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Décisions

Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-13.658

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Lecaroz

Avocat général :

M. Le Mesle

Avocats :

Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Versailles, du 18 nov. 2010

18 novembre 2010

Met hors de cause, sur sa demande, la société PSA Antwerp NV ;

Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Safmarine container lines NV, les sociétés Acergy services, Allianz global corporate et specialty, Axa corporate solutions assurance, Covea fleet, Generali IARD, GAN Eurocourtage, Helvetia assurances, Italiana assicurazioni et riassicurazioni ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Stolt offshore services, devenue la société Acergy services (la société Acergy), ayant vendu une grue à la société Cabinda gulf oil company (la société Cabinda), domiciliée en Angola, a confié à la société SDV Logistique internationale (la société SDV LI) l'organisation du transport depuis Yarmouth (Angleterre) jusqu' à Lobito (Angola) ; qu'à l'issue du pré-acheminement sur camion depuis Yarmouth jusqu'à Anvers (Belgique), la société Safmarine container lines NV (la société Safmarine) est intervenue en qualité de transporteur maritime depuis Anvers jusqu'à Lobito selon connaissement du 15 octobre 2003 ; qu'à la suite des opérations de chargement réalisées à la demande de la société Safmarine sur le navire "Aeolian Sun" par la société PSA Antwerp NV, anciennement dénommée Hesse Noord Natie (la société PSA), des réserves portant sur des dommages occasionnés à la marchandise ont été émises ; que la société Acergy a assigné en dommages-intérêts les sociétés Safmarine et SDV LI, cette dernière appelant en garantie les sociétés PSA et Safmarine ; qu'après avoir indemnisé la société Acergy, les sociétés Allianz global corporate et Specialty, Axa corporate solutions assurance, Covea fleet, Generali IARD, Groupama transport, aux droits de laquelle est venue la société GAN Eurocourtage, Helvetia assurances, Italiana assicurazioni et riassicurazioni (les assureurs) sont intervenues volontairement à l'instance ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société SDV LI fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Acergy et aux assureurs, dans les limites fixées par la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée, la contre-valeur en euros, à la date de l'arrêt, de 52 640 DTS, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2004, alors, selon le moyen :

1°/ que la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, dans sa version d'origine, s'applique à tous les litiges relatifs à un connaissement conclu entre deux entités relevant d'Etats signataires quel que soit l'émetteur des prétentions ou la partie concernée ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que l'Etat belge, pays d'émission du connaissement, comme l'Angola, pays de destination, sont signataires de la Convention de Bruxelles d'origine ; que dès lors, en se fondant sur la circonstance, en réalité inopérante, que le destinataire final de la marchandise, la société Cabinda dont le siège se trouve en Angola, n'est pas concernée par le litige, pour en déduire que la Convention de Bruxelles ne peut s'appliquer dans sa version d'origine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de ladite Convention ;

2°/ qu'en cas de concours entre deux traités internationaux successifs portant sur la même matière, il y a lieu d'en définir les modalités d'application respectives conformément à leurs stipulations ; que l'article 6 alinéa 2 du protocole signé à Bruxelles le 23 février 1968, portant modification de la Convention signée à Bruxelles le 25 août 1924, prévoit qu' «une Partie au présent Protocole ne se verra pas obligée d'appliquer les dispositions du présent Protocole aux connaissements délivrés dans un Etat Partie à la Convention mais n'étant pas Partie au présent Protocole» ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que si l'Etat belge, pays d'émission du connaissement, est signataire de la Convention de Bruxelles amendée, l'Angola, pays de destination, n'a signé que la convention d'origine ; qu'en décidant de faire application de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 dans sa version amendée par le protocole du 23 février 1968 sans rechercher si les stipulations de ce protocole ne faisaient pas obstacle à son application entre un Etat partie et un autre qui ne l'est pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 30 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités prise en tant que coutume internationale ;

3°/ qu'en cas de concours entre deux traités internationaux successifs portant sur la même matière, il y a lieu d'en définir les modalités d'application respectives conformément à leurs stipulations et en fonction des principes du droit coutumier relatifs à la combinaison entre elles des conventions internationales ; que l'article 30 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, non ratifiée par la France mais codifiant sur ce point le droit international coutumier, prévoit que dans les relations entre un État partie aux deux traités en conflit et un État partie à l'un des deux seulement, c'est le traité qui leur est commun qui s'applique ; qu'en décidant de faire application de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 dans sa version amendée par les protocoles signés à Bruxelles les 23 février 1968 et 21 décembre 1979, sans rechercher si les principes du droit coutumier relatifs à la combinaison entre elles des conventions internationales ne commandaient pas de faire application de la Convention de Bruxelles originelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 30 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités prise en tant que coutume internationale ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article 10 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée par les protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979, s'applique à tout connaissement relatif à un transport de marchandises entre ports relevant de deux Etats différents, quand le connaissement est émis dans un Etat contractant ou quand le transport a lieu au départ d'un port d'un Etat contractant, l'arrêt relève que le transport litigieux a eu lieu au départ du port d'Anvers suivant connaissement créé en Belgique, Etat contractant de la Convention de Bruxelles amendée ; que de ces constatations, appréciations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la Convention de Bruxelles amendée étant applicable, l'indemnisation de la société Acergy et des assureurs devait être calculée selon les limites fixées par cette Convention ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 74 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer recevable l'exception d'incompétence de la société Safmarine, l'arrêt retient que les pièces de procédure de première instance démontrent que cette société a opposé une exception d'incompétence au profit de la juridiction de son siège en tête de ses premières conclusions, qu'il n'est pas discuté que celle-ci a été plaidée en premier lors de l'audience devant le tribunal et que l'assignation antérieurement délivrée par laquelle la société Safmarine avait appelé la société PSA en garantie avait eu pour effet de créer une nouvelle instance totalement distincte de l'instance principale ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en appelant la société PSA en garantie, la société Safmarine présentait une défense au fond, de sorte que, fût-ce dans une procédure orale, elle était irrecevable à soulever ultérieurement une exception d'incompétence, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société Safmarine container lines NV recevable en son exception d'incompétence, déclaré le tribunal de commerce de Nanterre incompétent pour connaître des actions engagées à l'encontre de la société Safmarine Container Lines NV au profit des juridictions d'Anvers, et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt rendu le 18 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.