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Décisions

Cass. com., 11 mars 2020, n° 18-20.064

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Fontaine

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Krivine et Viaud, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Paris, du 4 juin 2018

4 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 2018), la société Armonya développement (la société Armonya), qui avait pour activité principale la fourniture de matériels, a conclu une convention de coopération avec la société GE capital équipement finance (la société GE capital), société financière proposant notamment la location de biens d'équipement.

2. La convention stipulait qu'elle était conclue intuitu personae et qu'elle ne pourrait en aucun cas faire l'objet d'une cession.

3. Le 27 mars 2012, la société Armonya a fait l'objet d'une dissolution par fusion-absorption en application de l'article 1844-5 du code civil, toutes les parts sociales ou actions étant désormais détenues par son associée unique, la société Tradcorp ME FZ LLC (la société Tradcorp).

4. Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 avril 2012, la société GE Capital, devenue la société CM-CIC Leasing Solutions, a résilié la convention de coopération. La société Tradcorp en a pris acte et, se prévalant des dispositions de l'article 12 de la convention concernant les contrats en cours, a demandé le paiement d'une quote-part des loyers et l'acquisition des matériels financés pour quatre contrats de location antérieurement cédés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Tradcorp fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa défense et ses demandes incidentes alors « qu'en vertu de l'article 59 du code de procédure civile, le défendeur doit, à peine d'être déclaré, même d'office, irrecevable en sa défense, faire connaître, s'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui le représente ; que cette fin de non-recevoir ne peut être retenue que par le juge de première instance ; qu'en se fondant sur ce texte pour déclarer la société Tradcorp irrecevable en sa défense, la cour d'appel a violé l'article 59 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 59, 960 et 961 du code de procédure civile :

6. S'il résulte des deux premiers textes que le défendeur en première instance et l'intimé en appel doivent, s'il s'agit d'une personne morale, faire connaître sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement, le premier sanctionne l'omission de ces indications par l'irrecevabilité de la défense, tandis que le troisième rend seulement irrecevables les conclusions d'appel, tant que ces indications n'ont pas été fournies.

7. Pour déclarer la société Tradcorp irrecevable en sa défense, l'arrêt retient, d'une part, qu'en application de l'article 59 du code de procédure civile le défendeur doit, à peine d'être déclaré, même d'office, irrecevable en sa défense, faire connaître, s'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui le représente, d'autre part, que la société Tradcorp, intimée, ne justifie pas de la réalité de son siège social.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait déclarer la défense irrecevable, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé par fausse application et les deux autres par refus d'application.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. La société Tradcorp fait encore grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa défense et ses demandes incidentes alors « que la dissolution d'une société dont les parts sont réunies en une seule main entraîne la transmission universelle du patrimoine à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation ; que si, sauf accord du cocontractant, un contrat conclu en considération de la personne d'une telle société prend fin au plus tard par l'effet de la dissolution de celle-ci, l'associé unique n'en recueille pas moins les créances et les dettes antérieurement nées dans le patrimoine social au titre de ce contrat ; qu'en énonçant que « seules les créances nées de la convention, certaines, liquides et exigibles au jour de la résiliation du contrat [étaie]nt entrées dans le patrimoine de la société Tradcorp », et en subordonnant ainsi le transfert des créances déjà nées à leur caractère certain, liquide et exigible, contrairement à ce qu'avait d'ailleurs retenu le jugement entrepris, la cour d'appel a violé l'article 1844-5 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1844-5 du code civil :

10. Si un contrat conclu en considération de la personne d'une société prend fin au plus tard par l'effet de la dissolution de celle-ci, sauf accord du cocontractant, l'associé unique n'en recueille pas moins, par l'effet de la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute, les créances et les dettes nées antérieurement dans ce patrimoine au titre de ce contrat, peu important qu'elles ne soient pas encore liquides et exigibles.

11. Pour déclarer la société Tradcorp irrecevable en ses demandes incidentes, l'arrêt retient que, compte tenu du caractère intuitu personae de la convention, qui fait échec au principe de transmission universelle de patrimoine, cette convention n'a pas été transmise à la société Tradcorp, qui est irrecevable à en solliciter l'application, et que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, seules les créances nées de la convention, certaines, liquides et exigibles au jour de la résiliation du contrat sont entrées dans le patrimoine de la société Tradcorp.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de dommages-intérêts de la société CM-CIC Leasing Solutions, l'arrêt rendu le 4 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.