Cass. soc., 12 janvier 2016, n° 14-21.533
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 26 mai 2014), que Mme X... a été engagée le 1er janvier 1987 en qualité de responsable de magasin par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Parfums et cosmétiques qui a décidé sa dissolution lors de son assemblée générale du 20 février 2009, décision publiée dans un journal d'annonces légales le 24 mars 2009 et au registre du commerce et des sociétés le 15 avril 2009 ; que M. Y... a été nommé liquidateur amiable ; que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 12 juin 2009 pour demander le paiement de salaires et primes ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes à l'égard du liquidateur, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a constaté que la liquidation amiable de la société Parfums et Cosmétiques et la nomination de M. Y... en qualité de liquidateur amiable avaient été expressément décidées lors de l'assemblée générale extraordinaire du 20 février 2009, comme cela est mentionné au registre du commerce et des sociétés, ce dont il résultait que la société Parfums et Cosmétiques Limited, associée unique, avait délibérément fait le choix de procéder à la liquidation de la société, ce qui implique la survie de la personnalité morale aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de rappels de primes et de salaires formées par Mme X... à l'encontre de M. Y... en qualité de liquidateur amiable de la société Parfums et cosmétiques, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1844-7, 3°, 1844-5, alinéa 3, 1844-8 et 1134 du code civil ;
2°/ que seuls les faits et actes sujets à mention, régulièrement publiés au registre du commerce et des sociétés, sont opposables aux tiers ; qu'inversement, les tiers peuvent se prévaloir à l'égard de la société, de tous faits ou actes qui ont été publiés au registre du commerce et des sociétés ; qu'en l'espèce, l'extrait K bis du 27 avril 2009 de la société Parfums et Cosmétiques ne comporte aucune indication sur l'identité de son associé unique et mentionne : « dénomination sociale : Parfums et Cosmétiques « Société en Liquidation », Administration : Liquidateur Monsieur Y... Frédéric (...) » et en annexes « 15 avril 2009 - N° 0-767 Dissolution anticipée de la société Nomination de M. Y... Frédéric en qualité de liquidateur La dénomination sera suivie de la mention « société en liquidation » publication dans le journal Le Probant du 24/03/2009, Date d'effet : 20 février 2009 » ; qu'en relevant que la cessation de la personnalité juridique de la société Parfums et Cosmétiques a été rendue opposable aux tiers par la publication de sa dissolution au registre du commerce et des sociétés de Basse-Terre en date du 15 avril 2009 quand cette publication faisait état d'une société en liquidation et de la désignation de M. Y... pour y procéder, la cour d'appel a violé les articles 1844-5, alinéa 3, du code civil, L. 123-9, L. 237-2, alinéa 3, R. 210-14, R. 123-70 et R. 123-66 du code de commerce ;
3°/ que nul ne peut, par un changement de position en droit, se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, M. Y..., désigné en qualité de liquidateur amiable de la société Parfums et Cosmétiques par l'associé unique lors de l'assemblée générale du 20 février 2009, publiée au registre du commerce et des sociétés le 15 avril 2009 et qui a interjeté appel en cette qualité, ne pouvait, sans se contredire au détriment de Mme X..., se prévaloir de la disparition de la personnalité juridique de la société Parfums et cosmétiques sur le fondement des dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, pour contester sa mise en cause et opposer une fin de non-recevoir aux demandes de rappels de salaires formées par Mme X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, reprises à l'audience, Mme X... faisait valoir que par un courrier en date du 13 janvier 2009, elle avait informé M. Y..., alors gérant de l'eurl Parfums et Cosmétiques qu'elle contestait les rémunérations qui lui avaient été allouées et qui servaient d'assiette aux calculs de ses droits et que pour faire échec à cette contestation, son employeur avait, en toute mauvaise foi, concomitamment mis en oeuvre une procédure de dissolution anticipée ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions de nature à établir le caractère frauduleux de la dissolution, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que la disparition de la personnalité juridique d'une société n'est rendue opposable aux tiers que par la publication au registre du commerce et des sociétés des actes ou événements l'ayant entraînée, même si ceux-ci ont fait l'objet d'une autre publicité légale ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que l'acte de dissolution de la société Parfums et Cosmétiques n'avait pas encore été publié au registre du commerce et des sociétés lorsque le 8 avril 2009 Mme X... a saisi en référé le conseil des prud'hommes de Basse-Terre afin d'obtenir la condamnation de cette société à lui payer diverses créances salariales ; que dès lors, en déclarant irrecevables les demandes de Mme X... quand la disparition de la personnalité juridique de la société Parfums et Cosmétiques lui était inopposable à la date à laquelle elle a engagé son action, la cour d'appel a violé les articles L. 123-9, R. 210-14, R. 123-66 du code de commerce et 1844-5, alinéa 3, du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la dissolution anticipée de la société avait été décidée par son associée unique, personne morale, de sorte que, par application des dispositions de l'article 1844-5 du code civil, cette dissolution entraînait la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associée unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation et que ne pouvait y faire obstacle le fait de décider néanmoins de sa mise en liquidation amiable sous le régime conventionnel et, d'autre part, que la dissolution de l'Eurl avait été publiée dans un journal d'annonces légales sans qu'aucune opposition n'ait été émise ainsi qu'au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a exactement retenu que la demande de la salariée formée devant le conseil de prud'hommes postérieurement, était irrecevable ; que le moyen, qui est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en ses deuxième, troisième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.