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Décisions

Cass. crim., 5 avril 2005, n° 04-82.475

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Versailles, du 27 fév. 2004

27 février 2004

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 314-7 et suivants du Code pénal, de l'article 6, alinéa 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Roger X... coupable du délit d'organisation frauduleuse de son insolvabilité en vue d'échapper à une condamnation de nature patrimoniale, et en répression l'a condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement assortis du sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans, outre à des dommages et intérêts ;

"aux motifs que, "il ressort des éléments soumis à la Cour qu'en juin 1997, Roger X... a acheté pour 83 383 francs la SCI Les Almadies dont l'actif était constitué d'un immeuble et le passif d'un emprunt de 493.000 francs puis qu'en novembre 1997, il a été décidé que le capital serait réparti comme suit : 120 des 200 parts de la SCI revenant à Anne-Marie Y... et à son fils mineur, et 80 à Roger X... ; qu'il apparaît donc que Roger X... a ainsi volontairement diminué de 60 % l'actif de son patrimoine, en ne restant propriétaire que de 40 % du bien immobilier qui constituait le gage de ses créanciers actuels ou futurs ; que, comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, Roger X... s'est dépossédé des parts sociales de la SCI Les Almadies dont il était titulaire le 11 novembre "soit deux mois avant l'audience correctionnelle du 26 janvier 1998 à laquelle l'affaire a été renvoyée au fond, après un jugement avant dire droit du 26 mai 1997 pour expertise" ; que l'article 314-7 du Code pénal précise que l'infraction est constituée si la diminution de l'actif est réalisée "même avant la décision judiciaire constatant (la) dette" ; qu'à cette époque, compte tenu de l'évolution prise par la procédure pénale dont il faisait l'objet et du fait qu'il se savait nécessairement coupable des faits qui lui étaient reprochés, Roger X... pouvait raisonnablement envisager une décision défavorable, et vouloir ménager l'avenir, en faisant échapper aux parties civiles une partie de l'actif de son patrimoine, fût-il grevé d'un passif ; que ce passif était en tout état de cause amené à diminuer, au fil du temps, avec les remboursements des échéances dues à l'établissement prêteur ; que la cession de parts en faveur de sa concubine et du fils mineur de celle-ci, opération sur laquelle aucune justification n'est apportée, ne peut avoir d'autres motifs que d'anticiper les condamnations pénales et civiles redoutées ; que par ailleurs, ces faits ne sont pas couverts par la prescription, qui a commencé à courir lorsque la décision de condamnation à laquelle Roger X... a voulu se soustraire est intervenue" ;

"1 ) alors que les juges du fond ne peuvent entrer en voie de condamnation que s'ils ont, au préalable, caractérisé sans insuffisance les éléments constitutifs de l'infraction ; que les motifs hypothétiques équivalent à un défaut de motifs ; qu'au cas d'espèce, en énonçant, pour entrer dans les liens de la prévention, qu'à la date de la cession de parts Roger X... "pouvait raisonnablement envisager" être condamné par le tribunal correctionnel de Versailles, ou encore que la cession "ne pouvait avoir d'autres motifs" que d'anticiper ces condamnations, les juges du fond ont statué par des motifs hypothétiques et ont violé les textes susvisés ;

"2 ) alors que si le délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité en vue d'échapper à une condamnation d'ordre patrimonial peut résulter d'actes commis avant la décision de condamnation, encore faut-il que les juges du fond caractérisent qu'à la date de ces actes, le prévenu était certain d'être prochainement condamné ; qu'au cas d'espèce, en relevant seulement que Roger X... "pouvait raisonnablement envisager" être condamné, les juges du fond n'ont pas caractérisé la conscience que pouvait avoir Roger X... du caractère inéluctable de sa future condamnation, et ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Roger X..., condamné à des réparations civiles par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 20 janvier 2000, devenu définitif le 23 janvier 2001, qui l'a déclaré coupable d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable ou de comptable agréé, est poursuivi sur la plainte des époux Z..., parties civiles, pour avoir organisé son insolvabilité en vue de se soustraire à l'exécution de cette condamnation pécuniaire ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable, l'arrêt retient que, deux mois avant l'audience du tribunal correctionnel à laquelle l'affaire avait été renvoyée par un jugement avant dire droit ordonnant une expertise, alors qu'il pouvait redouter d'être condamné par cette juridiction, il a diminué l'actif de son capital, en cédant sans contrepartie à sa concubine et au fils de celle-ci 60 % du capital d'une société civile immobilière dont il était l'unique détenteur, organisant ainsi, de façon intentionnelle, son insolvabilité ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, et procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, l'infraction reprochée ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Roger X... à payer aux époux Z... la somme de 2 500 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;