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Décisions

Cass. crim., 17 juin 2015, n° 14-80.977

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

M. Soulard

Avocat général :

M. Gauthier

Avocat :

SCP Ghestin

Paris, du 30 oct. 2009

30 octobre 2009

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 30 octobre 2009 :

Sur sa recevabilité :

Attendu que le pourvoi, formé le 17 janvier 2014, plus de cinq jours francs après le prononcé de l'arrêt contradictoire, est irrecevable comme tardif en application de l'article 568 du code de procédure pénale, auquel les articles 570 et 571 du même code n'apportent aucune dérogation ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 14 janvier 2014 :

Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;

Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'articles 385 du code de procédure pénale ;

Sur le deuxième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 385 et 593 du code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par ordonnance du 6 mars 2008, le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment pour blanchiment aggravé et exercice illégal de la profession de banquier, M. X..., qui a relevé appel de cette décision ; que son appel a été déclaré non admis par ordonnance du président de la chambre de l'instruction du 25 mars 2008 ; que sa convocation à comparaître le 23 avril 2008 devant le tribunal, datée du 21 mars 2008, lui a été notifiée, le 27 mars 2008, à la maison d'arrêt où il avait été maintenu en détention ;

Attendu que, devant les premiers juges, le prévenu a invoqué la nullité de cette convocation, délivrée avant que le président de la chambre de l'instruction ait statué sur son appel, soutenu que l'ordonnance de non admission de ce magistrat l'avait privé du droit à un recours juridictionnel effectif et demandé l'annulation de l'ordonnance de renvoi, motif pris de ce que son deuxième prénom et sa profession n'y étaient pas mentionnés ; que, pour rejeter ces demandes, le tribunal, après avoir relevé qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur la contestation des décisions rendues par le président de la chambre de l'instruction, ajoute que, conformément à l'article 180, alinéa 2, du code de procédure pénale, le procureur de la République était tenu de faire comparaître le prévenu détenu à l'une des plus prochaines audiences tout en respectant le délai de citation de dix jours et que rien n'impose que l'ordonnance de renvoi mentionne tous les prénoms du mis en examen lorsqu'il n'y a pas de contestation sur son état civil ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué, s'il énonce à tort que les exceptions prises de la nullité de la convocation et de l'ordonnance de renvoi n'ont pas été soulevées devant le tribunal, n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que, d'une part, l'argument tiré de la privation du droit à un recours juridictionnel effectif ne pouvait être soulevé par le prévenu devant les juridictions de jugement, comme le relève à juste titre le tribunal, mais seulement dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir formé contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction, d'autre part, M. X... n'invoque aucun grief susceptible de résulter de la date de sa convocation devant le tribunal correctionnel ou de l'absence de mention de son deuxième prénom dans l'ordonnance de renvoi ;

Qu'il s'ensuit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que le moyen, nouveau et mélangé de fait, est, comme tel, irrecevable ;

Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles préliminaire et 593 du code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Attendu que le demandeur est sans intérêt à critiquer les motifs de l'arrêt relatifs à un délit pour lequel il a été relaxé ;

Sur le cinquième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 103 et 593 du code de procédure pénale ;

Sur le sixième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 480 et 593 du code de procédure pénale, 3 de la Convention de Rome du 4 novembre 1950, 7 et 17 du Pacte de New York du 19 décembre 1966 ;

Sur le septième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 593 du code de procédure pénale, 121-1 du code pénal et L. 511-5 du code monétaire et financier ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 324-1 et suivant du code pénal, des articles 8253-1, 8252-2 et 8256-2 du code du travail et de l'article 593 du code de procédure pénale; défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de blanchiment aggravé et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans avec sursis et au paiement d'une amende de 10 000 euros ;

"aux motifs qu'il est reproché à M. X... d'avoir, en permettant le dépôt de très nombreux chèques sur son compte et en effectuant des retraits en espèces, apporté son concours à une opération de conversion du produit direct ou indirect d'un délit; que les investigations réalisées sur les chèques litigieux ont démontré que ceux-ci avaient été tirés sur diverses sociétés telles que Isola Pro, Sane, cloisons plafonds isolations plâtreries, dont les investigations démontraient qu'elles avaient employé des étrangers en situation irrégulière et que ces chèques correspondaient aux salaires versés à des ouvriers roumains en situation irrégulière ; que ces personnes, ne pouvant encaisser eux-mêmes ces chèques, avaient recours aux services d'individus tels que M. X..., qui les créditaient sur son compte bancaire et restituait les montants, en espèces, moyennant une commission de l'ordre de 15 à 20 % ; que, pour être punissables, les faits de blanchiment, dont le but est de permettre la dissimulation et/ou la conversion de sommes illicites, supposent l'existence d'une infraction préalable ayant permis de dégager un profit ; qu'en l'espèce, les sommes versées sur le compte de l'appelant, de sa femme et de Mme Y... sont des produits directs de l'infraction de travail clandestin, réprimée par l'article L. 8256-2 du code du travail, dont se sont rendus coupables les gérants de diverses sociétés telles qu'Isola Pro, Sane, cloisons plafonds isolations plâtreries, en ayant recours aux services de travailleurs étrangers, en situation irrégulière, peu important d'ailleurs que le salarié ne puisse lui-même être poursuivi pour le travail réalisé illégalement, qu'en effet, la rémunération du salarié - même juridiquement encadrée - constitue une part, redistribuée, des produits illicites résultant de l'activité de travail clandestin déployée par les dirigeants des sociétés en cause; que c'est donc en toute connaissance de cause de leur origine frauduleuse que M. X... a déposé ces sommes sur ses compte bancaires, ceux de sa femme et ceux de Mme Y... et versées sur le compte de l'appelant, de sa femme et de Mme Y... sont des produits directs de l'infraction de travail clandestin, réprimée par l'article L. 8256-2 du code du travail, dont se sont rendus coupables les gérants de diverses sociétés telles qu'Isola Pro, Sane, cloisons plafonds isolations plâtreries, en ayant recours aux services de travailleurs étrangers, en situation irrégulière, peu important d'ailleurs que le salarié ne puisse lui-même être poursuivi pour le travail réalisé illégalement, qu'en effet, la rémunération du salarié - même juridiquement encadrée - constitue une part, redistribuée, des produits illicites résultant de l'activité de travail clandestin déployée par les dirigeants des sociétés en cause; que c'est donc en toute connaissance de cause de leur origine frauduleuse que M. X... a déposé ces sommes sur ses compte bancaires, ceux de sa femme et ceux de Mme Y... et les a retirées, moyennant la conservation d'une substantielle commission ; qu'en conséquence, que les faits de blanchiment reprochés à l'appelant sont donc parfaitement caractérisés ;

"1°) alors que le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, de sorte que le délit n'est pas caractérisé lorsque les fonds litigieux ne constituent pas un profit résultant d'une infraction pénale ; que les salaires perçus par des travailleurs étrangers en situation irrégulière sont légalement dus par l'employeur qui est le seul auteur de l'infraction d'emploi de travailleurs en situation irrégulière ; que dès lors le fait pour M. X... d'avoir aidé les salariés à percevoir leur salaire en encaissant les chèques pour leur remettre les fonds en espèces ne caractérise pas le délit de blanchiment ; qu'en affirmant néanmoins que ces salaires constitueraient la redistribution des produits de l'activité de travail clandestin, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors qu'au surplus, il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt attaqué que la remise des chèques à M. X... aurait pour objet de permettre aux employeurs coupables d'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière la dissimulation du profit retiré de cette infraction, faute d'émission par M. X... de fausses factures ou de tout autre moyen susceptible de justifier faussement cette remise ; qu'en retenant néanmoins le délit de blanchiment la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; "

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour dire coupable des délits de blanchiment aggravé et d'exercice illégal de la profession de banquier M. X..., auquel il est reproché d'avoir, d'une part, reçu de nombreux chèques d'entreprises du bâtiment qui employaient des salariés roumains en situation irrégulière sans les déclarer, d'autre part, retiré en espèces les fonds ainsi encaissés, sur lesquels il prélevait une commission de 15 à 20%, enfin, remis le solde à ces employés en paiement de leur salaire, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que les chèques remis à M. X... aux fins de conversion en espèces, provenaient du produit retiré par les employeurs des délits de travail dissimulé, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Qu'ainsi les moyens doivent être écartés ;

Sur le huitième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 3, 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 7, 14 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Attendu que le moyen, qui ne critique pas une disposition de l'arrêt attaqué, est irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs :

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 30 octobre 2009 :

LE DÉCLARE irrecevable ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 14 janvier 2014 :

LE REJETTE ;