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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 24 novembre 2020, n° 19/02546

ANGERS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Lenoir

T. com. Le Mans, du 24 déc. 2019, n° 19/…

24 décembre 2019

FAITS ET PROCEDURE

La SARL ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT (la société), sise à Mamers (72), a été immatriculée en 1996 au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce du Mans. Son objet social a consisté principalement en la construction de maisons individuelles sous l'enseigne de la SOSACO. Le capital social, d'un montant de 301 050 euros, a été totalement libéré.

Le 29 octobre 2018, M. Eric H., gérant et associé majoritaire, a déclaré l'état de cession des paiements de la société au greffe du tribunal de commerce du Mans à compter du 19 février 2018 et sollicité une procédure de redressement judiciaire.

Suivant un jugement en date du 30 octobre 2018, le tribunal de commerce du Mans a prononcé le redressement judiciaire de la société avec une période d'observation de six mois. La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 13 février 2018.

Au terme de son bilan économique et social, le mandataire judiciaire a conclu à la conversion de la procédure en liquidation judiciaire. Le jugement de conversion en liquidation judiciaire a été prononcé le 15 janvier 2019.

Sur requête la SELARL GUILLAUME L., prise en la personne de Maître Guillaume L., liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce du MANS a été saisi d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif dirigée contre M. Eric H., à concurrence de 1 892 088 euros, outre le paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 24 décembre 2019, le tribunal de commerce du Mans a rejeté la demande en responsabilité pour insuffisance d'actif, tout en relevant l'existence d'une faute de gestion imputable à M. Eric H. liée au dépôt tardif de la déclaration de cession des paiements. Le mandataire judiciaire a été condamné aux entiers dépens.

La SELARL GUILLAUME L., prise en la personne de Maître Guillaume L., a interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe le 31 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions, la SELARL GUILLAUME L. demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondé en son appel ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce du Mans du 24 décembre 2019 en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que le dépôt de la déclaration de cessation des paiements 8 mois après la constatation d'un état de cessation des paiements caractérise une faute de gestion de M. Eric H. ayant contribué à aggraver le passif ;

- dire et juger que la poursuite abusive de l'exploitation déficitaire de la société ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT par M. Eric H. caractérise une faute de gestion car celle-ci a contribué à aggraver le passif et à diminuer l'actif ; - dire et juger que l'absence de prise de décisions de restructuration pour pérenniser l'activité, alors même que les alertes du cabinet d'expertise comptable datent de juillet 2017, démontre l'incurie de M. Eric H. dans la gestion de la société ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT ;

- dire et juger que la négligence de se doter de moyen comptable a conduit à retarder l'établissement du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2017, lequel aurait permis -s'il avait été établi dans les délais légaux- à M. Eric H. de constater une dégradation de la situation financière de la société ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT et de ne pas l'aggraver ;

- dire et juger que les fautes de gestion ont directement contribué à créer le passif de la société ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT ;

- dire et juger que ces manquements dépassent largement la simple négligence et s'analysent en des fautes caractérisées ;

- condamner M. Eric H. au comblement de l'intégralité du passif de la société ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT, soit d'un total de 1 524 369,42 euros ;

- condamner M. Eric H. à verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, M. Eric H. demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu le 24 décembre 2019 par le tribunal de commerce du Mans ;

- débouter la SELARL GUILLAUME L. de ses demandes, fins et conclusions ;

très subsidiairement de :

- dire et juger que la SELARL GUILLAUME L. n'établit pas toutes les fautes invoquées à l'appui de sa demande de sanction ;

- par application du principe de proportionnalité, dire et juger n'y avoir lieu de prononcer à l'encontre de M. Eric H. la moindre sanction tendant au comblement total ou partiel de l'insuffisance d'actif de la société ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT ;

- condamner la SELARL GUILLAUME L. à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SELARL GUILLAUME L. en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP CABINET W. & Associés en la personne de Maître Sylvie C. L. pour ceux dont elle aurait fait l'avance conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le procureur général s'en est rapporté le 23 juillet 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 14 septembre 2020 pour la SELARL GUILLAUME L.

- le 21 septembre 2020 pour M. Eric H..

Sur le fond

L'article L. 651-2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants le tribunal peut par décision motivée les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Ainsi, en droit, toute faute de gestion, excédant la simple négligence, peut donner lieu à une action en insuffisance d'actif. Il s'agit d'une responsabilité qui impose, au-delà de la faute, la démonstration de l'existence d'un préjudice et de l'établissement d'un lien de causalité entre la faute relevée et le passif généré.

A. Sur l'insuffisance d'actif

L'insuffisance d'actif correspond au montant négatif subsistant entre le passif admis et l'actif réalisé ou réalisable. Le passif à prendre en compte est celui existant avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. Elle s'apprécie au jour où le juge statue.

Il résulte de l'état des créances produit auprès du mandataire liquidateur qu'à la date du 8 septembre 2020, le passif définitif s'est établi à 2 235 700,15 euros. Il convient d'en déduire les sommes payées au titre des salaires postérieurs au jugement d'ouverture, soit 514 069,08 euros par l'AGS, ainsi que les frais de justice et de greffe liés à la procédure, soit 40 103,27 euros. Le passif à retenir est donc de 1 681 527,80 euros.

Suivant les données communiquées par le mandataire liquidateur, après-vente des actifs mobiliers, le solde de l'actif s'est élevé à 88 127, 73 euros.

L'insuffisance d'actif se trouve donc caractérisée pour un montant de 1 593 400,10 euros.

B. Sur les fautes et leur lien de causalité avec l'insuffisance d'actif

1. faute relative à la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements

L'article L. 631-4 du code de commerce dispose que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

En l'espèce M. Eric H. a procédé à la demande d'ouverture de la procédure collective le 29 octobre 2018, estimant la date de cessation des paiements au 19 février 2018. Dans son jugement d'ouverture de la procédure, le tribunal de commerce a fixé cette date au 13 février 2018. M. Eric H. se devait donc de déposer sa demande au plus tard le 30 mars 2018.

Il ne peut arguer un défaut d'information au regard des alertes émises par le cabinet d'expertise comptable par lettre des 6 juillet 2017 et 16 juillet 2018, dont le dernier lui rappelait expressément le délai légal de déclaration de l'état de cessation des paiements (pièce appelant n°6).

Ses arguments relatifs à la saisine de la commission des chefs des services financiers (CCSF) de la Sarthe, dont la date est alléguée courant février 2018 alors même que le dossier comporte des éléments comptables du mois de juin 2018 (pièce n°14 intimé), et à l'entretien auprès d'un juge consulaire dans le cadre de la prévention des difficultés au mois d'avril 2018 (pièce n°15 intimé), ne sont pas susceptibles d'écarter la qualification fautive. Il s'agit en effet de mesures de prévention, dédiées aux entreprises pouvant connaître une difficulté passagère, mais ne se trouvant pas pour autant en état de cessation des paiements. Or non seulement il est établi qu'à la date du 13 février 2018 l'état de cessation des paiements de la société était caractérisé, mais sa situation économique déficitaire préexistait. Dès le 6 juillet 2017, le cabinet d'expertise comptable prévoyait un résultat net comptable déficitaire pour les années 2016 et 2017 (pièce n°5 appelant), consolidé à - 335 354 euros au bilan comptable de l'exercice 2016 et à - 1 023 403 euros au bilan comptable de l'exercice 2017 (pièce n°4 appelant).

En n'agissant pas avec la célérité requise, M. Eric H. a commis une faute, laquelle ne peut être assimilée à une simple négligence au regard des éléments ci-dessus rapportés et de l'importance du retard pris pour accomplir la démarche attendue, soit près de sept mois.

2. faute relative à la poursuite abusive d'une activité déficitaire

La procédure permet également de retenir la poursuite abusive d'une activité déficitaire par M. Eric H., laquelle doit être analysée comme fautive. Cette action, qui n'impose pas la démonstration de la recherche de la satisfaction d'un intérêt personnel, a contribué à aggraver le passif.

L'analyse des éléments financiers (pièce n°4 appelant) démontre en effet la dégradation constante des performances de la société au cours des trois derniers exercices. Ainsi le résultat net d'exploitation s'est avéré constamment déficitaire aux cours des exercices comptables arrêtés au 31 décembre 2015 (- 108 930 euros pour un chiffre d'affaires de 4 300 438 euros), au 31 décembre 2016 (-335 354 euros pour un chiffre d'affaires de 2 999 219 euros) et au 31 décembre 2017 (- 1 023 403 euros pour un chiffre d'affaires de 2 775 452 euros). Le résultat du compte courant avant impôt a suivi la même courbe déficitaire, puisqu'il s'est établi à - 171 882 euros au 31 décembre 2015, - 291 611 euros au 31 décembre 2016 et - 690 973 euros au 31 décembre 2017.

Il faut en réalité se référer au bilan arrêté au 31 décembre 2014 pour disposer de données bénéficiaires, qu'il s'agisse du résultat net d'exploitation (+ 67 391 euros) ou du résultat du compte courant avant impôt (+ 63 211 euros) pour un chiffre d'affaires de 5 432 062 euros.

En défense M. Eric H. oppose la mauvaise conjoncture économique du secteur d'activité de la construction de maisons individuelles et son soutien financier personnel continu.

L'examen des pièces produites (pièces n°32, 42 et 43 intimé et n°23 appelant) fait effectivement ressortir que ce secteur a connu une période de croissance au cours des années 2015 (+ 13,3 %) et 2016 (+ 20,6 %), avant une forte contraction en 2017 (+ 1 %) et en 2018 (- 11 %), certaines régions étant particulièrement impactées telle la Normandie (- 23 % pour première partie de l'année 2018). Pourtant les données commerciales de la société révèlent une diminution continue des ventes depuis l'année 2015. Aux termes de la déclaration d'état de cessation des paiements (pièce n°1 appelant), 39 livraisons de maisons ont été réalisées en 2015, 27 en 2016 et 28 en 2017. La société a donc peu bénéficié de la période de croissance du secteur lorsqu'elle s'est présentée, ce qui aurait dû amener le gérant à en tirer les conséquences.

Les opérations financières réalisées par M. Eric H. n'ont pas permis de rétablir l'équilibre de la situation. En effet le bien immobilier de la société a été cédé courant janvier 2017 pour la somme de 270 000 euros (note 55 du compte de résultat 2017 figurant le produit exceptionnel sur opération en capital) à la société civile immobilière Beaux Jours, dont M. Eric H. est par ailleurs le gérant. Si cette opération a permis de dégager des liquidités, la société a ensuite dû s'acquitter d'un loyer mensuel. Par ailleurs des apports en compte courant associé significatifs ont été réalisés à compter de l'année 2017, car si la somme de 364 euros apparait au bilan établi au 31 décembre 2016 (note 43), son montant a été porté à 30 377 euros au 31 décembre 2017 puis à 623 203 euros au cours de l'exercice 2018 (pièces n°4 et 12 appelant). Toutefois ces démarches se sont avérées tardives pour que la société parvienne à surmonter ses difficultés.

S'il ne peut être reproché au gérant une forme de désintérêt, force est de constater qu'il a poursuivi une activité manifestement déficitaire jusqu'à la déclaration de l'état de cessation des paiements.

3. faute relative au manquement à l'obligation comptable

Il convient de rappeler que l'absence de tenue de la comptabilité, son caractère incomplet ou irrégulier, ou l'absence d'outils de gestion fiables permettant à la société d'appréhender la situation économique et financière exacte et, en conséquence, de prendre en temps utile les mesures de redressement qui s'imposent, sont constitutifs d'une faute.

En l'espèce il convient de relever que le cabinet d'expertise comptable, chargé de l'établissement du bilan annuel, s'est régulièrement heurté à l'absence de communication des données lui permettant d'établir les bilans dans les délais impartis. Il a toutefois alerté le dirigeant quant aux difficultés financières rencontrées. En effet le courrier du 6 juillet 2017 (pièce n°5 appelant) rappelle que les comptes de l'exercice 2016 ne sont pas validés mais qu'il est déjà prévu un résultat négatif de 368 000 euros pour l'année 2016, avec des difficultés de trésorerie (rejets de prélèvements, retards de paiement) et le risque de désengagement du garant. Le courrier du 16 juillet 2018 (pièce n°6 appelant) acte l'absence de réception de la comptabilité 2017 en dépit des rappels effectués. Enfin celui du 2 octobre 2018 précise que les comptes 2017 ne sont toujours pas arrêtés au vu des incohérences existantes entre les charges constatées et l'état d'avancement des chantiers (pièce n°7 appelant).

Aux termes de la requête en demande d'ouverture du redressement judiciaire du 29 octobre 2018, les comptes 2017 sont « en cours de finalisation » (pièce n°1 appelant).

Or si la société avait obtenu du président du tribunal de commerce des autorisations successives de report au 30 septembre de l'année suivante de la tenue de l'assemblée générale des actionnaires pour approuver les comptes des exercices 2016, puis 2017 (pièce n°15 appelant), cette autorisation ne constituait pas pour autant une dispense de tenue de la comptabilité dans les délais fixés. Il sera pourtant relevé que le bilan de l'exercice 2016 a été réalisé le 7 septembre 2017 par le cabinet d'expertise comptable (pièce n°4 appelant), et que celui de l'exercice 2017 a été réalisé postérieurement au 29 octobre 2018.

Par conséquent M Eric H. n'a pu disposer dans les temps utiles des éléments comptables lui permettant d'évaluer au mieux la situation financière de la société et d'orienter ses décisions dans un contexte de fortes difficultés économiques. Cette situation constitue une faute caractérisée.

4. faute relative à l'incompétence en matière de gestion

Il n'est pas discutable que M. Eric H. a cherché à dégager des moyens financiers au profit de la société. En revanche il n'a su procéder aux adaptations sociales nécessaires pour assurer la pérennité de la société.

En effet les démarches relatives au poste de la comptabilité interne se sont avérées insuffisantes et tardives, si bien que les bilans comptables n'ont pu être établis dans les délais prévus. L'existence de difficultés structurelles au sein de ce service n'est pas discutée, en particulier en raison de l'état de santé précaire de la salariée comptable, en situation d'arrêt de travail prolongé du 19 décembre 2011 au 1er avril 2013, puis entre courant 2017 et la date de son départ à la retraite (pièces n°27 et 9 intimé). La note adressée à la CCSF de la Sarthe fait apparaître que la société est restée dépourvue de comptable pendant six mois en 2017 (pièce n°14 intimé). Si son remplacement a été effectif à compter du 1er décembre 2017, suivant un contrat signé le jour même, seul un emploi à temps partiel a été pourvu (pièce n°11 intimé), ce qui semble peu opportun au vu de la situation. Le bilan économique et social établi le 11 janvier 2019 par le mandataire judiciaire fait d'ailleurs ressortir que «selon M. H., la personne recrutée (en 2018) s'est rapidement retrouvée dépassée, ce qui a conduit à un retard très important dans la saisie de la comptabilité de l'entreprise» (pièce n°3 appelant). Il appartenait au dirigeant de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer l'établissement régulier des données comptables, ce à quoi il ne s'est pas suffisamment attaché.

De même, dans la demande d'ouverture de la procédure judiciaire, le dirigeant a revendiqué une posture attentiste sur le plan social afin d'expliquer le retard pris dans la restructuration du personnel. En effet la société a longtemps maintenu un effectif déconnecté de la baisse importante de sa rentabilité, puisque étaient décomptés 46 salariés en 2009, 33 salariés en 2011, 30 en 2016, et 25 le 19 octobre 2018 (pièce n°1 appelant et 23 à 26 intimé). Les quatre suppressions de poste, intervenues courant 2018, n'ont pu générer un impact salvateur en raison de leur caractère tardif. La masse salariale, de 1 266 585 euros en 2014, 1 031 863 euros en 2016 et 1 023 156 euros en 2017, a ainsi pesé massivement sur la trésorerie de la société en dépit d'une capacité financière dégradée, comme l'illustre sa part grandissante dans le chiffre d'affaires (23,32 % en 2014, 34,40 % en 2016 et 36,86 % en 2017 - pièce n°4 appelant).

L'absence d'anticipation des besoins de personnel au poste-clé que constitue le service comptable et de restructuration sociale de la société est ainsi constitutive d'une faute imputable à M. Eric H.. Celle-ci excède la simple négligence compte-tenu de la longue expérience professionnelle du dirigeant, qui ne pouvait ignorer les conséquences pour la société de ses décisions.

Par conséquent le jugement déféré sera infirmé quant à l'absence de caractérisation des quatre fautes de gestion relevées.

Celles-ci ont contribué à aggraver le passif de la société. En effet de nombreux impayés se sont constitués auprès de l'URSSAF et du Trésor public dès le mois de janvier 2017 (pièces n° 21 et 22 appelant), mais également auprès d'autres créanciers tels que le bailleur de la société, et ce en raison d'une trésorerie devenue insuffisante. En particulier, le retard pris dans la déclaration de l'état de cessation des paiements a eu pour effet d'aggraver le passif entre le 30 mars 2018 et le dépôt de la requête par le gérant, notamment par la création de dettes relatives d'une part aux cotisations foncières des entreprises et aux taxes sur la valeur ajoutée, d'un montant de 70 246 euros entre le 1er avril 2018 et le 31 août 2018, et d'autre part aux sommes dues à l'URSSAF, d'un montant de 85 476,37 euros, entre le mois d'avril 2018 et le mois d'octobre 2018. Faute de service comptable en capacité d'assurer de manière continue la saisie des données comptables, les bilans comptables n'ont pu être établis dans les délais prévus pour les exercices 2016 et 2017. M. Eric H. n'a donc pas disposé des outils lui permettant de définir une stratégie adaptée à la situation de la société, retardant notamment une restructuration devenue indispensable. Cette situation a mécaniquement conduit à la la constitution de nouvelles dettes, comme précédemment rappelé, jusqu'à la déclaration de l'état de cessation des paiements.

5. autres fautes reprochées au gérant par l'appelant

Il sera constaté que l'appelant n'a pas repris dans le dispositif de ses conclusions les moyens relatifs d'une part au détournement de certains actifs sociaux et d'autre part à la facturation illicite de travaux non réalisés. Il a néanmoins développé ceux-ci dans ses conclusions.

La première faute reposerait sur la vente d'un véhicule en espèces et sur la perception de fonds auprès de clients, sans que la comptabilité de la société n'en fasse état. L'intimé a opposé avoir déposé plainte auprès du procureur de la République quant à ces faits et demeurer dans l'attente de son résultat.

C'est donc à juste titre qu'en l'absence de preuve de la responsabilité de l'intimé le tribunal de commerce a écarté cette faute dans sa décision.

La seconde faute reposerait sur un appel de fonds pour achèvement à 75 % par l'émission d'une facture non causée, les travaux n'ayant pas atteint ce niveau de progression. L'appelant a exposé que le manquement avait privé la liquidation judiciaire du recouvrement du paiement de factures ayant pu réduire l'insuffisance d'actif. L'intimé a opposé que les clients avaient cherché à ne pas régler les sommes dues au regard de l'ouverture de la procédure collective.

Là encore, le tribunal de commerce a écarté cette faute à bon escient s'agissant d'un litige commercial pendant, sans que la preuve de la responsabilité de l'intimé ne soit rapportée.

C. Sur le montant de la sanction financière

La condamnation au paiement de l'insuffisance d'actif peut être totale ou partielle suivant l'appréciation souveraine des juges du fond, dans le respect du principe de proportionnalité. Elle peut être également totalement écartée.

En l'espèce les quatre fautes commises par M. Eric H. ont contribué à l'insuffisance d'actif. Au regard de leur gravité, les efforts déployés par le dirigeant, qui se sont traduits par l'augmentation du solde de son compte courant associé et des accords transactionnels issus de la caution personnelle consentie courant 2018 à deux fournisseurs, ne sauraient l'exonérer de sa responsabilité comme l'a estimé à tort le tribunal de commerce. Toutefois ceux-ci méritent d'être pris en considération dans la fixation du montant de la sanction financière

Compte-tenu des fautes retenues, de l'importance de l'insuffisance d'actif, des efforts financiers consentis en faveur de la société, M. Eric H. sera sanctionné à supporter la somme de 300 000 euros au titre de l'action en insuffisance d'actif.

D. Sur les frais et dépens

M. Eric H., succombant en ses prétentions, sera condamné au paiement de la somme de 4 000 euros à la SELARL GUILLAUME L. au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. Eric H. à payer à la SELARL GUILLAUME L., prise en la personne de Maître Guillaume L. en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ETUDE ET SERVICES DU BATIMENT, la somme de 300 000 euros à titre de contribution à l'insuffisance d'actif ;

Condamne M. Eric H. à payer à la SELARL GUILLAUME L., prise en la personne de Maître Guillaume L., la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Eric H. aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée, par les soins du greffe, au procureur de la République près le tribunal judiciaire du Mans.