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Décisions

Cass. com., 10 décembre 2003, n° 02-13.449

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Douai, 2e ch. sect. 2, du 24 janv. 2002

24 janvier 2002

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL Enerdyne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 janvier 2002), que le 1er septembre 1995, les sociétés Enerdyne et Semeca, dirigées par M. Z... ont conclu une convention dite de "gestion de trésorerie" ; que le 15 septembre 1995, la société Semeca a acquis les parts détenues par M. Z... dans le capital de la société Enerdyne, puis les a revendues le 30 avril 1997 à M. X..., associé majoritaire de ladite société qui, après cette cession, en est devenu l'unique porteur ; que le 30 avril 1997, les sociétés Enerdyne et Semeca sont convenues des modalités de remboursement du débit du compte courant de la société Semeca ouvert dans les comptes de la société Enerdyne ; que ce remboursement devait se faire au moyen de billets à ordre que M. X... a avalisés ; que la société Enerdyne ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 juillet 1997, la société Semeca a demandé la fixation de sa créance au titre du remboursement du compte courant arrêté après expertise à la somme de 637 141,74 francs et s'est retournée contre M. X..., pris en qualité de donneur d'aval pour en obtenir le règlement ; qu'en défense, M. X... a opposé la nullité de la cession des parts conclue le 30 avril 1997 entre lui-même et la société Semeca et par voie de conséquence la nullité de la convention de règlement du compte courant conclue le même jour entre la société Enerdyne et la société Semeca, ainsi que la nullité de la convention de trésorerie du 1er septembre 1995 ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné en sa qualité de donneur d'aval de la société Enerdyne, à payer à la société Semeca la somme de 637 141,74 francs , alors, selon le moyen, que s'agissant d'une cession de parts sociales, constitue une erreur portant sur les qualités substantielles de la chose vendue entraînant la nullité de la convention, le fait pour l'acquéreur de n'avoir pas connu l'état de cessation des paiements de l'entreprise, ni su que celle-ci était promise, compte tenu de sa situation financière, à l'ouverture immédiate d'une procédure de liquidation judiciaire rendant impossible la poursuite de son objet social ; que dès lors, faute d'avoir précisé en quoi, à les supposer même sincères, les documents comptables soumis à M. X... lors des assemblées générales de la société Enerdyne pouvaient lui permettre de se convaincre que celle-ci se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible depuis le 1er septembre 1996 et que sa situation financière la promettait à la liquidation judiciaire immédiate rendant impossible la poursuite de l'objet social, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1110 et 1116 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X..., associé majoritaire depuis la création de la société en 1992, avait non seulement participé à toutes les assemblées générales depuis 1995 mais encore approuvé à "l'unanimité" les comptes de l'exercice 1996 dont l'expert avait, dans des conclusions claires, précises et dénuées d'ambiguïté, mis en évidence que les comptes annexés à la convention de remboursement de compte courant étaient proches de la situation économique réelle de la société à la date considérée et présentaient une absence totale de manipulation, la cour d'appel qui en a déduit que M. X... était au courant en 1997 de l'objet de l'entreprise dont il entendait prendre l'entier contrôle et de la situation comptable de celle-ci, a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal pris en ses deux branches et le moyen unique du pourvoi incident pris en ses deux branches, les moyens, rédigés en termes identiques, étant réunis :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 ) que, d'une part, la validité des opérations de trésorerie intergroupe postule, non seulement des liens de capital directs ou indirects, mais des liens de capital ayant pour effet de conférer à une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait déduite l'existence d'un groupe de sociétés du simple fait que les entités en cause étaient sous la coupe d'une même personne physique ne pouvant être regardée, à défaut de toute constatation en ce sens, comme un entrepreneur individuel ; qu'à cet égard, l'arrêt a été rendu en violation de l'article L. 511-7-3 du Code monétaire et financier ;

2 ) que, d'autre part, s'agissant d'apprécier la validité d'une opération de trésorerie intergroupe, la notion de groupe de sociétés ne doit être appréhendée qu'à travers l'existence des liens de capital ; qu'en l'espèce, pour reconnaître de M. Z... un pouvoir de contrôle effectif sur les sociétés Enerdyne et Semeca, tout en constatant que M. Z... n'était qu'associé égalitaire de la société Enerdyne, la cour d'appel s'est fondé sur les pouvoirs qu'il tenait de sa qualité de gérant statutaire, ce en quoi elle a de nouveau violé l'article L. 511-7-3 du Code monétaire et financier ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. Z... qui dirigeait les deux sociétés, détenait, en 1995, une participation majoritaire dans le capital de la société Semeca et une participation égalitaire dans le capital de la société Enerdyne, la cour d'appel a pu en déduire que les conditions du contrôle effectif prévues par la loi étaient remplies entre ces deux sociétés "soeurs" au jour de la signature de la convention de "gestion de trésorerie", peu important que ce contrôle soit assuré par une personne physique en qualité d'entrepreneur individuel ou de dirigeant de sociétés; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 ) que, d'une part, pour contester le quantum de la condamnation mise à sa charge, M. X... invoquait l'état comptable du 30 avril 1997, annexé à la convention de remboursement de compte courant datée du même jour, qui révélait que le solde débiteur du compte courant culminait, en réalité, à la somme de 460 919,78 et non à la somme de 637 141,14 francs ; qu'en se bornant à entériner le rapport d'expertise judiciaire sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, ce faisant, l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que, d'autre part, M. X... soulignait encore que le passif caché retenu par l'expert à hauteur de la somme de 26 815 francs devait venir en déduction du montant du compte courant ; qu'en ne répondant pas davantage sur ce point aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en entérinant le rapport de l'expert, dont les calculs n'avaient pas fait l'objet de contestation de la part de M. X..., la cour d'appel a répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.