Cass. crim., 17 novembre 2015, n° 14-86.101
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et suivants du code pénal, 544 du code civil, 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé M. X... des fins de la poursuite pour vol et a débouté la société Getelec TP de toutes ses demandes ;
"aux motifs que le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; que la volonté de disposer en connaissance de cause, même momentanément, d'une chose caractérise l'intention frauduleuse requise en matière de vol, quels que soient les mobiles ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que le 13 août 2012, M. X..., chef du dépôt de la société Getelec TP à Baillif, et un salarié retraité de ladite société, M. Y..., ont emporté des câbles électriques dudit dépôt dans une camionnette appartenant à M. Y... ; qu'un intérimaire travaillant au dépôt, M. Didier Z..., a assisté à ce chargement et a donné à M. X..., sur sa demande, les clefs d'un local où étaient entreposés des câbles ; que suite à la plainte du directeur du dépôt, une perquisition au domicile de M. Y... permettait de retrouver le matériel détourné, à savoir 25 mètres de gros câble découpé en petite section, 7 à 8 mètres de câble moyen et 6 mètres de petit câble découpé en petite section ; que M. Y..., entendu par les services enquêteurs, reconnaissait avoir l'habitude de récupérer au dépôt de la société au su et vu du personnel, des chutes de câbles usagés destinés à la destruction, et ce depuis 7 ans environ, sans aucun problème auparavant, pour "arrondir" sa maigre retraite de 500 euros mensuelle ; que M. X... confirmait la pratique alléguée par son ancien collègue et contestait toute appréhension frauduleuse de matériel au préjudice de son employeur, s'agissant de câbles usagés destinés à être détruits et exposait qu'il était en arrêt maladie suite à un conflit avec son employeur, étant victime de harcèlement depuis qu'il avait saisi la juridiction prud'homale de demandes salariales et qu'il avait porté plainte au pénal contre le président directeur général de la société, pour abus de biens sociaux ; que la volonté consciente de contredire aux droits du propriétaire légitime, en l'occurrence la société Getelec TP, n'est pas établie, s'agissant de câbles usagés et de faible valeur, destinés à être détruits ; que M. Z..., témoin des faits, a montré aux enquêteurs qu'une partie des câbles étaient stockés dans un container non fermé à clef et une autre à même le sol à côté dudit container ; que le directeur M. A..., a d'ailleurs précisé aux gendarmes "qu' il n'avait jamais donné l'autorisation à M. Y... de se servir dans les chutes" ; que compte tenu de l'ancienneté de la pratique susvisée, il s'en déduisait une autorisation tacite et dès lors, l'infraction de vol n'est pas caractérisée en l'absence d'élément intentionnel ; qu'il s'avère également que la présente plainte pour vol a été déposée la veille de l'audience prud'homale et a justifié le licenciement pour faute grave de M. X..., avec mise à pied immédiate dès le 16 août 2012 ; que dès lors, le contexte et les circonstances de l'appréhension du matériel litigieux ne permettent pas de caractériser, en tous ses éléments constitutifs, l'infraction de vol ; que la décision déférée sera par conséquent infirmée et la relaxe de M. X... prononcée ; qu'en l'état de la relaxe du prévenu, la partie civile sera déboutée de sa demande en réparation de son préjudice et de sa demande formée au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"1°) alors que le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en relaxant M. X... du chef de vol après avoir cependant constaté que les câbles litigieux étaient entreposés dans les locaux de dépôt de l'entreprise, que certains étaient même stockés dans une pièce fermée à clé et que le dirigeant social de la société avait, en tout état de cause, déclaré au cours de l'enquête ne jamais avoir donné l'autorisation à quiconque de se servir dans les chutes, la cour d'appel a méconnu la portée légale de ses propres constatations en méconnaissance de l'article 311-1 du code pénal ;
"2°) alors que le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en relaxant M. X... du chef de vol au préjudice de la demanderesse aux motifs qu'il s'agissait de câbles usagés et de faible valeur, destinés à être détruits, la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé la volonté univoque de la demanderesse d'abandonner les câbles litigieux pour que M. X... puisse se les approprier, a privé sa décision de toute base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., chef du dépôt de la société Getelec TP, et un salarié retraité de cette société ont emporté des câbles électriques remisés dans ce dépôt ; qu'ils ont été poursuivis du chef de vol ; que M. X... a été déclaré coupable des faits et condamné à une amende par ordonnance pénale à laquelle il a formé opposition ; que le tribunal l'a déclaré coupable de vol et a prononcé sur les intérêts civils ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu que, si c'est à tort que, pour dire non caractérisé le vol, les juges retiennent que la volonté consciente du prévenu de contredire aux droits du propriétaire légitime n'est pas établie, s'agissant de câbles usagés et de faible valeur, alors que la valeur du bien soustrait est indifférente pour caractériser l'élément matériel du délit, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que la cour d'appel relève souverainement, à partir des faits et circonstances de la cause soumis à son appréciation et contradictoirement débattus, que le prévenu avait pu croire de bonne foi à une autorisation tacite de l'employeur de disposer des chutes de câbles, compte tenu de l'ancienneté d'une telle pratique en cours dans l'entreprise, qu'elle juge avérée, de sorte que l'élément intentionnel de l'infraction fait défaut ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept novembre deux mille quinze ;