Cass. com., 13 décembre 2005, n° 04-12.135
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 décembre 2003), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique du 8 octobre 2002, pourvoi n° 99-11.421), que Mme X..., en sa qualité d'administrateur des sociétés Nordatex et Chaussures Marco (les sociétés), a assigné celles-ci en annulation des délibérations du conseil d'administration de ces sociétés du 29 mai 1995 motif pris de ce qu'elle avait été dans l'impossibilité d'exercer son droit à information et avait été révoquée de ses fonctions d'administrateur par une assemblée du 22 juin 1995 faisant suite à ces délibérations du conseil d'administration ; que la cour d'appel a prononcé la nullité des délibérations des conseils d'administration des sociétés du 29 mai 1995 et évoquant, a annulé les assemblées générales ordinaires des sociétés du 22 juin 1995 ainsi que toutes les résolutions desdites assemblées notamment celles ayant révoqué Mme X... ; qu'elle a condamné in solidum les sociétés à payer à Mme X... la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité des délibérations du conseil d'administration du 29 mai 1995, alors, selon le moyen :
1°) qu'il appartient à l'administrateur qui prétend ne pas avoir reçu à l'initiative du président du conseil d'administration, l'information préalable à laquelle il a droit, soit par un envoi, soit par une mise à disposition, de rapporter la preuve du non accomplissement de l'obligation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;
2°) qu'après avoir constaté que Mme X..., administrateur, avait sa résidence personnelle au siège de la société Nordatec, la cour d'appel devait en déduire que l'information préalable à laquelle elle avait doit, s'y trouvait à sa disposition ; qu'en décidant du contraire, motif pris de ce que les documents comptables n'auraient pas figuré au siège de cette société, la cour d'appel a violé les articles 98, 113 et 244 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;
3°) que le juge ne peut sans modifier les termes du litige, introduire dans le débat des faits non compris dans celui-ci ; qu'en se fondant sur la circonstance , non invoquée par les parties, que les documents comptables de la société Nordatec ne se seraient pas trouvés à son siège social, la cour d'appel a violé les articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que Mme X... avait adressé au président du conseil d'administration des sociétés Chaussures Marco et Nordatec un courrier en date du 25 mai 1995, dans lequel elle indiquait qu'elle n'était pas à même d'exercer son mandat d'administrateur dans des conditions d'information suffisante, les convocations aux réunions des conseils d'administration en date du 22 mai 1995 ne comportant en outre aucune mention concernant la mise à disposition des documents utiles à l'exercice de sa mission ; que par ces seuls motifs et abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par les deuxième et troisième branches, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'en conséquence de l'annulation des délibérations des conseils d'administration des sociétés en date du 29 mai 1995, il y avait lieu à annulation des assemblées générales ordinaires des sociétés en date du 22 juin 1995 et de toutes les délibérations desdites assemblées, dont celle ayant décidé la révocation de Mme X... de son mandat d'administration de sociétés, alors, selon le moyen :
1°) qu'une assemblée générale convoquée par un conseil d'administration ayant irrégulièrement siégé n'est pas nulle de plein droit ;
qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 158 et 159 de la loi du 24 juillet 1966, devenus les articles L. 225-103 et L. 225-104 du Code de commerce ;
2°) que dès lors que par arrêt du 8 octobre 2002, la Cour de cassation avait cassé et annulé l'arrêt du 26 novembre 1998 mais seulement en ce qu'il avait rejeté les demandes de Mme X..., tendant à l'annulation des délibérations des conseils d'administration des sociétés Nordatec et Chaussures Marco du 29 mai 1995, les dispositions de l'arrêt du 26 novembre 1998 ayant débouté Mme X... de sa demande en nullité des assemblées générales ordinaires des sociétés Nordatec et Chaussures Marco du 22 juin 1995 étaient devenues irrévocables ; qu'en prononçant la nullité des assemblées générales du 22 juin 1995, après avoir expressément rappelé que sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 26 novembre 1998, la Cour de cassation n'avait pas été saisie d'un moyen tiré des conséquences de l'annulation des délibérations des conseils d'administration sur la validité des assemblées générale, cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ensemble l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) que subsidiairement l'action en nullité d'une assemblée générale se prescrit par trois ans à compter du jour de la délibération irrégulière ; qu'à supposer qu'en suite de l'arrêt de la Cour de cassation, du 8 octobre 2002, Mme X... ait présenté devant la cour de renvoi une nouvelle demande en nullité des assemblées générales du 22 juin 1995 fondée sur l'irrégularité des délibérations du conseil d'administration du 29 mai 1995, plus de trois ans s'étaient écoulé entre les assemblées générales litigieuses et la demande, de sorte que la prescription était acquise ; qu'en prononçant, dans cette hypothèse, la nullité des assemblées générales des sociétés Nordatec et Chaussure Narco du 22 juin 1995 et de toutes les résolutions adoptées par elles y compris celle ayant décidé la révocation de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article L. 235-9 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt après avoir rappelé que, sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 26 novembre 1998, la Cour de cassation n'avait pas été saisie d'un moyen tiré des conséquences de l'annulation des délibérations des conseils d'administration sur la validité des assemblées générales et qu'aucune autorité de la chose jugée ne s'attachait donc à cette question, relève que les délibérations du conseil d'administration du 29 mai 1995 avaient pour objet, outre l'arrêté des comptes et du bilan de l'exercice social clos le 31 décembre 1985 et l'arrêté du rapport de gestion du conseil, la fixation de la date et de l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire annuelle appelée à statuer sur ces comptes ; qu'ayant ainsi retenu que la convocation des assemblées litigieuses avait été faite avec un ordre du jour circonstancié, par les conseils d'administration lors de leur réunion du 29 mai 1995, la cour d'appel, a pu déduire de la nullité des réunions du conseil d'administration celle desdites assemblées et par conséquent de toutes les résolutions adoptées par elles ;
Attendu, en second lieu, que les sociétés n'ont pas invoqué devant la cour d'appel le moyen tiré de la prescription de l'action en nullité des délibérations d'assemblée ; que le moyen nouveau, est mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen pris en sa quatrième branche, et le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer à Mme X... la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°) que très subsidiairement, dès lors que la demande en annulation des deux assemblées générales aurait été, selon les juges du fond, "subséquente" à la nullité des conseils d'administration qui les avaient décidé et de surcroît rendue "nécessaire" la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, entraînera en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile, l'annulation des dispositions de l'arrêt relatives aux assemblées générales ordinaires des sociétés Chaussures Marco et Nordatec en date du 22 juin 1995 ;
2°) qu'en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation ou à tout le moins , sur le deuxième moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, l'annulation de la disposition de l'arrêt condamnant les sociétés Nordatec et Chaussure Marco à payer des dommages-intérêts à Mme X... au titre de la révocation de ses mandats d'administrateur ;
Mais attendu que les deux premiers moyens ayant été rejetés, le moyen ci-dessus doit l'être également ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu que les sociétés font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°) que le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office sans provoquer les explications de parties, le moyen tiré du préjudice tiré de la perte d'une chance de pouvoir contrôler les sociétés qu'aurait subi Mme X... du fait de la révocation de ses mandats d'administrateur, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction violant ainsi l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) que le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office sans provoquer les explications des parties, le moyen tiré d'un préjudice fiscal qu'aurait subi Mme X... du fait de la révocation de ses mandats d'administration, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, violant ainsi l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ;
qu'en affirmant l'existence d'un préjudice fiscal sans en préciser la nature de l'imposition visée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, sans méconnaître le principe de la contradiction, relève que la demande de dommages-intérêts présentée par Mme X... ne repose pas sur le caractère abusif de la révocation sur lequel la Cour de cassation a statué en rejetant le moyen précédemment soutenu mais sur la nullité de la révocation de l'administrateur comme conséquence de la nullité des conseils d'administration et que cette révocation a eu pour conséquence de priver Mme X... de son mandat dans les sociétés dans lesquelles elle avait une mission de contrôle et de surveillance ; que par ces seuls motifs, sa décision se trouve justifiée, abstraction faite du motif surabondant critiqué par les deuxième et troisième branches ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deuxième et troisièmes branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.