Cass. 2e civ., 22 octobre 2020, n° 19-15.316
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Kermina
Avocat général :
M. Aparisi
Avocats :
SCP Gouz-Fitoussi, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2018) et les productions, se prévalant de manquements commis, à leur préjudice, par la société La Banque postale et la société Banque Themis (les banques) à leur obligation de vigilance dans la surveillance des comptes de la société France énergies finance (la société FEF), ouverts dans leurs livres, M. C... et 137 autres demandeurs (les investisseurs) les ont assignées en responsabilité devant un tribunal de grande instance, pour les voir condamner in solidum à leur payer à chacun une certaine somme correspondant au montant d'investissements, le cas échéant diminués de reversements, qu'ils ont réalisés auprès de la société FEF et à laquelle ils reprochent de les avoir détournés de leur objet.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.
Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. Les investisseurs font grief à l'arrêt d'annuler les assignations des 25 mars et 16 avril 2016, alors :
« 1°/ que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; que, saisi d'une exception de nullité pour défaut d'énonciation des moyens de fait, le juge, chargé d'examiner ce vice de forme, ne peut, sans excéder ses pouvoirs, apprécier la pertinence des moyens ainsi que la portée des éléments produits à l'appui de l'assignation ou des conclusions la complétant ; qu'en relevant, pour annuler les assignations délivrées par les investisseurs les 25 mars et 12 avril 2016 pour absence d'indication des moyens en fait, d'une part, que les demandeurs n'avaient pas apporté de précisions suffisantes dans leurs exploits introductifs d'instance, ni dans leurs conclusions récapitulatives de première instance, sur les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF et, d'autre part, qu'ils n'avaient pas expliqué le préjudice chiffré, la cour d'appel, qui a apprécié la pertinence des moyens en fait et la valeur probante des éléments de preuve, a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 56 du code de procédure civile ;
2°/ que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; que dans le cadre d'une action en responsabilité d'investisseurs contre une banque pour défaut de son obligation de vigilance, l'assignation doit contenir comme moyen en fait, l'explication de la faute commise par le banquier, le préjudice subi par les requérants et le lien de causalité ; qu'en l'espèce, les investisseurs avaient soutenu, d'une part, que les banques auraient dû relever, au vu des mouvements du compte de la société FEF une anomalie, d'autre part, que l'absence de réaction des banques en présence d'une activité illicite dès son origine a permis la réalisation et la poursuite de cette activité pendant cinq ans et, enfin, que le préjudice était égal à la perte de l'investissement déduction faite des remboursements qu'ils ont perçus ; qu'il n'appartenait pas aux investisseurs de détailler les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF ; qu'en relevant, pour annuler les assignations délivrées par les investisseurs les 25 mars et 12 avril 2016 pour absence d'indication des moyens en fait, que les demandeurs n'avaient pas apporté de précisions suffisantes dans leurs exploits introductifs d'instance, ni dans leurs conclusions récapitulatives de première instance, sur les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF, alors qu'une telle précision n'était pas nécessaire dans le cadre d'une action en responsabilité contre les banques pour défaut de vigilance, la cour d'appel a violé l'article 56 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 56 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 :
4. Selon ce texte, l'assignation contient, à peine de nullité, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.
5. Pour annuler les assignations des 25 mars et 16 avril 2016 motif pris de l'absence d'exposé des moyens en fait, l'arrêt retient que les demandeurs n'ont pas apporté de précisions suffisantes dans les exploits introductifs d'instance et dans leurs conclusions récapitulatives sur les caractéristiques des investissements effectués par les demandeurs auprès de la société FEF et sur le montant des remboursements qu'ils disent avoir reçus d'elle et que ce défaut d'explication ne permettait pas aux défendeurs de répondre utilement.
6. En statuant ainsi, alors que les investisseurs agissaient en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'un manquement par les banques à leur obligation de vigilance dans la surveillance de fonds argués de détournement par la société FEF, de sorte que les caractéristiques des investissements effectués par les demandeurs auprès de la société FEF ne constituaient pas des moyens en fait nécessaires, au sens du texte précité, à la défense des banques, la cour d'appel, qui a, sous le couvert de l'examen des conditions de validité des assignations, porté une appréciation sur la force probante d'allégations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.