CA Caen, 2e ch. civ. et com., 9 avril 2015, n° 13/03795
CAEN
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Briand
Conseillers :
Mme Beuve, Mme Boissel Dombreval
L'URSSAF de la Manche a, en vue du recouvrement de cotisations dues par la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche pour les années 2010 et 2011, fait pratiquer les 20 janvier, 30 mars, 16 juillet et 25 novembre 2011, des saisies-attributions sur la CPAM de la Manche.
Le tribunal de commerce de Coutances a, par jugement en date du 13 décembre 2011, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche, fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 1er mars 2011 et désignant M. P. et M. L. en qualité respectivement d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 18 décembre 2012, la date de cessation des paiements a été reportée, sur demande de M. P. et de M. L., au 30 juin 2010.
M. P. et la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche ont, par acte du 14 mars 2013, fait assigner l' URSSAF de la Manche aux fins d'annulation, sur le fondement de l'article L632-2 du code du commerce, des saisies-attributions pratiquées entre le 30 juin 2010 et le 13 décembre 2011 et de condamnation à verser à la procédure collective l'intégralité des sommes encaissées soit 146.301,70 euros outre les intérêts de droit à compter de l'assignation.
Vu le jugement rendu le 15 novembre 2013 par le tribunal de commerce de Coutances déclarant recevable l'intervention volontaire de l'URSSAF de Basse-Normandie, irrecevable l'action de la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche et rejetant les demandes de M. P..
Vu les conclusions déposées au greffe pour :
- la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche et M. P., en qualité d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan, appelants, le 23 avril 2014
- l' URSSAF de Basse-Normandie, intimée, le 3 avril 2014
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 3 décembre 2014.
Un rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience, avant les plaidoiries.
MOTIFS
Les appelants contestent les dispositions ayant retenu que la preuve n'était pas rapportée de ce que l' URSSAF de Basse-Normandie avait, à la date des saisies-attributions, une connaissance personnelle de la cessation
des paiements de la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche.
Ils font valoir que l'URSSAF de Basse-Normandie a eu connaissance de la situation de la société à l'occasion d'une demande d'étalement des dettes qui a été rejetée.
La Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche n'élève aucun moyen à l'encontre des dispositions par lesquelles le premier juge qui a procédé à une exacte application de l'article L 632-4 du code du commerce, a retenu que l'action en nullité n'étant ouverte qu'aux personnes visées par ledit article qui n'incluaient pas le débiteur, son action était irrecevable.
Il y a donc lieu à confirmation de ce chef.
Il est constant que la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche a saisi, le 27 juillet 2010, la CCSF, compétente pour accorder un plan d'apurement des dettes fiscales et sociales échues.
Le directeur de l' URSSAF de la Manche fait partie de cette commission qui a notifié à la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche, par courrier du 4 octobre 2010, un rejet de sa demande motivé par l'existence de nombreux antécédents fiscaux et sociaux et un contentieux en cours au TASS.
Il résulte de ce courrier qui fait état de la transmission de pièces, d'un entretien et d'une réunion de la commission, que, contrairement aux allégation de l'URSSAF, la commission s'est prononcée non sur la seule recevabilité mais sur le bien-fondé de la demande au vu des éléments produits dont l'insuffisance n'a pas été relevée.
L' URSSAF de Basse-Normandie a donc eu connaissance de l'existence d'un endettement au titre de créances fiscales et sociales échues d'un montant de 140.867,38 euros ainsi que d'une absence de trésorerie, la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche faisant état d'un solde débiteur de compte d'un montant de 24.762,17 euros pour un découvert autorisé de 30.000 euros.
Le dossier déposé par la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche contenait une attestation de l'expert-comptable de l'entreprise indiquant que celle-ci 'rencontre actuellement des difficultés financières importantes renforcées par la perte d'un client significatif intervenue en avril 2010" lequel correspondait au tiers du chiffre d'affaires annuel.
La Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche était donc dans l'incapacité d'acquitter son passif exigible avec son actif disponible constitué par le solde de sa réserve de crédit, observation étant faite que le refus d'un plan d'apurement a consolidé cette situation.
Les cotisations échues tant antérieurement que postérieurement au 4 octobre 2010 n'étant pas réglées spontanément par l'entreprise, l' URSSAF a délivré des contraintes puis recouru à des saisies-attributions.
Elle n'apporte aucun élément pour établir que ce défaut de paiement n'était pas lié à une absence de trésorerie mais à un simple refus d'acquitter les cotisations.
Il convient, par ailleurs, de relever que ces saisies-attributions n'ont pas été pratiquées sur des comptes bancaires, l'URSSAF sachant que l'entreprise ne disposait pas de trésorerie mais sur les créances clients en l'espèce la CPAM de la Manche.
Les éléments susvisé établissent que l' URSSAF avait, à la date de délivrance de chacun des procès-verbaux de saisie- attribution, soit entre janvier et novembre 2011, une connaissance personnelle de l'état de cessation des paiements de la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche.
Cette dernière demande toutefois à la cour de ne pas annuler les procès-verbaux en prenant en considération le contexte, la nature de ses créances et la mauvaise foi de la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche dont le gérant a mis en place un système opaque qui rend douteuse la destination des fonds s'ils n'avaient pas fait l'objet d'une saisie-attribution.
Il est certain que même si, comme en l'espèce, les conditions posées par l'article L632-2 du code du commerce sont réunies, le juge a la faculté de rejeter la demande de nullité de procès-verbaux de saisie-attribution pratiqués en période suspecte.
La nullité prévue par le texte susvisé a pour finalité de reconstituer l'actif du débiteur et de restaurer l'équilibre entre les créanciers.
Les sommes ayant fait l'objet des saisies-attributions sont des dettes sociales qui, eu égard à leur nature, doivent être réglées à l'organisme chargé de les recouvrer dans les meilleurs délais ce d'autant qu'en l'espèce les recettes de la société d'ambulances proviennent des régimes d'assurances auxquels sont versés les cotisations.
Il convient, par ailleurs, de relever qu'il n'apparaît pas que les saisies-attributions pratiquées en période suspecte soient susceptibles de compromettre la continuité de l'entreprise et le règlement des créances échues dés lors que la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche a bénéficié, suivant jugement du 11 mars 2014, d'un plan de redressement.
Il n'y a pas lieu, eu égard à ces éléments, d'annuler les procès-verbaux de saisie-attribution.
La décision déférée est par suite confirmée en toutes ses dispositions.
Parties succombantes, la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche et M. P., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, supportent les dépens d'appel et ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils doivent, en revanche, régler sur ce fondement à l'URSSAF de Basse-Normandie qui a exposé des frais irrépétibles en cause d'appel, une indemnité qu'il est équitable de fixer à la somme de 1200 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement.
Donne acte à M. P. de son intervention volontaire en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions.
Y AJOUTANT
Condamne in solidum la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche et M. P., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, à régler à l'URSSAF de Basse-Normandie une indemnité de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche et M. P., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, de leur demande présentée sur ce même fondement
Condamne in solidum la Société Nouvelle Centre Ambulancier Sud Manche et M. P., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, aux dépens d'appel.