Cass. com., 22 janvier 2002, n° 98-21.023
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Pinot
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
Me Foussard, SCP de Chaisemartin et Courjon
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 28 juillet 1998), qu'en exécution d'une convention du 28 décembre 1987, la société Cordier a cédé au Crédit industriel de l'Ouest (la banque), par bordereau du 28 novembre 1995, diverses créances professionnelles ; que la société Cordier a été mise en liquidation judiciaire, le 5 décembre 1995, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 août 1995 ; que l'un des débiteurs cédés, La Poste, a réglé le montant de sa dette entre les mains de M. X..., liquidateur de la société Cordier ; que la banque a assigné le liquidateur en paiement du montant de la créance cédée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que la cession de créances intervenue le 28 novembre 1995 devait s'analyser comme un paiement de dettes non échues et que dès lors elle était nulle de plein droit en application des dispositions de l'article 107-3 de la loi du 25 janvier 1985 ; que pour répondre à ce moyen, les juges du fond, s'ils ont admis que la créance du CIO n'était pas échue, ont relevé que la cession litigieuse n'avait pas servi au paiement d'une dette échue ; que ce faisant, ils ont statué sur une hypothèse, le paiement d'une dette échue par un moyen anormal de paiement, différente de celle qui était visée par le moyen ; qu'ils ont ainsi dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de M. X... signifiées le 25 septembre 1997 ;
Mais attendu que si la cour d'appel a relevé que la dette en compte courant de la société Cordier à l'égard de la banque n'était pas échue au jour de la cession de créance, elle a retenu que cette cession ne constituait pas un paiement ; qu'en l'état du moyen, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions du liquidateur dès lors qu'elle a statué sur l'application des dispositions de l'article 107.3 de la loi du 25 janvier 1985, n'a pas encouru les griefs du moyen ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le liquidateur reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen :
1 / que, si l'application de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 et écartée lorsque la cession de créance intervient en exécution d'une convention de cession de créances professionnelles antérieurement conclue, autrement dit si, dès avant la cession, le débiteur s'est obligé à procéder à cette cession, il en va autrement, en revanche, si aucune convention préalable à la cession n'obligeait le débiteur à y procéder ; qu'en l'espèce, si le CIO faisait état d'une "charte de cession de créances professionnelles", ce document, s'il fixait les règles à respecter par le débiteur en cas de cession de créances, ne le contraignait nullement à procéder à des cessions de créances ; qu'en s'abstenant d'analyser la charte de cession des créances professionnelles, pour déterminer si la cession litigieuse était ou non l'exécution d'une obligation imposée au débiteur à raison de ses engagements antérieurs, les juges du fond, qui n'ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que, dès lors que la cession n'intervient pas en exécution d'une obligation préexistante, elle est sujette à nullité dès lors que le cessionnaire connaissait, à la date de la cession, l'état de cessation des paiements du débiteur ; d'où il suit que l'arrêt a été rendu, à cet égard, en violation de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;
3 / qu'il importe peu qu'il n'y ait pas eu paiement d'une dette échue, à raison des règles gouvernant le fonctionnement d'un compte courant, dès lors que la cession de créance s'analyse en un acte à titre onéreux ; qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas de l'arrêt ni des conclusions que le liquidateur ait soutenu devant les juges du fond que la charte de cession de créances professionnelles aurait contenu une simple faculté pour la débitrice de céder ses créances professionnelles ni que la cession de créance litigieuse aurait constitué un acte à titre onéreux ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable en ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille deux.