, n'est plus repris en cause d'appel ;

Aucun élément nouveau venant étayer ce moyen au stade de l'appel, la Cour confirme le jugement entrepris sur ce point ;

* s'agissant du critère de l'insuffisance d'actif

Il ressort du procès-verbal d'inventaire dressé le 10 juin 2010 par l'Etude ACTA, huissiers de justice à METZ que Christelle P. a pris l'attache téléphonique de cette étude pour indiquer que : 'l'ensemble de l'actif de la société a été volé en décembre 2009 à l'exception d'un lève plaque qu'elle conserverait à son domicile personnel, d'une valeur estimée à 200,00 € ne l'ayant pas vu' ;

La Cour, tout en relevant le caractère sommaire de ce procès-verbal et surtout la façon quelque peu dérogatoire aux prescriptions de l'article 19 du décret n56 222du 29 février 1956 dont il a été établi au regard des formes de la prisée que l'huissier doit suivre, constate qu'in fine, la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION ne dispose d'aucun actif (pièce n3 de l'intimée) alors que, selon la déclaration de cessation de paiement faite le 31 mars 2010, Christelle P. faisait état d'un lève-plaque évalué à 500,00 €, le matériel de bureau et les appareils informatiques ayant été dérobés, et de créances clients à hauteur de 14 762,00 € (pièce n4 de l'intimée) ;

Le passif déclaré par Christelle P. se chiffre à 94 014,90 € alors que le total du passif examiné par le mandataire liquidateur se situe à 127 410,67 € ;

Dès lors qu'il n'est pas contesté que les créances alléguées n'ont pu être recouvrées, qu'aucune indemnisation n'a été servie à la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION par la compagnie d'assurance pour la dédommager du vol dont elle a été l'objet, il convient de constater que la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION ne disposait pas d'un actif suffisant pour faire face à son passif ;

* s'agissant du critère tiré de l'existence d'une faute de gestion

** Le grief tiré de la déclaration tardive de l'état de cessation de paiement

La date de cessation des paiements retenue par le Tribunal de grande instance de METZ dans sa décision du 28 avril 2010 et fixée au 1er décembre 2008 n'est pas contestée ;

Il est par ailleurs patent que la gérante de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION a procédé à la déclaration de cessation des paiements le 31 mars 2010 (pièce n4 de l'intimée) ;

En violation des articles L.631-4 et L.640-4 du code de commerce, Christelle P. , gérante de droit de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, s'est abstenue de demander l'ouverture d'une procédure collective dans les 45 jours suivant la date de cessation des paiements, fixée par le jugement du 28 avril 2010 au 1er décembre 2008 et donc, au plus tard le 15 janvier 2009, étant précisé qu'elle ne s'est manifestée que le 12 avril 2010 pour demander la liquidation judiciaire simplifiée de son entreprise ;

Il convient de noter dès l'abord que la décision rendue par le Tribunal de grande instance de METZ du 28 avril 2010 fixant la date de cessation des paiements n'a pas été contestée par Christelle P., de sorte qu'elle revêt un caractère certain et désormais indiscutable ;

La Cour constate que si entre le 1er décembre 2008 et le 15 janvier 2009, Christelle P. s'est abstenue de satisfaire aux obligations découlant des articles L. 631-4 et L. 640-4 du code de commerce, il est indiscutable au vu des déclarations de créances figurant dans la procédure (pièces n6 à n31 de l'intimée) qu'à la fin 2008, le passif représentait environ 6,7% du total des créances figurant au passif déclaré par Christelle P. le 31 mars 2010 et 5% du passif déclaré retenu par Me Gérard N. ;

Au 31 décembre 2009, le total des créances représentait 63% du total du passif déclaré par Christelle P. le 31 mars 2010 et 46% du total du passif retenu par le mandataire judiciaire;

La connaissance qu'avait Christelle P. de la situation de l'entreprise, dès le début 2009 est caractérisée par son attitude marquée par une recherche de gain de temps qu'illustre parfaitement le courrier qu'elle a adressé le 24 janvier 2009 à l'un de ses créanciers, la société ALTRANS LOCATION, dans lequel elle accepte l'échelonnement de sa dette de 1 718,65 € sur un an (pièce n6 de l'intimée) ;

L'examen de l'actif circulant de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION au 31 décembre 2008 laisse apparaître un total de 9 141,77 € et, au 31 décembre 2009, une somme de 16 256,06 € (pièce n5) ;

Or, le rapprochement entre ce poste et la seule rubrique 'salaires et traitements' du compte de résultat détaillé, indique que la dette de la société à l'égard de ses salariés est de 17 529,78 € en 2008, de sorte que l'actif disponible ne permet pas de couvrir une partie des dettes qui présentent un caractère échu et à payer immédiatement, étant précisé qu'il ne s'agit pas là du seul poste constitutif du passif exigible ;

En conséquence, la situation de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION était gravement obérée à la fin 2008 et Christelle P. ne peut prétendre ignorer la situation périlleuse dans laquelle se trouvait son entreprise à ce moment de son existence puisque celle-ci affichait un fonds de roulement fortement négatif (-30 010,62 €), ce qui impliquait une sous-capitalisation et le fait qu'une partie des immobilisations se trouvait financée par des ressources à court terme et surtout, une trésorerie structurellement handicapée ;

Dans ces conditions, il apparaît que seul le compte courant d'associé SCHIOCCHET avec un solde de 19 626,25 € a permis à l'entreprise de survivre artificiellement et que l'aide financière prévue via le canal de l'organisme OSEO, signifiée le 14 décembre 2009 (pièce n2 de l'appelante) a été sollicitée en tout état de cause tardivement et qu'à défaut d'autres éléments versés aux débats par Christelle P., notamment sur l'effectivité des fonds décaissés au profit de la société, force est de constater que la seule garantie prise par l'organisme OSEO repose sur 'un nantissement effectué sur le contrat d'assurance vie de Monsieur W. Hervé, à hauteur de 40 000,00 €' et en aucun cas sur les biens, l'activité ou la gestion de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION, l'engagement d'OSEO étant totalement couvert par le montant souscrit de l'assurance-vie (pièce n2 de l'appelante) ;

L'argument avancé par Christelle P. tiré du vol survenu entre l'après-midi du 7 décembre 2009 et le 8 décembre 2009 au matin (pièce n1 de l'appelante) ne peut davantage justifier le temps mis par la gérante pour effectuer la déclaration de cessation de paiement considéré comme advenu un an plus tôt ;

En conséquence, c'est de manière pertinente que les premiers juges ont constaté le caractère tardif de la déclaration de cessation des paiements effectuée par Christelle P. ;

** Le grief tiré de la poursuite d'une activité déficitaire

La S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION a généré des pertes caractérisées par un résultat d'exploitation négatif passant de -13 366,33 € en fin 2008 à -33 841,10 € en fin 2009 alors que, dans le même temps, l'endettement de la société passait de 65 166,95 € en 2008 à 105 805,99 € en 2009, soit un accroissement de +62% des dettes et une détérioration du résultat d'activité de 153% ;

L'importance du solde négatif de l'activité en 2008, et a fortiori en 2009, révèle à quel point l'apport très hypothétique du prêt garanti par OSEO, limitée à 40 000,00 € ne peut être considéré comme une volonté réaliste de ramener in bonis la société ;

Il ressort enfin, des déclarations de créances adressées par les créanciers au mandataire judiciaire et versées aux débats, que les impayés se sont développés crescendo au cours des six derniers mois de l'année 2009 tandis que les capitaux propres susceptibles de financer les dettes passaient de

- 54 013,00 € au 31 décembre 2008 à -87 854,52 € au 31 décembre 2009, c'est à dire qu'ils diminuaient de plus de 62 % ;

En conséquence, Christelle P. a sciemment poursuivi l'activité déficitaire de la S.A.R.L. PMC CONSTRUCTION jusqu'en mars 2010, soit postérieurement à l'état de cessation de paiement du 1er décembre 2008 et que ce constat permet de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de METZ à ce titre ;

- s'agissant du grief tiré de l'absence de coopération de Christelle P. avec les organes de la procédure collective

Il est constant, en application de l'article L.622-6 du code de commerce, que l'absence de coopération et de communication du chef d'entreprise dont la société fait l'objet d'une procédure collective avec les organes de cette procédure collective peut revêtir plusieurs formes dont l'absence de fourniture de tout élément permettant au liquidateur de procéder à des recouvrements de créances;

Ce comportement ne peut se manifester que postérieurement à l'ouverture de la procédure et doit être volontaire et suffisamment grave pour entraver le bon déroulement de la procédure ;

En conséquence, l'article L. 651-2 du code de commerce ne permet pas d'envisager la poursuite du responsable de l'entreprise en comblement de passif du seul fait de l'absence de communication de documents au mandataire liquidateur, celle-ci ne pouvant nécessairement intervenir qu'après la désignation de ce dernier dans le cadre de l'ouverture d'une procédure collective ;

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la notion de faute de gestion s'articulant autour de l'article L. 652-1 du code de commerce comme pouvant résulter de l'absence de toute coopération de la gérante de la SARL PMC CONSTRUCTION avec le mandataire judicaire ;

Toutefois, sans rechercher si le grief articulé par le mandataire judiciaire à l'encontre de Christelle P. était ou non avéré et dans l'hypothèse où la réponse eût été positive, si ce comportement avait contribué à la poursuite de l'activité déficitaire de l'entreprise, les premiers juges n'ont pas répondu au moyen présenté par la SCP N., N. et L. prise en la personne de Me Gérard N., mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la SARL PMC CONSTRUCTION puisque, en vertu de l'article 12 du code de procédure civile, « le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée » ;

Or, dans un courrier en date du 16 novembre 2010, Christelle P. porte à la connaissance de Me Gérard N. l'existence de sommes dues par des clients de la SARL PMC CONSTRUCTION, les Epoux D., à hauteur de 5 166,66 €, selon les écritures de l'intimée non contredites par Christelle P. ;

Il est établi par les pièces versées aux débats que, dès le 26 novembre 2010 (pièce n°32 de l'intimée), le mandataire judiciaire a demandé à la gérante la transmission des correspondances entre les deux parties et le contrat de maîtrise d'oeuvre, que le 6 janvier 2011, ces pièces justificatives n'étaient toujours pas communiquées (pièce n°33 de l'intimée), ni davantage le 4 août 2011 (pièce n°34 de l'intimée) ;

En conséquence, Christelle P. a été invitée à se présenter en l'étude de Me Gérard N., par courrier du 12 septembre 2011, pour le 23 septembre 2011 (pièce n°35), ce qu'elle n'a pas fait comme l'attestent les deux lettres de Me Gérard N. des 27 septembre 2011 et 8 novembre 2011 (pièces n° 36 et n°37 de l'intimée) ;

Il ressort des propres écritures de Christelle P. que s'il y est soutenu que les pièces demandées ont bien été transmises, il n'est apporté aucune justification et en tout cas aucun démenti au contenu des courriers du mandataire judiciaire se référant à une convocation au 23 septembre 2011 ;

Il doit être déduit de ce silence que Christelle P. n'a pas déféré à la demande de présentation du mandataire judiciaire et qu'il est tout aussi acquis que la gérante n'a pas transmis les documents nécessaires à la mission de ce dernier ;

Il paraît pour le moins paradoxal que Christelle P. aille, comme elle l'affirme, déposer les documents requis dans la boîte aux lettres de la SCP N., N. e L. et ne pousse pas la porte de l'étude pour s'en entretenir avec le mandataire judiciaire ;

En tout état de cause, si cela était, un tel comportement serait particulièrement révélateur d'un désintérêt manifeste pour la situation dans laquelle elle a conduit la société dont elle était responsable et pour le sort de ses créanciers ;

Ce refus de coopérer, postérieur à l'ouverture de la procédure collective, au-delà de la simple négligence constitue une faute au sens de l'article 1382 du code civil qui a causé un préjudice au mandataire judiciaire dans la mesure où il n'a pu mener à bien sa mission mais, de manière plus regrettable encore, aux créanciers qui se sont vus privés d'une espérance de recouvrer, même pour un petit nombre d'entre eux, une partie de leurs créances et ce, d'autant plus que l'actif de la SARL PMC CONSTRUCTION était inexistant à la suite du vol évoqué par Christelle P.;

En conséquence, la faute est démontrée en ce sens où Christelle P. s'est volontairement dérobée à son obligation de coopération avec le mandataire judiciaire. Elle a créé un préjudice au mandataire judiciaire et aux créanciers de la SARL PMC CONSTRUCTION d'un montant équivalent à la créance possédée par la société sur les époux D., soit 5 166,66 €. Il y a donc lieu d'infirmer sur ce point le jugement entrepris

- s'agissant du lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif

Ainsi qu'il a été précédemment démontré, Christelle P. a été, de la création de la société en 2006 jusqu'au jugement de liquidation judiciaire du 28 avril 2010, la seule gérante de cette société ;

Il s'évince des pièces de la procédure, déjà énumérées tout au long de la présente décision, que le retard avec lequel Christelle P. a déclaré la cessation des paiements constitue une faute de gestion aggravée en ce sens où l'activité déficitaire enregistrée fin 2008 n'a fait que s'amplifiait au fil des exercices ultérieurs ;

La poursuite de l'activité déficitaire à laquelle s'est livrée Christelle P. en sa qualité de gérante de la SARL PMC CONSTRUCTION constitue une autre faute de gestion dont l'importance est à rapporter au retard de plus de dix-huit mois avec lequel l'appelante a cru devoir effectuer une déclaration de cessation des paiements comme le prescrit l'article L.631-4 du code de commerce ;

En conséquence, Christelle P. doit être tenue pour seule responsable des fautes de gestion ainsi rappelées qui sont à l'origine direct de l'insuffisance d'actif d'un montant de 127 410 ,00 € ;

Sur le montant de la condamnation de Christelle P.

En cause d'appel, Christelle P. précise ne disposait d'aucun revenu disponible hormis le RSA dont elle rapporte l'existence en versant aux débats une attestation de la Caisse d'Allocations Familiales de la Moselle en date du 23 juillet 2014 (pièce n°7) et produit un avis d'impôt sur les revenus 2014 dont il ressort qu'elle n'est pas imposable (pièce n°8 de l'appelante) ;

L'article L. 651-2 alinéa 1er du code de commerce permet de décider que le montant de l'insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par le dirigeant de droit dès lors qu'il a contribué à une faute de gestion ;

Dans ces conditions, la Cour dispose d'éléments suffisants au vu des pièces précitées pour adapter le montant de la condamnation à la situation personnelle de Christelle P. et de ramener celui-ci à 60 000,00 €, somme qu'il appartiendra au mandataire judiciaire en charge de la liquidation judiciaire de la SARL PMC CONSTRUCTION d'en assurer l'exécution ;

Sur les autres demandes

Christelle P. qui succombe en cause d'appel sera condamnée aux dépens de l'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile, comme elle devra supporter les dépens de première instance, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;

En revanche, compte tenu de ce que son appel a été jugé partiellement bien-fondé quant au quantum de sa condamnation, il convient de la dispenser de tout versement d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt rendu en dernier ressort

Déclare recevable l'appel de Christelle P. ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclare Christelle P. responsable de l'insuffisance d'actif de la SARL PMC CONSTRUCTION à hauteur de 127 410,67 € ; la condamne aux dépens et à une somme de 800,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la procédure de première instance et ordonne les publicités légales prévues au code de commerce ;

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau dans ces limites,

Constate que Christelle P. a commis une faute de gestion postérieure à l'ouverture de la procédure collective au sens de l'article 1382 du code civil en s'abstenant de coopérer avec les organes de la procédure collective ;

Condamne Christelle P. à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur d'une somme de 60 000,00 € à payer à la SCP N., N. et L. prise en la personne de Me Gérard N., mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la SARL PMC CONSTRUCTION ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Christelle P. aux dépens de l'appel.