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Décisions

Cass. crim., 9 décembre 2015, n° 15-83.204

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 02 avr. 2015

2 avril 2015

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 22 juin 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'un signalement par les services de Tracfin de flux anormaux sur le compte bancaire d'une société intermédiaire spécialisée dans la vente de quotas de gaz à effet de serre, et d'opérations suspectes menées sur le marché français Bluexnet visant à éluder l'acquittement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), une enquête préliminaire a été confiée par le procureur de la République de Paris au service national de la douane judiciaire ; qu'aux termes de ces investigations, la société française Global énergie, dont les transactions financières transitent sur un compte bancaire à Chypre, aurait, de mars à juin 2009, acheté des quotas d'émission de CO2 hors taxes avant de les revendre toutes taxes comprises, sans reverser au Trésor public français la TVA évaluée à la somme de plus de vingt-deux millions d'euros ; que le 10 février 2011, le ministère public a saisi le juge d'instruction par réquisitoire introductif, au visa de la procédure de la douane judiciaire, de faits, commis à Paris, en tout cas sur le territoire national, courant 2008 et 2009, d'escroqueries à la TVA en bande organisée commises sous couvert de la société Global énergie et de blanchiment en bande organisée de ces escroqueries ;

Attendu qu'au cours de l'information, le magistrat instructeur a adressé un certain nombre de demandes d'entraide internationale aux autorités chypriotes, hongkongaises, suisses et israéliennes, visant, notamment, à suivre le cheminement des fonds frauduleusement obtenus, et faire entendre M. X..., à l'égard duquel des indices rendaient vraisemblable qu'il ait organisé la fraude à la TVA et mis en place un circuit de blanchiment ; qu'il a aussi versé à la procédure des pièces d'exécution d'une commission rogatoire internationale allemande relative à des interceptions téléphoniques, qui lui ont été transmises, à sa demande, par un autre juge d'instruction ;

Attendu que M. X... a été mis en examen, le 15 janvier 2014, des chefs d'escroquerie et blanchiment aggravés, pour avoir, en bande organisée, " à Paris et sur le territoire national, de mars à juin 2009, par des manoeuvres frauduleuses au sein de la société Global énergie, trompé le marché des droits de polluer et l'avoir déterminé à vendre TTC des droits de polluer à la société Global énergie, au préjudice de ce marché, de la Caisse des dépôts et de consignations et de l'Etat français, pour un montant de 22 898 284 euros de TVA éludée ", et, " à Paris et sur le territoire national, et notamment à Hong-Kong, à Chypre, en Suisse, en Israël, à compter de début 2009 et jusqu'au moins en février 2011, blanchi le produit de cette escroquerie, en le dissimulant et le convertissant par des virements dans des sociétés immatriculées au nom de gérants de paille et détenant des comptes dans des centres off-shore, ainsi que par des opérations de compensation " ;
Attendu que, le 15 juillet 2014, M. X... a présenté une requête aux fins d'annulation de pièces de la procédure ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-2, 313-1 et 324-1 du code pénal, 80 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;

" aux motifs que les faits révélés par le SNDJ au parquet de Paris et par l'enquête préliminaire établissaient que la société Ecosur était française, mais que d'importantes sommes d'argent résultant de ses transactions sur le marché des droits carbone et donc de l'escroquerie commise en bande organisée étaient virées à partir de France au bénéfice de sociétés étrangères et sur des comptes bancaires ouverts à l'étranger (Chypre, Géorgie, Monténégro, Hong-Kong) ; que si Ecosur avait eu une activité réelle en France, elle fut parallèlement en relation avec cinq sociétés défaillantes, dont Global énergie, société française, ne disposant d'aucun compte bancaire en France, mais à Chypre en premier lieu ; qu'elle était animée par un gérant, M. Jonathan C..., ne résidant pas habituellement en France, disposant d'adresse lP localisées pour partie en France, mais aussi en Israël, voire en Grande-Bretagne, et entretenant des relations commerciales avec d'autres sociétés telles énergy One sise à Milan, ou en Belgique ; que c'est au vu de l'ensemble de ces informations et de ces éléments d'extranéité que le procureur de la République de Paris ouvrait une information, par un réquisitoire introductif du 10 février 2011, rédigé notamment en ces termes : « ¿ Vu la très grande complexité caractérisant cette procédure, compte tenu, notamment, du support, inédit, des infractions, du nombre des personnes pouvant être mises en cause, et de l'importance des investigations devant être envisagées à l'étranger pour la manifestation de la vérité : Attendu qu'il en résulte contre X des indices graves ou concordants d'avoir commis à Paris, en tout cas, sur le territoire national, courant 2008 et 2009, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, des faits de :
- escroqueries à la TVA en bande organisée, commises uniquement sous couvert de la société Global énergie ¿
- blanchiment en bande organisée d'escroqueries à la TVA en bande organisée commises uniquement sous couvert de la société Global énergie » ; qu'il n'est pas discuté ou contesté que l'infraction originaire d'escroquerie à la TVA en bande organisée a été commise en France, que les juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris sont donc compétents pour en connaître ; que quant au blanchiment, si ce délit est une infraction autonome, distincte du délit originaire, préalablement nécessaire à sa réalisation, il est reconnu par la jurisprudence comme par la doctrine que le blanchiment tel que prévu par les dispositions de l'article 324-1 du code pénal est un délit complexe, que les infractions complexes supposent que des actes délictueux puissent être commis sur différents territoires, que c'est précisément le cas en l'espèce ; que l'article 113-2 du code pénal dispose que la loi française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République ; que l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors que l'un des faits constitutif a eu lien sur ce territoire, qu'en l'espèce seul ce texte s'applique, les dispositions des articles 113-6 et 113-8 du code pénal ne trouvent pas à s'appliquer, aucune plainte préalable ou aucune dénonciation officielle d'un quelconque Etat n'étant préalablement nécessaire ; qu'au cas présent, la procédure a mis en évidence des présomptions, des indices graves on concordants, que le délit de blanchiment des fonds produits de l'escroquerie à la TVA a pris sa source en France, la société Globale énergie étant française, ayant son siège social sise 54 avenue Philippe-Auguste, à Paris 11e, qu'immédiatement après avoir opéré sur le marché du CO2, qu'immédiatement après avoir encaissé les crédits de TVA, soit au total plus de 20 millions d'euros de droits, elle s'est empressée de virer ces fonds à partir de France sur des comptes ouverts à l'étranger dans des banques étrangères, qu'il doit être considéré que les ordres de virement de ces fonds à l'étranger et dans des Etats peu coopératifs, comme Chypre ou Hong-Kong, ont été donnés à partir de Paris ou du territoire national, que ces décisions de transfert des fonds illégalement obtenus constituent un des premiers éléments matériels (voire intentionnel) du délit de blanchiment, soit une opération de dissimulation ou de conversion du produit directe de l'escroquerie en bande organisée, dont Global énergie peut être l'auteur, comme elle peut être simultanément l'auteur ou le complice de l'infraction originaire ; qu'au visa de l'article 80 du code pénal, le juge d'instruction est saisi in rem et en l'espèce à la fois d'escroquerie à la TVA en bande organisée et de blanchiment d'escroquerie en bande organisée, que la localisation des faits à Paris permet certes d'établir juridiquement la compétence territoriale du juge d'instruction de Paris, en application de l'article 52 du code de procédure pénale, mais elle ne limite pas le pouvoir d'investigation du juge d'instruction, tenu d'aller recueillir, au besoin, et ici nécessairement, à l'étranger, les éléments constitutifs de l ¿ infraction de blanchiment, ce magistrat étant tenu de tenter d'identifier le cheminement des flux financiers, de les faire bloquer et saisir aux fins d'une éventuelle confiscation susceptible d'être prononcée comme peine complémentaire, en application de l'article 324-9 et 131-39 du code pénal ; que, si l'infraction originaire d'escroquerie à la TVA a eu lieu entre les 30 avril et 10 juin 2009, et que si le procureur de la République de Paris dans son réquisitoire introductif vise la période de 2008 et 2009, l'infraction de blanchiment s'étant répétée par plusieurs transferts successifs des biens immobiliers et s'étant en l'espèce renouvelée, les investigations des juges d'instruction se justifiaient au-delà des limites de cette stricte période ; que, dès lors, le juge d'instruction français était bien fondé à adresser plusieurs demandes d'entraide pénale internationale, tant à Chypre, qu'à Hong-Kong, en Israël ou encore en Suisse, sans qu'il puisse lui être reproché d'avoir outrepassé le cadre de sa saisine, ces demandes ayant pour but d'identifier les entités et comptes bénéficiaires des sommes obtenues frauduleusement en France et immédiatement réinjectées dans les circuits économiques et financiers, que le juge d'instruction était bien fondé à vouloir obtenir tout documentation bancaire liée au compte de Global énergie à la Marfin Popular Bank à Chypre, ou encore à Hong-Kong quant aux sociétés Timeway group limited et Bisley Global limited destinataire des fonds ayant transité initialement par Chypre, pour enfin être virés en Israël ;

" 1°) alors que le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République ; que les pouvoirs d'investigation du juge sont limités aux seuls faits dont il a été régulièrement saisis par ledit réquisitoire ; que la détermination de l'étendue de cette saisine est nécessairement préalable à la vérification d'une possible application de la loi pénale française à des faits commis à l'étranger ; que l'étendue de cette saisine s'analyse au regard du réquisitoire introductif et des pièces qui y sont jointes ; que le réquisitoire introductif du 10 février 2011, a circonscrit l'ouverture de l'information aux faits, qualifiés de blanchiment en bande organisée, commis à Paris et sur le territoire national ; qu'en se fondant sur les seules dispositions de l'article 113-2 du code pénal relatives aux conditions d'appréciation de la loi française et de compétence du juge pour des faits commis à l'étranger, pour déterminer l'étendue de la saisine du juge d'instruction et en retenant que le principe de la saisine in rem ne limitait pas le pouvoir d'investigation du juge pour aller « recueillir, ici nécessairement à l'étranger, les éléments constitutifs de l'infraction de blanchiment », autrement dit, pour rechercher une infraction localisée à l'étranger dont le juge d'instruction n'était pourtant pas saisi, la chambre de l'instruction a violé ce principe ;

" 2°) alors que le caractère distinct et autonome du délit de blanchiment s'oppose à ce que le juge français puisse connaître d'une infraction de blanchiment de sommes frauduleusement obtenues en France dont les éléments constitutifs ont été commis à l'étranger ; que la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

" 3°) alors qu'en retenant « qu'il doit être considéré » que les ordres de virement de transfert des fonds à l'étranger « ont été donnés depuis Paris ou le territoire national », sans que ne soit précisé par qui ni quand ni comment, et sans qu'aucune pièce de la procédure ou élément de preuve propre à justifier d'une telle localisation ne soit visé, la cour a procédé par voie de pure affirmation et n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;

" et aux motifs que (sic) " d'une commission rogatoire internationale spécifique à la Belgique, qui a consenti à cette demande et l'a exécutée (CRI du 31 mars 2001 D193), les pièces d'exécution ayant été ultérieurement versées régulièrement à la procédure, et pouvant ensuite constituer le support de nouvelles investigations, sans qu'il soit nécessaire pour le juge d'instruction d'obtenir via un réquisitoire supplétif une extension de sa saisie, le juge d'instruction n'instruisait pas sur des faits nouveaux, mais ayant via les éléments fournis par la CRI belge, étayé les investigations antérieures, par des éléments techniques (enregistrement de voix, analyses) de comparaison pouvant concerner Global énergie one " ;

" 4°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que les motifs parcellaires et manifestement tronqués de l'arrêt ci-dessus reproduits ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et ne satisfont pas aux exigences de motivation des décisions de justice ;

" 5°) alors que la requête en nullité faisait valoir que le juge d'instruction avait également excédé sa saisine sur les faits qualifiés d'escroquerie à la TVA ; qu'en effet, alors que la saisine était limitée aux « escroqueries à la TVA commises uniquement sous le couvert de la société Global énergie » par le réquisitoire introductif, pris sur la base des investigations du SNDJ ayant circonscrit les faits à une période allant du 30 avril 2009 au 10 juin 2009, le juge avait instruit hors saisine, sur des faits d'escroquerie supposément similaires commis en Belgique, par l'intermédiaire d'une autre société (la société Groupe énergie one) sur une période postérieure (dernier semestre 2009) en effectuant une demande d'entraide du 22 décembre 2012 visant l'identification d'adresses IP sur le serveur informatique de la société Dubus du 17 septembre 2009 au 10 décembre 2009, soit pour une période concernant les agissements en Belgique ; que l'arrêt attaqué ne répond pas à ce moyen en violation de l'article 593 du code de procédure pénale " ;

Attendu que, pour rejeter les moyens de nullité portant sur les demandes d'entraide internationale, pris d'un dépassement, par le magistrat instructeur, de sa saisine quant aux dates et lieux des faits, en violation des dispositions de l'article 80 du code de procédure pénale, ainsi que de l'article 113-2 du code pénal, aucun élément constitutif du blanchiment n'ayant été commis en France, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant par ces motifs, qui établissent que, d'une part, les actes d'investigation à l'étranger accomplis par le juge d'instruction n'ont pas excédé les limites de sa saisine, déterminée par le réquisitoire introductif et les pièces annexées, dès lors que, notamment, les circonstances précises de temps et de lieu dans lesquelles le produit de l'escroquerie avait fait l'objet d'opérations consécutives et successives de placement, dissimulation ou conversion, formant une action continue, devaient être déterminées par le juge d'instruction saisi du délit de blanchiment d'escroquerie, d'autre part, il existait, au moment de l'ouverture de l'information, des présomptions de la commission d'un fait constitutif du délit de blanchiment sur le territoire de la République justifiant la compétence des juridictions pénales françaises, les fonds objet du blanchiment ayant été obtenus en France par des manoeuvres frauduleuses, la chambre de l'instruction, qui a répondu, et de manière intelligible, aux articulations essentielles du mémoire, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § § 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 3 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, préliminaire, 694-5 et 593 du code de procédure pénale, des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de nullité des auditions et perquisitions effectuées dans le cadre des commissions rogatoires internationales délivrées aux autorités israéliennes ainsi que des actes subséquents, a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;

" aux motifs que l'autorisation de l'assistance en Israël d'enquêteurs ou magistrats français n'a pas pour conséquence juridique et légale, que les actes et investigations soient exécutés selon la procédure de l'Etat requérant ; que l'article 694-5 du code de procédure pénale visé par le requérant n'est pas applicable en l'espèce, ce texte se situant dans la section II de l'entraide aux fins d'audition, de surveillance et d'infiltration et plus particulièrement lorsqu'il est, en application de l'article 706-71 du code de procédure pénale, recouru au système de la visioconférence, que tel n'était nullement le cas ; qu'il est au contraire de principe constant, en matière d'entraide internationale sauf si un texte dispose expressément de l'inverse, et à la condition que cela ne soit pas contraire aux principes d'ordre public de l'Etat requis, que les demandes d'entraide soient exécutées selon la procédure de l'Etat requis ; qu'il ne résulte pas des commissions rogatoires internationales délivrées à destination d'Israël les 22 décembre 2011 (D432), 17 avril 2012 (D436), 11 septembre 2013 (D441) et 11 octobre 2013 qu'une telle demande ait été expressément formulée par le juge d'instruction français, que c'est, notamment, au visa de la Convention d'entraide du 24 avril 1959, que ces demandes d'entraide ont été présentées, le II, article 3, de cette convention stipulant que " la partie requise fera exécuter, dans les formes prévues par sa législation, les commissions rogatoires " ; que, dès lors, les actes d'entraide et en particulier l'audition de M. X... et les perquisitions par les autorités policières israéliennes selon la législation israélienne ont été régulièrement diligentés, la présence des magistrats français lors de ces actes ne leur octroyant aucune possibilité de contrôle quant au cadre légal de l'exécution desdits actes, étant précisé que ces magistrats ou enquêteurs français n'instrumentaient par sur le sol israélien, où les dispositions du code de procédure pénale français ne trouvaient aucune raison de s'appliquer eu égard au texte susvisé ;

" 1°) alors que, si l'alinéa 1 de l'article 694-5 du code de procédure pénale a pour objet de rendre applicable les dispositions de l'article 706-71 pour l'exécution simultanée, sur le territoire de la République et à l'étranger, de demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères ou d'actes d'entraide réalisés à la demande des autorités judiciaires françaises, son alinéa 2, selon lequel « Les interrogatoires, les auditions ou les confrontations réalisés à l'étranger à la demande des autorités judiciaires françaises sont exécutés conformément aux dispositions du présent code, sauf si une convention internationale y fait obstacle », n'est nullement limité aux auditions réalisées à l'étranger par le biais de la visio-conférence ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu son champ d'application ;

" 2°) alors que le juge d'instruction qui, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, délègue aux autorités judiciaires de l'Etat requis, l'audition d'une personne contre laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner sa participation à une infraction pénale, est tenu de veiller au respect du droit d'être informé des faits reprochés et de leur qualification, de la notification du droit de garder le silence et du droit à l'assistance d'un avocat ; que M. X... a fait valoir que bien que son audition, effectuée dans l'Etat requis en présence des membres de l'enquête commune comprenant le juge d'instruction français, ait été sollicitée par ce dernier « en qualité de suspect », il n'avait pas été informé de ses droits conformément aux dispositions de l'article 63-1 du code de procédure pénale, au nombre desquels figurent le droit d'être informé des faits reprochés et de leur qualification et de garder le silence, et n'avait pu bénéficier de l'assistance d'un avocat ; qu'en validant cette audition au motif inopérant que l'article 3 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 prévoit que « la partie requise fera exécuter, dans les formes prévues par sa législation, les commissions rogatoires », la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § § 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l'homme " ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu de faire droit à la demande d'annulation de l'audition de M. X... effectuée par les autorités israéliennes, dans le cadre d'une demande d'entraide internationale, prise de ce que le droit procédural français, applicable aux termes de l'article 694-5, alinéa 2, du code de procédure pénale, n'a pas été respecté, l'arrêt retient que ledit article n'était pas applicable à l'espèce, et qu'il est de principe en matière d'entraide internationale que les demandes soient exécutées selon la procédure de l'Etat requis ; qu'il ajoute que la commission rogatoire internationale a été délivrée par le juge d'instruction au visa de l'article 3 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et que les magistrats ou enquêteurs français, présents lors de l'audition, n'ont pas pris part à sa réalisation ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, les dispositions de l'article 694-5, alinéa 2, du code de procédure pénale ne sont applicables qu'aux auditions, interrogatoires et confrontations réalisés dans les conditions prévues à l'article 706-71 du même code, d'autre part, la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et le deuxième protocole du 8 novembre 2001, applicables aux relations entre la France et Israël, prévoient l'exécution des commissions rogatoires, sauf en cas de demande prescrivant une procédure qu'impose la législation de l'Etat requérant, dans les formes prévues par la législation de l'Etat requis, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Attendu que, dès lors, le moyen, nouveau, mélangé de fait et, comme tel, irrecevable en ce qu'il invoque la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 694 et suivants du code de procédure pénale, du principe de spécialité, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de nullité du versement à la présente procédure, d'interception de conversations téléphoniques issues de l'exécution, en France, d'une commission rogatoire internationale étrangère, a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;

" aux motifs que, sur la méconnaissance du principe de spécialité, qui résulterait du versement à la présente procédure de pièces issues de l'exécution d'une commission rogatoire internationale émise par l'autorité judiciaire allemande de Francfort, et plus particulièrement de versement, sans formalisme ni autorisation, d'interception de conversations téléphoniques semblant avoir été tenues à partir d'une ligne attribuée à un citoyen français, entre un serbe et M. Yannick D...; qu'un procès-verbal dressé par l'officier de police judiciaire enquêteur expose comment, dans quel cadre juridique, il a été amené à recueillir des, informations pouvant intéresser la présente procédure ; que ce procès-verbal est rédigé en ces termes : « Rapportons avoir contacté par courriel, après attache de M. Van Ruymbek, M Thomas Gonder, procureur au parquet de Francfort sur le Main en vue de solliciter l'autorisation d'utiliser les éléments recueillis par le SNDJ pour le compte de sa juridiction dans le cadre de la CRI n° (¿) ; Le parquet de Francfort, poursuivant des infractions de fraude à la TVA sur le marché du CO2 avait sollicité l'aide des autorités françaises et demandé notamment qu'il soit procédé à des interceptions téléphoniques sur les lignes de M. Claude F...(citoyen français suspect dans l'enquête allemande) ; Il s'est avéré qu'une des lignes, en l'occurrence un téléphone serbe (ligne + 3859143 (10010), était utilisée par M. Yannick D...pour entrer en contact avec M F..., disons que M. Thomas Gonder nous a accordé l'autorisation d'utiliser le matériel en notre possession dans le cadre de la présente investigation. Annexons le courriel de M. Gonder ail présent acte » ; que c'est effectivement par la voie d'un courrier électronique que l'autorité judiciaire allemande a donné son autorisation, en langue anglaise, à l'utilisation des actes, qu'elle avait précédemment réalisés dans le cadre d'une autre commission rogatoire internationale, dans la présente procédure ; que si une demande d'entraide exige le respect de formes légales précises et, notamment, quant à la nécessité d'une traduction, aucun texte ne requiert des formes spécifiques pour qu'un Etat antérieurement requis renonce au principe de spécialité, dès lors surtout, comme en l'espèce, que la réponse de l'autorité allemande compétente ne souffre d'aucune ambiguïté quant à l'autorisation qu'elle accorde, qu'en conséquence cette renonciation au principe de la spécialité a été valablement accordée et ne présente pas d'irrégularité ;

" 1°) alors que la mise en oeuvre de la coopération judiciaire internationale en matière pénale, spécialement pour obtenir une renonciation au principe de spécialité d'un Etat requis de communiquer des pièces de procédure recueillies dans une procédure pénale distincte, ne peut passer que par une demande d'entraide répondant aux conditions de formes légalement ou conventionnellement requises, garantes de l'authenticité, de la fiabilité et de l'opposabilité des engagements transmis ; que la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

" 2°) alors que l'autorisation qui aurait été donnée par courriel par le parquet de Francfort a été ainsi libellée (D405/ 3) : « I make no objection to use the evidence in your case and in all over MTIC-Fraud cases against M. D...» ; que la présente procédure n'étant pas ouverte contre M. D..., en estimant que l'autorité judiciaire allemande avait donné son autorisation à l'utilisation des actes litigieux, la chambre de l'instruction s'est mise en contradiction avec les pièces de la procédure " ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction a rejeté sa demande tendant à voir prononcer la nullité, fondée sur la violation du principe de spécialité, du versement à la procédure de pièces issues de l'exécution en France d'une commission rogatoire internationale allemande portant sur des interceptions téléphoniques, dès lors qu'en application de l'article 23, § 6, de la Convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne, aucun consentement préalable des autorités compétentes de l'Etat allemand requérant n'était exigé s'agissant de données obtenues, en application de ladite convention, par les autorités compétentes de l'Etat français requis et provenant de cet Etat ;

Qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

" en ce que l'arrêt attaqué a, rejetant l'exception de nullité de la mise en examen de M. X... du chef de blanchiment en bande organisée, dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;

" 1°) alors que tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative ; que la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui considère, bien que l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal n'incrimine que « le fait », nécessairement pour un tiers complice, « d'apporter un concours à une opération, de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit », que ce texte est applicable à l'auteur du blanchiment du produit d'une infraction qu'il a lui-même commise, n'est pas conforme aux exigences de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera la mise en examen intervenue de ce chef de tout fondement juridique ;

" 2°) alors que la mise en examen de M. X... pour blanchiment du produit d'une infraction qu'il aurait lui-même commise intervenue sur le fondement de cette jurisprudence est contraire au principe de légalité des délits et des peines protégé par les articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques " ;

Attendu que, pour rejeter la requête en nullité de la mise en examen de M. X... du chef de blanchiment, prise de ce que l'interprétation jurisprudentielle de l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal, qui permet la mise en examen du chef de blanchiment de la personne suspectée d'avoir commis l'infraction d'origine, est contraire au principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines ;

Qu'en effet, l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal, instituant une infraction générale et autonome de blanchiment, distincte, dans ses éléments matériel et intentionnel, du crime ou du délit ayant généré un produit, réprime, quel qu'en soit leur auteur, des agissements spécifiques de placement, dissimulation ou conversion de ce produit, de sorte que cette disposition est applicable à celui qui blanchit le produit d'une infraction qu'il a commise ;

D'où il suit que le moyen, dont la première branche est devenue sans objet, la Cour de cassation, ayant, par arrêt du 16 septembre 2015, déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article 324-1 du code pénal, n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme que M. X... devra payer à l'Etat français, représenté par le directeur général des finances publiques, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.