CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 6 novembre 2015, n° 14/01553
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Coleno
Conseillers :
Mme Bel, Mme Moulet
FAITS ET PROCÉDURE
Par le jugement dont appel du 26 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Nice, chambre des procédures collectives, saisi par le mandataire au redressement judiciaire de l'association ARBRE ouvert par jugement du 21 novembre 2013 sur déclaration de l'état de cessation des paiements le 22 octobre 2013, a annulé sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce trois saisies-attributions pratiquées par l'URSSAF les 30 octobre, 5 novembre et 7 novembre 2013 sur deux comptes bancaires de l'association ouverts à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE et au CREDIT COOPERATIF, en vertu de plusieurs contraintes non contestées,
considérant qu'il résultait de la procédure de redressement judiciaire que la cessation des paiements remontait au 22 octobre 2013, soit antérieurement aux saisies, et que l'URSSAF ne pouvait pas prétendre l'avoir ignoré dans la position qui est la sienne, celle d'un créancier institutionnel qui par surcroît avait, au cours du mois d'août précédent, révoqué en séance de la commission des chefs de services financiers le 6 août 2013 le moratoire de 24 mois qui avait été accordé le 27 février 2012 à l'association.
Vu les dernières conclusions déposées le 18 mars 2014 par l'URSSAF PACA tendant à la réformation de cette décision et demandant à la Cour de dire n'y avoir lieu à annulation des saisies, soutenant notamment :
que l'interruption d'un accord de délai de paiement n'induit pas un état de cessation des paiements, qu'elle implique seulement que chaque créancier public reprend sa liberté d'action,
que ce n'est que par un courrier daté du 5 novembre 2013 que l'association a évoqué le dépôt de son dossier au tribunal de grande instance de Nice en vue d'un redressement judiciaire,
que ce courrier ne lui a été acheminé que par voie dématérialisée le 7 novembre à 13 heures 09,
que c'est donc à tort que les saisies-attributions pratiquées jusqu'au 7 novembre ont été annulées,
Vu les dernières conclusions déposées le 4 août 2015 par l'association ARBRE tendant à l'irrecevabilité de l'action de l'URSSAF, à titre subsidiaire à la confirmation du jugement dont appel, soutenant notamment qu'elle s'est trouvée en état de cessation des paiements à la suite de la révocation du moratoire de deux ans accordé, mais qui était intenable car trop court, que les saisies-attributions lui ont bloqué l'ensemble de sa trésorerie (120K) et l'acculeraient à la liquidation judiciaire en cas de validation alors qu'elle est saine et remplit des missions sociales importantes,
Vu les dernières conclusions déposées le 4 août 2015 par la SCP TADDEI FERRARI FUNEL tendant à l'irrecevabilité de l'action de l'URSSAF, à titre subsidiaire à la confirmation du jugement dont appel, soutenant notamment :
que dès 2011, l'URSSAF avait annoncé son intention de saisir le tribunal de grande instance d'un demande d'ouverture d'une procédure collective, alors que l'association ne disposait que d'une trésorerie de 210.000 € pour faire face à un passif de 356.261 €, du fait de retards de paiements publics,
que c'est l'URSSAF qui a fait révoquer le moratoire -qui ne concernait d'ailleurs que sa seule créance,
que par jugement du 24 novembre 2014 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Nice arrêté un plan de redressement par continuation assurant le paiement de l'intégralité du passif en 10 ans,de sorte que l'action de l'URSSAF, qui remettrait en cause tant le montant de sa créance, fixée par le tribunal, que les modalités de paiement, est irrecevable,
que le moratoire a été révoqué en raison de multiples incidents de paiement,
que les saisies rendaient inéluctable la liquidation judiciaire, sans aucun profit pour les créanciers parmi lesquels 27 salariés,
Vu l'avis du ministère public,
Vu l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2015,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que le moyen d'irrecevabilité opposé à l'appel de l'URSSAF n'est pas caractérisé alors que, quelles que soient les possibilités concrètes qui s'ouvrent suivant l'issue du litige compte tenu de l'approbation d'un plan de continuation, l'appelante conserve intérêt par principe à faire juger sur son appel ;
Attendu, sur le fond, qu'aux termes de l'article L632-2 du code de commerce, les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements. Tout avis à tiers détenteur, toute saisie-attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci ;
Attendu, en fait, qu'il est versé aux débats une lettre de l'URSSAF du 12 janvier 2012 à l'association l'informant que, ne respectant plus ses obligations sociales, les cotisations n'étant pas réglées, une assignation en redressement judiciaire va être diligentée ;
Attendu que le 27 février 2012, la commission des chefs des services financiers et des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage a accepté un plan d'apurement de 24 mois d'une dette sociale de 137.508,83 € envers l'URSSAF consistant en un paiement immédiat de 6.019 € puis le versement le 19 de chaque mois, à partir du 19 mars, de mensualités de 5.700 € ;
que ce plan prévoyait qu'il serait résolu notamment en cas de non paiement d'une échéance comme en cas de non paiement des échéances courantes ;
que la commission a décidé le 6 août 2013 de déclarer caduc ce plan ;
Attendu que dans sa demande tendant à la déclaration de l'état de cessation des paiements déposée le 22 octobre 2013, l'association ARBRE indique n'avoir plus pu honorer le plan ni rester à jour des charges sociales courantes,
que le jugement d'ouverture du 21 novembre 2013 a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 22 octobre 2013 ;
Attendu que le rapport de l'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de l'association mentionne un passif total d'environ 446.400 € dont 258.800 € dus à l'URSSAF hors créance prévisionnelle ;
que par jugement du 24 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Nice a arrêté un plan de redressement par continuation prévoyant un remboursement du passif en dix annuités ;
Attendu qu'il ressort du décompte de la créance de 126.545,33 € joint aux deux saisies-attributions des 30 octobre 2013 et 5 novembre 2013 pratiquées en vertu de la même contrainte du 12 septembre 2013 qu'après avoir enregistré seulement trois paiements pour un montant total de 19.469 € entre le 26 décembre 2011 et le 24 juillet 2012, le compte de l'association ARBRE n'a plus présenté aucun paiement de ces chefs entre le 24 octobre 2012 et le 6 novembre 2013, soit plus d'un an ;
qu'en ce qui concerne la saisie-attribution du 7 novembre 2013, les derniers versements enregistrés remontent au mois de mars 2013 pour les contraintes des 4 août 2011 et 7 septembre 2011, au mois de mai 2013 pour la contrainte du 1er septembre 2011, et au mois de juillet 2013 (3.199,47 €) pour la contrainte au 29 septembre 2011, toutes non soldées ;
que pour cette même saisie-attribution, aucun paiement n'est enregistré au titre des contraintes du 4 avril 2013 (12.896,30 €) et du 2 octobre 2013 (12.151,85 €) ;
Attendu qu'il ressort au total de l'ensemble de ces constatations qu'après avoir précisément menacé l'association au mois de janvier 2012 d'une assignation en redressement judiciaire, l'URSSAF alors seule créancière durablement impayée à hauteur de 134.000 € a consenti le 27 février 2012 dans le cadre de la CCSF à un plan d'apurement de 24 mois par mensualités de 5.700 € ;
qu'il résulte du détail des paiements enregistrés que non seulement l'association n'a pas été en mesure d'honorer régulièrement et complètement le paiement des échéances de ce plan, mais qu'en outre elle ne parvenait pas à payer ses cotisations courantes qui donnaient lieu à l'émission de deux nouvelles contraintes aux mois d'avril et octobre 2013, en sorte que le passif ne faisait que s'aggraver et spécialement la dette envers l'URSSAF ainsi que le mettent en évidence les chiffres ci-dessus relevés ;
qu'en particulier aucun paiement n'est plus enregistré après le mois de juillet 2013, ce qui est en cohérence avec le moment où la caducité du plan est prononcée par la CCSF ;
Attendu qu'il en résulte sans ambiguïté que l'URSSAF, parfaitement informée au moins depuis les mois de janvier et février 2012 de la fragilité de la situation particulière de l'association, dont les comptes sont régulièrement établis et certifiés par un commissaire aux comptes, avait connaissance de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait l'association, qui n'assurait plus aucun paiement depuis le mois d'août 2013, soit depuis trois mois lorsque à la fin du mois d'octobre et au début du mois de novembre 2013 elle a décidé d'engager des actes d'exécution forcée pour recouvrement de ses créances ;
qu'il s'ensuit que c'est par une exacte application de la règle de droit à une situation justement appréciée qui est vainement contestée que le premier juge a annulé les trois saisies-attributions litigieuses ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes;
Condamne l'URSSAF PACA aux dépens.