Cass. com., 8 juin 2017, n° 16-11.110
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières a pratiqué une retenue en douanes de produits cosmétiques, pour suspicion de contrefaçon d'une marque tridimensionnelle n° 3261291 dont la société Bourjois est propriétaire afin de désigner de tels produits ; que la société Folies douces, importatrice de ces marchandises, a été assignée en contrefaçon de marque et de droit d'auteur par la société Bourjois devant la juridiction civile, puis a été citée devant une juridiction répressive ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1351, devenu 1355 du code civil ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ;
Attendu que pour dire que la société Folies douces a commis des actes de contrefaçon de marque par reproduction en achetant, important en France et en commercialisant des produits cosmétiques reproduisant la marque française tridimensionnelle n° 3261291, l'arrêt retient que sont susceptibles d'être qualifiés de contrefaçon, tant la détention et l'importation, que l'achat et la commercialisation de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, de sorte que la décision de relaxe de la société Folies douces, poursuivie des seuls chefs de détention et d'importation de telles marchandises ne s'impose pas à la présente juridiction civile, saisie également d'une demande fondée sur l'achat et la commercialisation de celles-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la juridiction répressive avait retenu qu'aucun risque de confusion visuelle ne pouvait être établi, car le visuel était très différent, en ce que le flacon Bourjois était cintré à la taille et attirait l'oeil sur un pinceau central, cependant que le produit Poudre d'étoiles de Folies douces était totalement droit, opaque et largement siglé, qu'il en résultait que l'impression d'ensemble était réellement autre, qu'il ne pouvait y avoir contrefaçon par imitation et que la relaxe serait donc prononcée, de sorte que cette juridiction avait exclu l'existence même du fait fondant la poursuite pour contrefaçon de marque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Folies douces a commis des actes de contrefaçon de marque par reproduction au préjudice de la société Bourjois, en achetant, important en France et en commercialisant des produits de cosmétiques reproduisant la marque n° 3261291, sans autorisation de la société Bourjois, propriétaire de l'enregistrement de cette marque, en ce qu'il ordonne, en conséquence, diverses mesures d'indemnisation et d'interdiction, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Bourjois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Folies douces la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Folies douces.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société FOLIES DOUCES a commis des actes de contrefaçon de marque par reproduction au préjudice de la société BOURJOIS en achetant, important en France et en commercialisant des produits de cosmétiques reproduisant la marque tridimensionnelle n° 03 3 261 291 dont est titulaire la société BOURJOIS ;
Aux motifs propres que :
« SUR LA CONTREFACON ALLEGUEE
LES ACTES DE CONTREFACON
La société Bourjois communique en pièce 21 un échantillon mis sous scellé lors des opérations de saisie-contrefaçon, et des photographies des produits argués de contrefaçon.
Maitre X...huissier de justice a constaté dans le cadre de la saisie-contrefaçon descriptive pratiquée le 25 mars 2010 que la société Folies Douces avait acheté les produits en cause à une société chinoise Shanghai Mulante Cosmétics Co, Ltd, pour les vendre en France sous le nom " Poudre d'Étoile " et la référence " 370EC715 ", dans les magasins " Réserve Naturelle " et/ ou sur le site internet de vente en ligne de ce magasin, www. reserve-naturelle. com au prix de 2, 50 euros ; que la société Folies Douces avait commandé et importé 29 800 ombres à paupières incriminées, au vu des factures émises par la société Shanghai Mulante Cosmétics Co, Ltd, les 10 février 2009 et 23 novembre 2009.
Il a par ailleurs prélevé deux exemplaires des ombres à paupières litigieuses.
Dans un procès-verbal distinct du 25 mars 2010 l'huissier a procédé à la saisie réelle d'un lot de 20852 pièces disponibles trouvées sur quatre palettes présentes dans les locaux de la société Folies Douces.
Il s'ensuit que cette société a commercialisé 8948 pièces.
Selon l'article L 713-2 a) du code de la propriété intellectuelle :
" Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire a) La reproduction, l'usage ou l'apposition et une marque (...) "
L'article L 713-3 b) du même code dispose que :
" Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dari l'esprit du public
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imite, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. "
La société Folies Douces se prévaut encore sur ce point de l'autorité de la chose jugée des décisions de relaxe prononcées par le tribunal correctionnel de Bordeaux et la chambre des appels correctionnels de cette cour en application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
Si la décision de la juridiction pénale s'impose erga omnes, de sorte que la société Bourjois ne peut se prévaloir du fait qu'elle n'a pas été partie à l'instance pénale, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie.
Il résulte de la lecture des décisions susvisées que les poursuites engagées à l'encontre de la société Folies Douces par l'administration des Douanes seule visaient des faits d'importation et de détention de marchandises prohibées détenues sans justificatif d'origine dont 40 126 ombres à paupière contrefaisant la marque Bourjois (marque nationale INPI 3261291).
La société Bourjois demandait à la juridiction civile de première instance, saisie antérieurement à l'engagement de l'action publique, et demande encore à la cour, de dire et juger que la société Folies Douces a commis des actes de contrefaçon de marque par reproduction à son préjudice, en achetant, important en France et en commercialisant des produits de cosmétiques reproduisant la marque tridimensionnelle n° 03 3 261 291, sans son autorisation, en qualité de propriétaire de l'enregistrement de cette marque.
Elle demande réparation notamment du préjudice résultant pour elle de la commercialisation par la société Folies Douces des ombres à paupière contrefaisantes.
Sont susceptibles d'être qualifiés de contrefaçon tant la détention et l'importation que l'achat et la commercialisation de marchandises présentées sous une marque contrefaisante.
En conséquence la décision de relaxe de la société Folies Douces poursuivie des seuls chefs de détention et d'importation de telles marchandises ne s'impose pas à la présente juridiction civile, saisie également d'une demande fondée sur l'achat et la commercialisation de celles-ci.
Selon le procès-verbal de saisie-contrefaçon descriptive du 25 mars 2010, le flacon contenant les produits " Poudre d'Etoile " se compose d'un ensemble tripartite comprenant un capuchon couvercle cylindrique un flacon conique avec pas de vis en partie supérieure, et un pinceau équipé d'un manche elliptique en plastique injecté transparent contenu dans l'ensemble flacon capuchon.
Le tribunal a justement relevé que les 29 800 flacons d'ombre à paupière " Poudre d'Etoile " étaient des produits identiques ou similaires à ceux de la marque n° 03 3 261 291 de la société Bourjois, soit des produits de " cosmétiques " ; que la forme imitait la marque tridimensionnelle n° 03 3 261 291 et que les caractéristiques distinctives de cette marque avaient été reproduites par la société Folies Douces.
Il s'agit de la forme cylindrique et cintrée, du bombement du couvercle du boîtier flacon, des effets de transparence, le couvercle laissant voir, en transparence, le manchon du pinceau en plastique transparent, de forme sensiblement oblongue, et des stries obliques visibles légèrement au-dessus du milieu du corps du flacon.
Il s'ensuit que compte tenu des similitudes ci-dessus énoncées, le consommateur d'attention moyenne qui n'a pas sous les yeux les différents produits peut être victime d'un risque de confusion.
(…) » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que :
c) sur la contrefaçon de la marque par reproduction/ par imitation
1) les actes de contrefaçon par reproduction
L'article L. 713-2, a) du code de la propriété intellectuelle dispose :
" Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque (...) ".
La simple comparaison suffit en l'espèce à caractériser la reproduction commise par la société FOLIES DOUCES :
Son flacon des produits " Poudre d'Étoile " reproduit les éléments caractéristiques de la marque tridimensionnelle n 003 3 261 291 de la société BOURJOIS Il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon descriptive du 25 mars 2010 que le flacon contrefaisant se compose d'un " ensemble tripartite " comprenant :
- un " capuchon couvercle cylindrique ",
- un " flacon conique avec pas de vis en partie supérieure ", et
-un " pinceau équipé d'un manche elliptique en plastique injecté transparent " qui est " contenu dans l'ensemble flacon capuchon ".
En droit civil la bonne foi est indifférente (en ce sens notamment Civ 1° 13 novembre 2008 N° 06-19021).
2) les actes de contrefaçon par imitation illicite
L'article L. 7I3-3, b) du CPI dispose :
" Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement " :
En l'espèce les 29800 flacons d'ombre à paupières " Poudre d'Etoile " achetés par la société Folies Douces sont des produits identiques ou similaires à ceux de la marque n° 03 3 261 291 de la société BOURJOIS, soit des produits de " cosmétiques ".
La forme imite la marque tridimensionnelle n° 03 3 261 291 et les caractéristiques distinctives de cette marque ont été reproduites par la société FOLIES DOUCES
-la forme cylindrique et cintrée,
- le bombement du couvercle du boîtier flacon,
- les effets de transparence,
- le couvercle qui laisse voir, en transparence, le manchon du pinceau en plastique transparent, de forme sensiblement oblongue
-les stries obliques visibles au milieu du corps du flacon.
Si le risque de confusion est sans incidence en cas de contrefaçon de dessins et modèles et en droit d'auteur, l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle relatif à la contrefaçon de marque comporte les termes " s'il peut en résulter un risque de confusion ".
Compte tenu des similitudes ci-dessus relevées, le consommateur d'attention moyenne n'ayant pas sous les yeux les différents produits peut être victime d'un risque de confusion » ;
Alors, d'une part, que les décisions de la justice pénale ont au civil l'autorité de la chose jugée à l'égard de tous, en ce qui concerne l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que par un arrêt confirmatif du 28 octobre 2014, la Cour d'appel de Bordeaux a jugé que les produits de la société FOLIES DOUCES ne contrefaisaient pas la marque de la société BOURJOIS et a donc relaxé la société FOLIES DOUCES ; qu'en affirmant que la décision de relaxe de la société FOLIES DOUCES poursuivie des seuls chefs de détention et d'importation de marchandises contrefaisantes ne s'imposait pas à la juridiction civile saisie également d'une demande fondée sur l'achat et la commercialisation de celles-ci quand l'absence de contrefaçon par détention et importation impliquait pourtant nécessairement l'absence de contrefaçon au stade de l'achat et de la commercialisation de ces mêmes produits ; la Cour d'appel a méconnu l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil en violation de l'article 1351 du Code civil ;
Alors, d'autre part, que les décisions de la justice pénale ont au civil l'autorité de la chose jugée à l'égard de tous, en ce qui concerne l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que par un arrêt confirmatif du 28 octobre 2014, la Cour d'appel de Bordeaux a jugé que les produits de la société FOLIES DOUCES ne contrefaisaient pas la marque de la société BOURJOIS et a donc relaxé la société FOLIES DOUCES ; qu'en condamnant la société FOLIES DOUCES pour contrefaçon de marque quand les énonciations du juge pénal concernant l'existence du fait poursuivi, en l'espèce la contrefaçon de marque, avaient incontestablement autorité de la chose jugée sur le juge civil, la Cour d'appel a, une fois encore, méconnu l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil en violation de l'article 1351 du Code civil ;
Alors, par ailleurs, que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; que la Cour d'appel de Bordeaux a relaxé la société FOLIES DOUCES, poursuivie notamment au titre d'une infraction à l'article L. 716-10 b) du Code de la propriété intellectuelle, sanctionnant le fait de commercialiser des marchandises contrefaisantes ; qu'en affirmant pourtant que la société FOLIES DOUCES était poursuivie des seuls chefs de détention et d'importation de telles marchandises, la Cour d'appel a manifestement méconnu le sens clair et précis de la décision précitée et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
Alors, encore, que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant que la décision de relaxe de la société FOLIES DOUCES poursuivie des seuls chefs de détention et d'importation de marchandises contrefaisantes ne s'imposait pas à la juridiction civile saisie également d'une demande fondée sur l'achat et la commercialisation de celles-ci, tout en confirmant le jugement ayant condamné la société FOLIES DOUCES pour avoir commis des actes de contrefaçon de marque notamment en important en France des produits de cosmétiques reproduisant, sans autorisation, la marque tridimensionnelle de la société BOURJOIS, la Cour d'appel a statué par des motifs en contradiction avec son dispositif et a, ce faisant, violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, en outre subsidiairement, que la contrefaçon d'une marque peut résulter de sa reproduction ou de son imitation ; que la reproduction implique une reprise du signe à l'identique quand l'imitation résulte de certaines ressemblances ; qu'en retenant que les produits cosmétiques commercialisés par la société FOLIES DOUCES constituaient à la fois une reproduction et une imitation de la marque de la société BOURJOIS, quand un même fait ne saurait être constitutif à la fois d'une imitation et d'une reproduction de marque, la Cour d'appel a violé les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Alors, enfin subsidiairement, que tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que les produits cosmétiques commercialisés par la société FOLIES DOUCES constituaient à la fois une reproduction et une imitation de la marque de la société BOURJOIS quand la reproduction et l'imitation ne saurait être confondue, les juges d'appel ont statué par des motifs inintelligibles et ont, par conséquent, violé une fois de plus l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société FOLIES DOUCES à payer à la société BOURJOIS les sommes de 33. 574, 66 € (trente-trois mille cinq cent soixante-quatorze euros et soixante-six centimes) au titre du gain manqué, 8. 000 € (huit mille euros) au titre de l'atteinte à ses droits privatifs sur la marque n° 03 3 261 291, 8000 € (huit mille euros) au titre de l'atteinte à ses droits d'auteur sur la création du conditionnement des ombres à paupières " Suivez mon regard " et 20. 000 € (vingt mille euros) au titre de la dépréciation et de la perte de distinctivité de la marque n° 03 3 261 291 et de la création du conditionnement des ombres à paupières " Suivez mon regard " ;
Aux motifs propres que :
« SUR LES PRETUDICES DE LA SOCIETE BOURJOIS
La société Bourjois invoque tout d'abord un manque à gagner dont elle réclame l'indemnisation à hauteur de 104 300 euros, soit 40 % x (29800 ombres à paupières contrefaisantes x 8, 75 euros) ces 8. 75 euros représentant le prix de vente hors taxes moyen de ses propres produits.
Le tribunal a retenu à juste titre :
- qu'il ne pouvait être admis d'emblée que le consommateur qui n'aurait pas acheté le produit de la société Folies Douces aurait inéluctablement acheté un produit de la société Bourjois,
- que devait être pris en considération non le chiffre d'affaires mais la marge perdue de la société Bourjois,
- que considérant la différence de clientèle visée, la concurrence sur le marché des produits cosmétiques et les gammes de prix pratiqués respectivement par les deux sociétés (produit vendu 2, 50 euros par la société Folies Douces), un client sur trois aurait acheté. un produit de la société Bourjois s'il n'avait pas acheté celui commercialisé par la société Folies Douces,
- que le prix de. vente à considérer devait être 1- ET et non TTC.
La marge de 40 % admise par les premiers juges ne fait plus l'objet de contestation de la part de la société Bourjois.
L'évaluation faite par le tribunal à la somme de 33 574, 66 euros sera donc confirmée.
L'atteinte aux droits privatifs sur la marque et l'atteinte aux droits d'auteur de la société Bourjois ont été exactement indemnisées par la somme de 8000 euros chacune.
Considérant la renommée de la société Bourjois, les investissements réalisés par elle, le nombre de produits contrefaisants commercialisés, l'absence d'image de marque de la société Folies Douces. le réseau de distribution néanmoins important de cette société, et les bénéfices nécessairement réalisés dans le cadre de la contrefaçon, la somme de 20 000 euros a été justement allouée à la société Bourjois au titre de la dépréciation et de la perte de distinctivité de la marque et de la création du conditionnement des ombres a paupière " Suivez mon regard " » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que :
« 3°) sur les préjudices de la société BOURJOIS
L'article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle issu de la loi 2007-1544 du 29 octobre 2007 énonce en matière de marque :
Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, • allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte
L'article L331-1-3 du même code et issu de la même loi dispose en matière de droit d'auteur
Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à. titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé-l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
A) le manque à gagner
La société BOURJOIS rappelle que 29800 produits contrefaisants ont été commandés par la société FOLIES DOUCES, produits vendus en moyenne 10, 50 € TTC par la société BOURJOIS ce qui représente un chiffre d'affaires de 29800 x 10, 50 € = 312900 € (montant réclamé par la société BOURIOIS).
Cette approche doit être rectifiée sur trois points :
- il ne peut être admis d'emblée que le consommateur qui n'aurait pas acheté le produit de la société Folies Douces aurait inéluctablement acheté un produit de la société BOURJOIS.
- la masse contrefaisante est effectivement de 29800 pièces. Mais-doit être pris en compte non le chiffre d'affaires, mais la marge perdue de la société BOURJOIS victime de la contrefaçon. Cette marge correspond au prix de vente HT moins le coût de revient HT (ce coût de revient correspondant aux charges variables et aux charges fixes). Ensuite est en principe opéré un calcul masse contrefaisante x taux de marge de la victime.
Considérant la différence de clientèle visée, la concurrence sur le marché des produits cosmétiques et les gammes prix pratiqués respectivement par les deux sociétés (produit vendu 2, 50 € par la défenderesse), le tribunal considère qu'un client sur trois aurait acheté un produit de la société BOURJOIS s'il n'avait pas acheté celui commercialisé par la société FOLIES DOUCES.
- en outre, le prix de vente à considérer doit être HT et non TTC. Soit en fonction du taux de TVA de 19, 60 % sur les cosmétiques, un prix de 10, 50 € TTC correspond à un. prix HT de 8, 45 C.
La société BOURJOIS ne produit pas d'éléments quant à sa marge commerciale. Le tribunal considère qu'une marge de 40 % peut être admise.
Le gain manqué est dès lors de 29800/ 3 = 9933. x 8, 45 = 83933, 85 € x 40 % = 33574, 66 €.
B) l'atteinte aux droits de propriété
Une atteinte est invoquée par la société BOURJOIS d'une part, sur sa marque et d'autre part, sur sa création. Elle réclame
-30000 euros du fait de l'atteinte à ses droits privatifs sur sa marque
-30000 euros du fait de l'atteinte à ses droits d'auteur Il s'agit de l'atteinte au " droit de propriété ", dommage de principe attaché à toute contrefaçon, à distinguer du " dommage moral " qui sera ci-après examiné.
Le tribunal considérant l'ancienneté et la renommée de la société BOURJOIS allouera
-8000 € au titre de l'atteinte aux droits sur la marque,
-8000 € au titre de l'atteinte à ses droits d'auteur
C) le dommage moral
Le préjudice moral correspond essentiellement à l'atteinte à la réputation du titulaire des droits. Il englobe notamment
-la banalisation de la marque qui lui fait perdre de son caractère distinctif, selon la durée et le volume de la contrefaçon
-la dégradation de qualité perçue par le client (spécialement en cas de produits de luxe contrefaits par des produits de bien moindre qualité)
La société BOURJOIS évoque la dépréciation et la perte de distinctivité tant de sa marque que de sa création. Elle réclame à ce titre paiement de la somme de 80. 000 €.
Il doit être tenu compte pour apprécier le dommage, de l'image de marque du titulaire des droits, de l'image de la marque elle-même, de l'image de marque du produit, de l'image de marque du contrefacteur.
En l'espèce si la société BOURJOIS établit qu'elle a en 2003 beaucoup investi en publicité pour le lancement de son produit " suivez mon regard ", la contrefaçon par la société FOLIES DOUCES a été décelée en mars 2010 (retenue douanière). L'investissement initial de marketing a donc pu être en partie rentabilisé antérieurement.
La société BOURJOIS ne produit pas d'élément établissant chez elle des pertes de part de marché, une obligation pour elle de baisser ses prix pour contrer les effets de la contrefaçon.
Et il doit être tenu compte du fait, comme l'a rappelé la Cour d'appel de Paris, que les actes de contrefaçon n'ont porté que sur le conditionnement du produit, et non pas sur le produit en lui-même.
C'est à ce stade du débat que la société Folies Douces écrit dans ses conclusions récapitulatives " Or, la motivation principale de la clientèle dans le cadre de son acte d'achat, n'est pas la présence du conditionnement mais bien son contenu ".
Considérant là encore, la renommée de la société BOURJOIS, les investissements réalisés par elle, le nombre de produits contrefaisants commandés, l'absence d'image de marque de la société FOLIES DOUCES, le réseau de distribution néanmoins important de cette société, les bénéfices nécessairement réalisés dans le cadre de la contrefaçon, le tribunal allouera à la société BOURJOIS la somme de 20000 € (vingt mille euros) à titre de dommages intérêts.
D) les bénéfices réalisés par la société FOLIES DOUCES
Il s'agit non d'un poste de préjudice spécifique, mais d'un élément à prendre en compte dans le calcul des dommages intérêts. La société BOURJOIS ne demande d'ailleurs pas d'indemnisation séparée à ce titre.
Mais elle fait observer que la société FOLIES DOUCES commercialise ses produits dans " plus de 70 magasins en France " à l'enseigne " Réserve Naturelle "
(déclaration du gérant), ainsi que sur son site internet de vente en ligne www. resserve-naturelle. com » ;
Alors, d'une part, que le principe de la réparation intégrale implique que le responsable doit indemniser tout le dommage et seulement le dommage, sans qu'il en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement de la victime ; qu'en allouant une somme de 8. 000 euros à la société BOURJOIS au titre de l'atteinte à ses droits privatifs sur la marque et de 8. 000 euros au titre de l'atteinte à ses droits d'auteur sur la création du conditionnement tout en lui octroyant d'autres sommes au titre du gain manqué et de la dépréciation et de la perte de distinctivité de la marque et de la création, la Cour d'appel a indemnisé plusieurs fois le même préjudice en violation du principe de réparation intégrale et des articles L. 331-1-3 et L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi 2007-1544 du 29 octobre 2007 ;
Alors, d'autre part, que pour fixer les dommages et intérêts dus à la victime d'une contrefaçon, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ; qu'en l'espèce, en allouant une somme à la société BOURJOIS au titre de l'atteinte à ses droits privatifs de marque et une autre somme au titre de l'atteinte à ses droits d'auteur sans autre précision, la Cour d'appel a méconnu les articles L. 331-1-3 et L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi 2007-1544 du 29 octobre 2007.