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Décisions

Cass. crim., 25 octobre 2017, n° 16-84.133

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Orléans, du 18 mai 2016

18 mai 2016

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu que M. X..., opticien, a été poursuivi, aux termes de trois citations distinctes, des chefs d'escroquerie, faux et usage, pour avoir, au moyen de manoeuvres frauduleuses caractérisées par émission de fausses factures, trompé la caisse primaire d'assurance maladie et diverses mutuelles listées en annexe de l'une des préventions, la caisse du régime social des indépendants centre et la caisse de mutualité sociale agricole de [...], pour les déterminer à le régler d'actes et de prestations d'optique indus ; qu'il a également été poursuivi, d'une part, pour faux par falsifications d'ordonnances médicales et usage au préjudice de MM. B..., C... et D..., médecins d'autre part des chefs de ces mêmes délits sans autre précision ; que le tribunal l'a déclaré coupable de l'ensemble de ces infractions ; qu'il a interjeté appel du jugement de même que le ministère public ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du principe non bis in idem, des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du Protocole numéro 7 à cette Convention, 313-1, 313-7, 313-8, 441-1, 441-10, 441-11 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable des faits d'escroquerie et de faux et usage de faux, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis, l'a placé sous le régime de la mise à l'épreuve, à une amende de 15 000 euros, ordonné un peine complémentaire de diffusion du disposition de la décision dans la presse et par voie électronique et déclaré recevables les constitutions de parties civiles,

" aux motifs que les dispositions de l'article 313-1 du code pénal, «l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge» ; qu'il est de jurisprudence constante que le simple mensonge ne suffit pas à caractériser le délit d'escroquerie qui exige «l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité», ou encore «l'emploi de manoeuvres frauduleuses», c'est- à -dire une mise en scène nécessitant l'intervention d'un tiers afin, notamment, de déterminer la victime à remettre des fonds ou valeurs ; qu'en outre, le délit d'escroquerie est un délit intentionnel qui suppose chez l'auteur la volonté et la conscience de tromper la victime ; qu'il ressort des éléments mis à jour par l'enquête interne de la CPAM et l'enquête judiciaire que M. X... a établi à de multiples reprises, de fausses facturations de renouvellement de verres et montures qui ont été décelées dans le cadre d'un contrôle à posteriori ; que ces fausses facturations étaient adossées à des ordonnances falsifiées et feuilles de soins fictives, non signées par les assurés ; que lorsqu'un assuré se présentait dans l'un des magasins avec son ordonnance de prescription initiale afin de bénéficier de la délivrance de premières lunettes, M. X..., ou son salarié M. E... qui a parfaitement décrit le mode opératoire utilisé, procédaient à une prise en charge classique ; que l'assuré repartait sans payer la part restant à sa charge après remboursement par sa mutuelle ; que par la suite, M. X... effectuait pour le même assuré plusieurs demandes de prise en charge fictives qui donnaient lieu à de nouveaux remboursements, en prétextant des renouvellements pour bris de verres ou de montures ; que ce procédé frauduleux conduisait les organismes sociaux et les mutuelles à financer des prestations (fourniture de verres et montures) qui n'étaient pas dues ; que le procédé utilisé par M. X... est notamment corroboré par les déclarations de Mme F... qui a expliqué que lorsque sa fille avait changé de lunettes, l'opticien du magasin New optical de Vendôme lui avait dit que les changements de lunettes «passaient dans les lunettes cassées» ; que s'expliquant sur ce mode opératoire, M. X... a déclaré en garde à vue que «pour être réglés par les mutuelles et la sécurité sociale on le faisait passer en plusieurs fois afin que le client soit remboursé intégralement ; que la facture n'était pas faite en global, mais les trois éléments étaient facturés séparément ; que pour la sécurité sociale, le remboursement était le même ; que par contre la mutuelle complétait ; que le client n'avait pas de reste à charge et il repartait sans payer ; que pour le renouvellement, il fallait mentionner «verres cassés» car l'ordonnance initiale avait déjà été renvoyée», admettant ainsi l'existence de manoeuvres pour déterminer les caisses de sécurité sociale et les mutuelles à procéder à des remboursements qui ne correspondaient à aucune contrepartie ; qu'en multipliant les facturations fictives de renouvellement de matériel d'optique, au prétexte de bris de verres ou de montures, procédé dont le client n'était pas instruit, M. X... récupérait le prix initial facturé au même client, voire même le dépassait ; qu'il est inopérant, pour minimiser l'ampleur de la fraude, d'alléguer que les remboursements sécurité sociale étaient de faible montant, puisque c'étaient les paiements opérés par la sécurité sociale qui déclenchaient ensuite les remboursements des mutuelles, nécessairement plus attractif ; que M. X... a également reconnu pratiquer le système de la facturation détaillée (ex dossier A..., établissement de trois feuilles de soins correspondant à une seule paire de lunettes, détaillée en deux verres et une monture), permettant le remboursement indépendant de chaque élément d'optique, le client bénéficiant ainsi de trois prises en charge sans rien payer «au niveau des appareillages» ; qu'il a admis pratiquer ce système avec les mutuelles les plus avantageuses ce qui lui permettait de fidéliser sa clientèle : «c'était le client qui choisissait cette option et comme il n'avait rien à payer on le revoyait fréquemment au cours de l'année» ; que c'est donc pertinemment que les premiers juges ont considéré que le fractionnement des factures pour contourner les plafonds de prise en charge imposés par les mutuelles, de même que l'émission de factures fictives et le défaut d'ordonnances de prescription initiale, constituaient les manoeuvres frauduleuses caractérisant le délit d'escroquerie ; qu'il est également constant que ces facturations de renouvellement, qui présentaient l'apparence de la régularité, ont déterminé les caisses d'assurance sociale et les mutuelles à régler des prestations qui étaient indues comme ne correspondant à aucune contrepartie, et ce n'est que dans le cadre d'un contrôle a posteriori qu'a été décelée la fraude, la qualité de professionnel agréé de M. X... ne permettant pas, en effet, de suspecter de tels agissements sans qu'il ait été procédé à des vérifications approfondies ; que ces pratiques frauduleuses généralisées s'inscrivaient dans une véritable politique commerciale permettant de fidéliser la clientèle et elles s'imposaient au personnel ainsi que l'a déclaré M. E... qui a admis avoir agi selon le même mode opératoire, décrit comme une pratique systématique, ainsi que l'ont confirmé les auditions des nombreux clients, ci-dessus reprises en détail ; que professionnel de santé, M. X... ne peut se retrancher derrière son ignorance de la réglementation ou sa négligence dans la mesure où il avait seul intérêt à la fraude qui a contribué à améliorer la situation financière de ses commerces d'optique ; qu'ainsi que l'a justement relevé le tribunal, ni le contrôle fiscal de la situation personnelle de M. X..., ni les contrôles ponctuels opérés par les mutuelles par sondage sur quelques dossiers n'auraient permis de déceler la fraude qui a nécessité un examen approfondi du dossier de chaque assuré et de son parcours de soins ; qu'il est donc vain de prétendre que le contrôle fiscal déclenché à l'initiative du parquet de[...] ferait défaut, et il ne peut être déduit de l'absence des pièces afférentes à ce contrôle que la fraude ne serait pas établie au seul motif que M. X... n'aurait pas fait l'objet de sanctions fiscales ; qu'en effet, M. X... est poursuivi pour des délits de droit commun commis au préjudice d'organismes de sécurité sociale et de mutuelles et non pour des délits fiscaux ; que l'intention caractérisant le délit d'escroquerie se déduit également de la multiplicité des facturations de renouvellement fictives au profit d'assurés qui ont été identifiés, y compris au profit de la famille X... qui a bénéficié d'un nombre impressionnant de renouvellements pour bris de verres et de montures ne correspondant à aucune contrepartie ; que c'est donc par des motifs pertinents, que la cour fait siens, et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision déférée, que la juridiction du premier degré a, à bon droit, retenu M. X... dans les liens de la prévention du chef d'escroquerie ; que sur les délits de faux et usage de faux ; que selon l'article 441-1 du code pénal, constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que le délit de faux exige en premier lieu la démonstration d'une altération frauduleuse de la vérité, dans un document qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'une intention coupable de l'agent qui résulte, quelque soit son mobile, de sa connaissance de l'altération de la vérité dans un document susceptible d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, et d'un préjudice ; que s'agissant de l'usage de faux, l'intention coupable de l'agent résulte de sa conscience de l'altération de la vérité dans le document susceptible d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, dont il est fait usage ; que les dispositions du code de la santé publique ci-dessus rappelées conditionnent le remboursement du matériel d'optique à l'établissement obligatoire d'une prescription initiale établie par un docteur en médecine ; que les renouvellements de matériel d'optique intervenant dans le cadre de la loi du 21 décembre 2006 sont soumis à des exigences très strictes et elles ne peuvent notamment intervenir qu'au vu d'une facturation détaillée et d'une feuille de soins signée par l'assuré ; que l'enquête interne conduite par les agents assermentés de la CPAM et l'enquête diligentée à l'initiative du parquet de[...] ont établi que, pour permettre le remboursement de prestations fictives, M. X... a présenté aux organismes d'assurance maladie des facturations mentionnant des prescriptions en apparente conformité avec la réglementation, dont l'authenticité n'a été mise en doute que par un contrôle détaillé réalisé à posteriori ; que c'est la comparaison de ces facturations entre elles et la reconstitution du parcours de soins des assurés sociaux qui a permis de déceler un système de facturation fictive destiné à déclencher le remboursement de prestations indues par les caisses de sécurité sociale et mutuelles, à partir de faux documents ; qu'il a ainsi été établi que l'essentiel des factures de renouvellement de matériel d'optique reposaient sur des ordonnances de prescription établies par des médecins du service d'ophtalmologie de l'hôpital de[...] alors que tous les assurés qui ont été auditionnés au cours de l'enquête ont déclaré : -n'avoir jamais consulté au centre hospitalier de[...], -n'avoir jamais bénéficié des montures ou verres mentionnés sur les factures de renouvellement qui leur ont été présentées par les enquêteurs, -ne pas être les signataires des feuilles de soins correspondantes, -ne pas être les signataires des factures transmises à leur caisse de sécurité sociale, lesquelles comportaient parfois des signatures différentes pour un même assuré ; que sur interrogation de la CPAM, le directeur du centre hospitalier de[...] a confirmé qu'aucun de ces patients sauf un, mais à une autre date, n'avait consulté au service ophtalmologie ; qu'il est également apparu que des demandes de renouvellement avaient été effectuées pour des personnes hospitalisées ou décédées ou vivant hors département, ou pour des enfants de moins de 16 ans alors que dans cette hypothèse, une nouvelle ordonnance de prescription est requise (dossier M. G...) ; qu'encore, certaines facturations de renouvellement faisaient état de consultations en ophtalmologie à l'hôpital de[...] le dimanche, fait non contesté par M. X... qui, devant la cour, a indiqué que, débordé par l'aspect administratif, il renseignait parfois les dates au hasard ; que MM. C..., D... et B..., médecins, ont pour leur part confirmé que les prescriptions établies à leur nom, comportant des anomalies grossières, étaient des faux ; que M. X... conteste être l'auteur de ces faux après avoir admis, ce qui est pour le moins incohérent, avoir modifié sur les feuilles de soins de la plupart des assurés, le nom du prescripteur initial, devenu «[...]» ; que, ces trois médecins étaient ou avaient travaillé au service ophtalmologie de l'hôpital de[...] et aucun n'avait reçu les patients qui consultaient prétendument dans cet hôpital et s'étaient adressés à l'opticien M. X... ; que l'enquête a également mis en évidence l'existence de facturations de renouvellement pour bris de lunettes intervenues le même jour pour plusieurs membres d'une même famille (dossiers

M..., L..) ou encore l'existence de factures de renouvellement antérieures à la prescription initiale pour 57 assurés (ainsi,            concernant Mme H...) : renouvellement du 22 décembre 2008 se référent à une prescription initiale du centre hospitalier de[...] du 6 juillet 2007 alors que l'opticien joint à cette facture une prescription de M. I..., médecin, datée du 12 décembre 2008 et réalisée le 30 décembre 2008, une facture de prescription initiale en y joignant la même ordonnance) ; qu'interrogé sur ces faits, et sur les incohérences affectant les nombreux dossiers dont les enquêteurs ont repris en sa présence le détail, en lui présentant les facturations et feuilles de soins litigieuses, M. X... a allégué «d'erreurs» ou «d'arrangements administratifs», tout en concédant : «on aurait dû revérifier l'ophtalmologiste prescripteur» ; que dans ses écritures, il a réitéré avoir pu, par facilité, mais de manière erronée et non intentionnelle, porter sur certaines facturations la mention «[...]» au lieu du nom du médecin prescripteur, admettant ainsi être l'auteur de faux ; que devant la cour, ainsi qu'il l'avait déclaré en première instance, il a réitéré que l'original des prescriptions devait se trouver à la sécurité sociale et que le support des documents argués de faux n'avait pas été retrouvé en perquisition ; qu'il a ajouté que ce système arrangeait la clientèle qui était ainsi déchargée de «l'administratif" ; que force est de constater cependant qu'aucun des clients entendus n'était instruit de ce procédé, certains s'étant du reste étonnés de ne rien avoir à régler à l'opticien ; que pour autant, M. X... a admis que les patients pour lesquels des demandes de renouvellement avaient été effectuées n'avaient pas consulté à l'hôpital de[...] ce qui, effectivement, est difficilement contestable, tout en mentionnant que les facturations jointes à ces ordonnances fictives étaient bien réelles et correspondaient à la fourniture effective de verres ou de montures, alors que ces mêmes patients, dont les auditions sont ci-dessus reprises en détail, ont certifié qu'ils n'avaient jamais bénéficié de ces renouvellements de lunettes ou de verres ; que certains des assurés, destinataires de courriers de réclamation de leur organisme de protection sociale, se sont rapprochés de M. X... qui, pour toute explication, leur a indiqué qu'il en faisait son affaire ; que M. E... employé au moment des faits au magasin New Optical de Vendôme a confirmé ce mode opératoire ajoutant que certains patients, qui l'ont du reste confirmé (Mme J...), avaient pu se voir délivrer des lunettes alors qu'ils ne disposaient d'aucune ordonnance de prescription initiale, procédé rigoureusement interdit par la réglementation ; qu'il a également indiqué que M. X... avait utilisé son forfait mutuelle pour l'établissement d'une facturation fictive de lunettes et qu'il choisissait par préférence les mutuelles qui remboursaient le mieux ; que M. E... a également déclaré qu'il n'avait jamais consulté à[...] et que la feuille de soins établie le 14 novembre 2008, portant la mention "RI", était un faux ; que, de même, Mme K..., acquéreur du magasin New Optical de Vendôme a constaté en consultant le fichier clients un nombre anormal de facturations de renouvellement et l'étonnement de certains assurés qui, s'adressant à elle après la reprise du commerce, ont eu à régler la part non prise en charge par leur mutuelle, ce qui n'était pas le cas auparavant ; que les fausses facturations auxquelles étaient adossées pour l'essentiel, des ordonnances du centre hospitalier de[...] et feuilles de soins correspondantes, ont permis à M. X..., par le biais du système du tiers payant, d'obtenir le remboursement de prestations de sécurité sociale et de compléments mutuelles indus comme ne correspondant à aucune contrepartie pour leurs assurés ; que ces factures, feuilles de soins et prescriptions constituaient des faux, altération de la vérité dont M. X..., auteur de ces faux, avait nécessairement connaissance, qu'elles étaient destinées à justifier les remboursements indus opérés par les caisses de sécurité sociale et les mutuelles, qu'elles étaient susceptibles d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, à savoir le droit au renouvellement de matériel d'optique du client, qu'elles n'ont été établies que pour masquer la fraude orchestrée par M. X..., fraude qui a généré un préjudice certain, et dont seul M. X... a tiré bénéfice ; qu'ainsi, les délits de faux et d'usage de faux étant caractérisés en tous leurs éléments constitutifs, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu M. X... dans les termes de la prévention » ;

"1°) alors qu'il est interdit de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde infraction pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes qu'une première ; que la cour d'appel est entrée en voie de condamnation à l'encontre de M. X... des chefs d'escroquerie d'une part, et de faux et usage de faux d'autre part, pour les mêmes faits consistant à établir et utiliser des factures, des feuilles de soins et des prescriptions médicales fictives, pour obtenir des remboursements de la sécurité sociale et de mutuelles afférents à des montures et verres de lunettes ; qu'en jugeant ainsi M. X... pour trois infractions distinctes, lors même qu'elles avaient pour origine des faits qui étaient en substance les mêmes, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale ; que la cour d'appel est entrée en voie de condamnation à l'encontre de M. X... des chefs d'escroquerie d'une part, et de faux et usage de faux d'autre part, pour les mêmes faits consistant à utiliser des factures, des feuilles de soins et des prescriptions médicales fictives pour obtenir des remboursements de la sécurité sociale et de mutuelles afférents à des montures et verres de lunettes ; qu'en statuant ainsi, alors que l'établissement de ces documents et leur usage ne constituaient qu'une opération préalable nécessaire à la remise par les mutuelles et organismes de sécurité sociale de remboursements de verres et montures de lunettes, pour laquelle M. X... a été déclaré coupable d'escroquerie, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"3°) alors qu'il n'est possible de retenir plusieurs qualifications pénales pour un même fait que s'il est reproché à l'individu de porter atteinte à des valeurs sociales distinctes ; que la cour d'appel est entrée en voie de condamnation à l'encontre de M. X... des chefs d'escroquerie d'une part, et de faux et usage de faux d'autre part, pour les mêmes faits consistant à utiliser à utiliser des factures fictives, des feuilles de soins et des prescriptions médicales arguées de faux pour obtenir des remboursements de la sécurité sociale et de mutuelles afférents à des montures et verres de lunettes ; qu'en retenant ainsi trois infractions distinctes pour les mêmes faits, sans faire ressortir que le faux, l'usage de faux et l'escroquerie tendraient à préserver des intérêts sociaux distincts, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;

Vu le principe ne bis in idem ;

Attendu que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ;

Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie et de faux et usage, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen et retient, notamment, qu'il a joint des fausses factures aux dossiers de demandes de remboursements d'actes et de prestations optiques indus par lui adressés aux organismes sociaux et aux mutuelles ; que les juges ajoutent que les fausses facturations étaient adossées à des ordonnances médicales falsifiées et que seul M. X... a intérêt à établir de telles fausses ordonnances afin d'obtenir un règlement ; qu'ils relèvent encore que ces ordonnances fictives étaient susceptibles d'établir le droit au renouvellement de matériel d'optique du client et qu'elles n'ont été dressées que pour masquer la fraude orchestrée par le prévenu et justifier les paiements indus qu'il a obtenus ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans retenir des faits constitutifs de faux et usage distincts des manoeuvres frauduleuses qu'elle a expressément retenues pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 2, 3, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de parties civiles,

" aux motifs que selon les dispositions de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage ; qu'il s'ensuit que le préjudice allégué doit être directement en lien avec l'infraction commise et c'est à ce titre que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), la caisse du régime social des indépendants (RSI Centre), la Caisse de mutualité sociale agricole de [...] (MSA), M. C..., la mutuelle nationale territoriale, l'institution BTP Prévoyance, Groupama Paris Val-de-Loire, la SA Groupama Gan Vie, en son nom et venant aux droits de Gan Eurocourtage, la SA Gan Assurance, l'institution Humanis Prévoyance   , venant aux droits et obligations d'Aprionis Prévoyance, la SA Generali vie, MUT2M Paris-Malakoff Mederic Prévoyance , l'AG2R Prévoyance , Harmonie Mutuelle et la MGEN, qui ont servi des prestations en remboursement de leurs assurés, dans le cadre des renouvellements fictifs de matériel d'optique orchestrés par M. X..., ont qualité à se constituer partie civile afin de réclamer réparation des préjudices subis ; qu'il doit également être rappelé que l'exception d'irrecevabilité d'une constitution de partie civile doit être soulevée avant toute défense au fond et que M. X..., comparant en première instance et assisté d'un avocat, est irrecevable en application de l'article 385 du code de procédure pénale, à invoquer ce moyen pour la première fois en cause d'appel ; qu'il n'est pas non plus recevable, en application des mêmes dispositions, à exciper du défaut de qualité à agir de Groupama Val de Loire, soulevé pour la première fois devant la cour ;

"1°) alors que l'exception d'irrecevabilité d'une constitution de partie civile, fondée sur l'article 2 du code de procédure pénale, peut être soulevée en tout état de la procédure ; qu'en jugeant au contraire, pour déclarer recevables les constitutions de parties civiles, que l'exception d'irrecevabilité d'une constitution de partie civile doit être soulevée avant toute défense au fond et que faute d'avoir invoqué l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles des mutuelles en première instance, M. X... serait irrecevable à l'invoquer en appel, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que la recevabilité d'une constitution de partie civile pour défaut de qualité à agir peut être contestée en tout état de la procédure et notamment en cause d'appel ; qu'en jugeant au contraire, pour déclarer recevables les constitutions de parties civiles, que le défaut de qualité à agir de Groupama Val de Loire ne pouvait pas être invoqué pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"3°) alors qu'une constitution de partie civile n'est recevable que si le préjudice invoqué résulte directement des faits visés par la prévention ; que M. X... était prévenu d'escroquerie, de faux et d'usage de faux, au préjudice de diverses mutuelles et organismes de sécurité sociale ; que leurs dénominations et les montants des prestations concernées étaient précisés dans les actes de prévention ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles des compagnies Groupama Gan Vie, Gan Eurocourtage, Generali Vie, lors même que ces sociétés et les prestations les concernant constituaient des faits étrangers à la prévention, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"4°) alors que les personnes non désignées dans la prévention en qualité de victimes de l'infraction sont irrecevables à demander réparation de leurs préjudices ; que la compagnie Groupama Gan Vie et la société Gan Eurocourtage ne sont ni visées par la citation devant le tribunal de grande instance ni n'ont porté plainte avec constitution de partie civile ; que ne figurant pas à la prévention, elles ne sont pas recevables à demander réparation du préjudice qui en résulterait ; qu'en jugeant toutefois recevable la constitution de partie civile de la compagnie Groupama Gan Vie venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"5°) alors que les personnes non désignées dans la prévention en qualité de victimes de l'infraction sont irrecevables à intervenir à l'instance pour demander réparation du préjudice qui en résulterait ; que la compagnie Generali Vie n'est pas visée par la citation devant le tribunal de grande instance et n'a pas porté plainte avec constitution de partie civile ; que ne figurant pas à la prévention, elle n'est pas recevable à demander réparation de son préjudice ; qu'en jugeant toutefois sa constitution de partie civile recevable, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"6°) alors que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en se bornant à énoncer, pour considérer que les diverses mutuelles et caisses de sécurité sociale en cause seraient recevables à se constituer parties civiles, qu'elles auraient servi des prestations en remboursement de leurs assurés, dans le cadre des renouvellements fictifs de matériels d'optique orchestrés par M. X..., sans davantage s'expliquer sur les prestations que chacun de ces organismes aurait ainsi servies, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;

Attendu que, si c'est à tort que l'arrêt énonce que l'exception d'irrecevabilité d'une constitution de partie civile ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel, il n'encourt cependant pas la censure dès lors que les juges ont, d'une part, relevé au préalable, pour confirmer le jugement en ce qu'il a reçu les constitutions de parties civiles, la régularité de ces dernières et un lien de causalité direct entre l'escroquerie et le dommage personnellement subi par les parties civiles en réglant des sommes indues au prévenu, d'autre part, ont précisé les nouvelles raisons sociales des mutuelles venues aux droits de celles énumérées comme victimes dans un tableau annexé à l'une des citations et enfin, l'affaire a été renvoyée sur la liquidation des intérêts civils de sorte que manque en fait la sixième branche du moyen, les juges ne s'étant pas encore expliqués sur les prestations que chacune de ces mutuelles et assurances auraient servies ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner les troisième, quatrième et cinquième moyens du fait de la cassation intervenue :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges en date du 18 mai 2016, mais en ses seules dispositions relatives aux délits de faux et usage et aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;




DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq octobre deux mille dix-sept ;