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Décisions

Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-15.313

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Petit

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire

Aix-en-Provence, du 29 janv. 2008

29 janvier 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X..., Y... et Z... et Mme A... détiennent chacun un quart des parts composant le capital de la société à responsabilité limitée Espace conseil expertise (la société ECE) ; qu'en 2005, M. X..., alors seul gérant de la société ECE, a été condamné par arrêt irrévocable pour des faits d'abus de biens sociaux et pour avoir manqué à ses obligations fiscales ; qu'à la suite de cette condamnation et du redressement fiscal qui s'en est suivi, et l'administration fiscale ayant pris un nantissement sur le fonds social, la société ECE a conclu, d'une part, un contrat de mise à disposition de moyens avec la société Espace conseil expertise II (la société ECE II), constituée entre MM. Y... et Z..., d'autre part, un contrat de mise à disposition de clientèle avec la société Cabinet A..., constituée par Mme A..., enfin un contrat de sous-traitance informatique avec la société civile Z... Y... ; que sur rapport de la gérance, ces conventions ont été approuvées, en l'absence de M. X..., par la collectivité des associés de la société ECE ; que M. X... a saisi le président du tribunal de commerce d'une demande de désignation d'un expert avec pour mission de se prononcer sur l'existence, le bien-fondé et la réalité de ces contrats ainsi que sur leur intérêt pour la société ECE ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 223-37 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que par les procès-verbaux des assemblées auxquelles ne s'est pas rendu M. X..., il a été répondu à ses questions, que les causes de la conclusion de ces conventions ont été rappelées ainsi que leurs contreparties financières, que M. X... a eu connaissance de ces conventions et donc des modalités financières concernant les cocontractants et qu'il n'a exercé aucun recours contre ces décisions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ni la circonstance qu'un associé se soit abstenu de participer aux assemblées ayant approuvé les opérations de gestion litigieuses ni le fait qu'il n'ait exercé aucun recours contre les décisions d'approbation ne sont de nature à faire obstacle à sa demande d'expertise de gestion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article L. 223-37 du code de commerce ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si, comme il le soutenait, M. X... n'avait pu avoir communication de la convention conclue avec la société Cabinet A..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article L. 223-37 du code de commerce ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les conventions litigieuses ont été approuvées par la collectivité des associés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance qu'une convention réglementée ait reçu l'approbation de la collectivité des associés, n'est pas de nature à exclure que cet acte de gestion puisse faire l'objet d'une mesure d'expertise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la quatrième branche du moyen :

Vu l'article L. 223-37 du code de commerce ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient enfin qu'aucun caractère suspect des conventions passées entre les sociétés n'est établi, l'existence des conventions ayant été expliquée par la nécessité impérative de concilier le maintien du gage pris par l'administration fiscale et la disparition de toute affectio societatis entre les associés ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si à compter de la conclusion des conventions avec des sociétés concurrentes constituées par les dirigeants de la société ECE, le chiffre d'affaires de cette dernière n'avait pas brutalement baissé et si cette circonstance n'était pas de nature à faire présumer l'existence d'irrégularités préjudiciables à l'intérêt de cette société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la cinquième branche :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.