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Décisions

Cass. soc., 6 juillet 2016, n° 14-26.541

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Rapporteur :

Mme Goasguen

Avocat général :

M. Weissmann

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Matuchansky, Vexliard et Poupot

Orléans, du 11 sept. 2014

11 septembre 2014

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a été engagé le 1er décembre 2006 en qualité de directeur de l'usine de Gien par la société Proma France, filiale française de la société Promo SSA, société de droit italien appartenant au Groupe Gruppo Roma ; que la société Proma France ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 11 mars 2010, il a été licencié pour motif économique le 22 mars 2010 par M. Y..., liquidateur judiciaire ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la société Proma France une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le CGEA a mis en cause la société Proma SSA en tant que co-employeur de M. X...;

Attendu que pour dire que les sociétés Proma France et Proma SSA ont la qualité de co-employeurs et les condamner solidairement au paiement d'une somme à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que Proma SSA détient quasiment en totalité le capital social de la société française, que l'ensemble des directeurs généraux et directeurs d'usine sont des salariés du groupe Proma et même de Proma SSA qui règlent leurs rémunérations, que non seulement les dirigeants mais aussi de nombreux salariés disposant de responsabilités fonctionnelles importantes au sein de l'entreprise sont mis à disposition et payés par le groupe, que le président du groupe est également président de Proma France tandis que les responsables administratif et financier et responsable de la logistique étaient mis à disposition par le groupe, que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants du groupe ou des mandataires mis à la disposition par le groupe, que M. X..., seul directeur qui ait été salarié par la société française, et ayant en charge les ressources humaines, était toujours assisté par un représentant du groupe pour signer les accords liés aux négociations annuelles obligatoires, que la société Proma SSA s'est engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l'emploi et a co-signé le protocole de fin de grève du 11 septembre 2008, que la société Proma SSA négociait les contrats pour l'ensemble du groupe avec les sous-traitants du premier niveau puis les répartissait au sein de ses filiales en fonction de leur capacité à produire ses équipements, que les clients n'étaient pas attitrés à la société Proma France mais gérés directement par le groupe, que Proma France ne disposait ni d'un service commercial ni d'un service recherche-développement en sorte que tant au niveau de la recherche de nouveaux marchés ou encore des négociations d'achat, c'est le groupe qui assurait toutes les fonctions ;

Attendu cependant que hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et agissent en étroite collaboration avec la société mère, que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur la politique de développement ou la stratégie commerciale et sociale de sa filiale et que la société mère se soit engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l'emploi ne pouvaient suffire à caractériser une situation de co-emploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle dit que les sociétés Proma France et Proma SSA ont la qualité de co-employeurs et en ce que la société Proma SSA est condamnée in solidum au paiement de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au remboursement des indemnités de chômage versées à M. X..., l'arrêt rendu le 11 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.