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Décisions

Cass. crim., 7 octobre 2009, n° 08-84.348

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Rapporteur :

Mme Ract-Madoux

Avocats :

Me Foussard, Me Luc-Thaler, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Richard

Paris, du 17 avr. 2008

17 avril 2008

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jacques X... par Me Richard, pris de la violation des articles 427 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir refusé d'ordonner un renvoi d'audience afin de permettre à Jacques X... de prendre connaissance de certaines pièces versées aux débats, l'a déclaré coupable de blanchiment commis en bande organisée et de complicité d'escroquerie réalisée en bande organisée, puis l'a condamné à la peine de trois années d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis, ainsi qu'à indemniser l'Etat français, constitué partie civile ;

" aux motifs que Jacques X... expose que les scellés n'ont été mis à sa disposition ni devant le tribunal correctionnel, ni devant la cour et sollicite, en conséquence, le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure afin de lui permettre de consulter les documents saisis au sein de la société Altus Traiding ; que toutefois, il appartient aux parties, à chaque stade de la procédure, de demander à être autorisées à consulter les scellés ; qu'aucun refus n'a été opposé au conseil de Jacques X... de consulter les scellés, et que ceux-ci ont été consultés régulièrement, de sorte que la présente demande de renvoi ne saurait être accueillie ;

" alors que le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, statuer sans rechercher, comme elle y était invitée, si la comptabilité de la société Altus Traiding, ayant fait l'objet de scellés et sur laquelle étaient fondées les charges qui étaient opposées à Jacques X..., n'avait pu être mise à sa disposition, malgré la demande de communication qu'il avait formulée " ;

Attendu qu'en refusant, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la demande de renvoi présentée par Jacques X..., la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Jacques X... par Me Richard, pris de la violation des articles 324-1 et 324-2 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale.

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable du délit d'escroquerie réalisé en bande organisée et l'a condamné à la peine de trois années d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis, et à indemniser l'Etat français, constitué partie civile ;

" aux motifs que sur les faits de blanchiment en bande organisée, il importe peu que Jacques X... n'ait pas été mis en examen dans le dossier d'instruction n° 21 / 97 dès lors qu'il est établi que Rudy A..., par l'intermédiaire de la société Tragex Gel dont il était dirigeant de fait, a acquis plusieurs milliers de tonnes de viandes bovines britanniques et les a importés, en violation de l'embargo du 21 mars 1996, en Belgique, où les marchandises ont été revendues à des sociétés françaises et réexpédiées en direction de la France et les Pays-Bas et que les bénéfices indus ont ensuite été frauduleusement obtenus ; que la connaissance de Jacques X... du comportement frauduleux imputé à Ruddy A... et dont la presse s'était largement fait l'écho, résulte notamment des procès-verbaux de transcription de surveillance téléphonique qui révèlent la réalité des relations existant entre les protagonistes ; qu'ainsi, Jacques X... lui-même déclarait à Jean-Philippe B..., le 15 novembre 1998, qu'un compte de la société Orca avait été ouvert par une personne extérieure qui blanchissait l'argent de la mafia ; que les enregistrements téléphoniques établissent, par ailleurs, que l'entourage de Ruddy A..., qui était également celui de Jacques X..., connaissait les détournements et les pratiques frauduleuses de A... ; que, lors d'une réunion tenue à Spa au mois d'octobre 1998, à laquelle participait notamment Jacques X..., Ruddy A... avait averti ses collaborateurs qu'il allait se rendre à la justice belge et être probablement incarcéré et leur avait demandé de continuer, pendant son absence, à travailler normalement sur son circuit de facturation de camions, Dirk C... étant alors désigné pour assurer l'intérim ; que Jacques X... a déclaré au magistrat instructeur qu'il n'avait pas eu peur de travailler avec un homme qui allait en prison parce qu'étant seulement mis en détention provisoire, il était présumé innocent ; qu'à la même époque est créée la société Altus dont Jacques X... a accepté d'être un coassocié parce qu'il voulait une « feuille de paye légale » et de mettre la somme de 500 000 francs qui a été apportée directement de Belgique en liquide par Michel D... qui allait lui-même devenir gérant de la société ; qu'il importe peu, en ce qui concerne cette société, que Jacques X... ait exécuté les ordres transmis par le gérant de fait, Michel D..., dès lors qu'il est établi et reconnu par l'intéressé lui-même qu'il a effectivement tenu la comptabilité de cette société dont il était le directeur comptable et financier, et dont il disposait de la signature bancaire ; que le capital social de la société a été constitué en partie par le dépôt par Jacques X... de deux sommes en espèces de 283 000 francs et 217 350 francs ; que la société ne disposait ni de local ni de personnel à l'exception de Michel D... et Jacques X..., ainsi que l'a reconnu celui-ci qui a affirmé, par ailleurs, n'avoir jamais vu de camions de cette société ; que Jacques X... a admis avoir effectué deux retraits en espèces de 120 000 francs et 100 000 francs pour être données à Ruddy X... et à C..., ainsi qu'à Y... ; qu'en ce qui concerne la société Truckstar, Jacques X... a admis avoir créé la société au niveau juridique et avoir déposé les statuts de la société, qui avait pour gérant Herman E..., ami de Ruddy A... et qui émettait des factures vers les sociétés Orca et Transak ; qu'il a précisé que Truckstar comme la société Orca s'insérait dans un circuit impliquant une société fournisseur, une société intermédiaire qui revendait à une troisième société, « circuit court » par opposition au « circuit long » consistant à mettre trois ou quatre sociétés entre les deux extrémités sur instructions de Ruddy A... ; qu'il a admis avoir tenu la comptabilité de la société Orca, société sans activité réelle qui, selon ses propres affirmations, ne disposait d'aucun livre de police et établissait de fausses factures de camions, alors que son objet social était la vente d'objets publicitaires ; que la perquisition effectuée à son domicile a révélé la présence de nombreux documents au nom des sociétés du groupe de Ruddy A... et notamment au nom de la société STC Import ; que Jacques X... a admis avoir connu la société Sac Epée dont il a, au moment de la vente au mois de janvier 1999, analysé le bilan, fait baisser le prix et participé à la réunion tenue en Belgique, à Bruges, au cours de laquelle ont été définis « les rôles de chacun au niveau de Sac Epée » selon l'expression utilisée au téléphone par l'intéressé ; qu'il est établi que Jacques X... connaissait l'origine frauduleuse des fonds utilisés par Ruddy A... pour constituer des sociétés, en partie avec de l'argent versé en espèces, et également pour prendre le contrôle de sociétés existantes, et entretenir des relations commerciales avec des sociétés dont la statut était le commerce de camions ;

" 1°) alors que le délit de blanchiment nécessite que soient relevés précisément les éléments constitutifs d'un crime d'un délit principal ayant procuré à son auteur un profit direct ou indirect ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, déclarer Jacques X... coupable du délit de blanchiment en se bornant à affirmer qu'il était établi que Ruddy A... avait importé plusieurs milliers de tonnes de viandes bovines britannique, en violation de l'embargo du 21 mars 1996, et que les profits dégagés par cette activité auraient fait l'objet du blanchiment, sans relever précisément les éléments constitutifs du délit qui aurait été commis par Ruddy A... ;

" 2°) alors que l'élément intentionnel du délit de blanchiment est caractérisé par la connaissance de l'origine délictueuse des fonds ; qu'en se bornant à relever que Jacques X... avait participé à la constitution et au fonctionnement de sociétés contrôlées par Ruddy A... et à affirmer qu'il ne pouvait ignorer le comportement frauduleux de celui-ci, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de blanchiment, n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'il est reproché à Jacques X... d'avoir, d'août 1998 à février 1999, facilité la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de Ruddy A..., auteur des délits d'introduction de viandes anglaises en violation de l'embargo du 21 mars 1996, de tromperies aggravées et de falsifications, en établissant la comptabilité de sociétés sans activité réelle, en déposant les statuts d'une société fictive, en effectuant des opérations de versements et de retraits en espèces sur les comptes d'autres sociétés ;

Attendu que, pour déclarer Jacques X... coupable de blanchiment aggravé en bande organisée, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations relevant de l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, qui caractérisent en tous leurs éléments constitutifs les délits principaux de falsifications et de fraudes aggravées et qui établissent que le prévenu avait connaissance de l'origine délictueuse des fonds, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'ù il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Jacques X... par Me Richard, pris de la violation des articles 313-1 et 313-2 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable de blanchiment commis en bande organisée et l'a condamné à la peine de trois années d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis, et à indemniser l'Etat français, constitué partie civile ;

" aux motifs que sur les faits de complicité d'escroquerie à la TVA en bande organisée, les comptes rendus de surveillance téléphonique établissent la participation de Jacques X... aux faits reprochés, alors même qu'il est associé à la facturation et à la comptabilité des sociétés Ruddy A..., et qu'il obéit à ses instructions, puis à celles de Dirk C... ; qu'il est établi que les déclarations de TVA ont été déposées et présentaient une situation créditrice, que la société Altus obtenait ses factures d'entités défaillantes pour la plupart telles que les sociétés Nortruck, Truckstar ou STC, alors qu'il n'existait pas de véritable transfert de propriété des véhicules ainsi facturés dans le but de générer une taxe déductible chez leurs clients bénéficiaires ; que les marchandises achetées fictivement étaient vendues hors taxe en opérations intracommunautaires ne générant pas de taxe collectée ; que la société Altus a refacturé ses marchandises auprès de sociétés en constituant un nouvel échelon de défaillance partielle et a ainsi permis, par son intervention, un transfert de TVA déductible auprès de ces sociétés ; que c'est l'interposition de la société Altus dans le circuit de facturation fictive qui caractérise la complicité de Jacques X... à l'escroquerie réalisée à la TVA, alors qu'il est établi, contrairement à ce que soutient le prévenu, que les opérations commerciales étaient fictives, les sociétés intervenantes n'étant pas dans la capacité de présenter les documents administratifs requis, et que les sociétés ne comportaient pas de locaux professionnels, ni de personnel ; que Jacques X..., gérant de fait de la société Altus, établissait à la demande de Ruddy A... des factures de ventes de camions alors qu'il n'existait aucun bon de commande, et qu'il a sciemment participé à l'escroquerie à la TVA commis en bande organisée, ainsi qu'il l'a d'ailleurs reconnu au cours de l'instruction ;

" et aux motifs que, sur les faits reprochés à Alfred F... et aux sociétés Turbo's F... Truck Center et Turbo's F... pièces et véhicules, Alfred F... et ses sociétés sont poursuivis pour avoir participé au délit d'escroquerie en bande organisée au préjudice de l'administration fiscale en ayant procédé à des facturations fictives d'achats et reventes de véhicules et à la réalisation de fausses livraisons intracommunautaires ; que, cependant, Alfred F... et ses sociétés ont acquis en France des véhicules qui ont été facturés toutes taxes comprises ; que les sociétés d'Alfred F... les revendaient à des sociétés situées dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, le plus souvent et notamment à la société Turbo's F... nv qui s'acquittait en Belgique de la TVA correspondant à ces importations ; que les transactions réellement opérées par Alfred F..., dont les véhicules ont transité sur le site de Roncq dans le nord de la France ou en Belgique, ont revêtu un caractère de normalité ne permettant pas de déduire que le prévenu avait connaissance de l'existence de la fraude à la TVA ; qu'il est versé aux débats une copie des statuts au nom d'Orca international qui fait apparaître que l'objet social de la société était le commerce de tous objets publicitaires pour l'entreprise et, en général, " toutes opérations de commerce international dans tous les domaines ; tout commerce international ", de sorte que n'est pas justifiée l'accusation selon laquelle les achats effectués par le prévenu aient délibérément eu lieu auprès de sociétés hors de leur objet social ; qu'il n'est pas établi qu'Alfred F... ait connu l'existence de la fraude commise par les fournisseurs de ses fournisseurs, à savoir les sociétés Nortruck, Truckstar et STK, fiscalement défaillantes ; que la preuve n'est pas rapportée que les prix facturés à Alfred F... aient été minorés ; que l'existence à l'époque des faits incriminés d'une collusion entre Ruddy A..., qui pour entrer en contact avec Luc G..., a utilisé une fausse identité, et ses amis, d'une part, et Alfred F..., d'autre part, n'est pas davantage démontrée ; qu'au contraire, il apparaît qu'Alfred F... ait plutôt été tenu à l'écart des turpitudes des autres prévenus, ainsi que cela résulte notamment des procès-verbaux de transcription de surveillance téléphonique qui font apparaître, notamment, que Jean-Philippe B... était inquiet que Dirk veuille que tous les paiements passent par Altus car il pensait que cela allait " affoler " F... ; que l'augmentation de son chiffre d'affaires en 1998 est insuffisante pour caractériser sa participation aux agissements illicites ; qu'Alfred F... a cessé toute transaction commerciale avec la société Orca à compter de novembre 1998, après courrier reçu le 16 octobre précédent de l'expert-comptable M. H... ;

" 1°) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, affirmer, d'une part, que les camions étaient achetés fictivement par la société Altus, ce dont il résultait que celle-ci n'aurait pu les revendre réellement, et, d'autre part, que les sociétés d'Alfred F... avait réellement acquis ces camions ;

" 2°) alors qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de Jacques X..., qui faisait valoir qu'aucun remboursement de crédit de TVA n'avait jamais été formulé, de sorte que l'élément matériel du délit d'infraction n'était pas caractérisé, la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt que Jacques X... est poursuivi pour s'être de septembre 1997 à la fin de l'année 2000, rendu complice du délit d'escroquerie commis par plusieurs sociétés, en établissant des facturations fictives de ventes de camions, ce qui permettait à ces sociétés de récupérer indûment la taxe sur la valeur ajoutée, et en tenant des balances d'achats et de ventes pour leur faciliter l'établissement d'une facturation fictive ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, commis en bande organisée, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent en tous leurs éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Gérard Y... et la société Gérard Y... par Me Luc-Thaler, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que, après annulation du jugement, la cour a déclaré Gérard Y... coupable d'escroquerie au préjudice de l'Etat français ;

" aux motifs que, sur les faits reprochés à Gérard Y... et à la SA Gérard Y... ; que sur les faits d'escroquerie en bande organisée, Gérard Y... a participé au circuit de fausses facturations mis en place par Ruddy A... ; que, si Gérard Y..., devant le magistrat instructeur, est partiellement revenu sur les aveux qu'il avait fait devant les services de gendarmerie, il résulte néanmoins de la cohérence, de la précision, et du contenu de ses déclarations, que le prévenu, qui a notamment affirmé que les camions n'avaient jamais transité sur l'un de ses parcs automobiles, connaissait nécessairement le circuit financier mis en place par Ruddy A... ; que la société Gérard Y..., par son statut et son assise financière, a permis à son dirigeant de commettre les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie ; que Gérard Y... sera déclaré coupable d'escroquerie réalisée en bande organisée au préjudice de l'administration fiscale par le dépôt de déclaration de TVA destiné à faire naître des droits indus ; qu'en revanche, il n'est pas démontré que Gérard Y..., qui n'est pas intervenu dans la constitution des sociétés de Ruddy A..., ait sciemment participé au circuit de blanchiment mis en place à la suite de l'introduction illicite de viandes ; qu'il convient de le renvoyer des fins de la poursuite pour les faits de blanchiment en bande organisée poursuivis ; que sur la peine, il convient de condamner Gérard Y... à la peine de deux ans d'emprisonnement assortie du sursis pour une durée de dix-huit mois ; que la peine d'emprisonnement est justifiée par la gravité des faits et le casier judiciaire de l'intéressé qui mentionne plusieurs condamnations ; que la SA Gérard Y..., dont le dirigeant par ses agissements, a engagé la responsabilité pénale, sera également condamnée à une peine d'amende pour ce même délit ;

" alors que n'est pas constitutif du délit d'escroquerie le simple mensonge qui n'est pas corroboré par des éléments extérieurs destinés à lui donner force et crédit ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à relever que l'escroquerie à la TVA résultait du dépôt de déclarations de TVA destiné à faire naître des droits indus, sans justifier que l'administration aurait été destinataire d'actes extérieurs de nature à donner force et crédit aux déclarations litigieuses et à la déterminer ainsi à remettre des fonds, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Gérard Y... et la société Gérard Y... par Me Luc-Thaler, pris de la violation des articles 121-2 et 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que, après annulation du jugement, la cour a déclaré la société Gérard Y... coupable d'escroquerie en bande organisée, et l'a condamnée à une amende de 200 000 euros ainsi qu'à réparer le préjudice subi par l'Etat français ;

" aux motifs que, sur les faits reprochés à Gérard Y... et à la SA Gérard Y... ; que sur les faits d'escroquerie en bande organisée, Gérard Y... a participé au circuit de fausses facturations mis en place par Ruddy A... ; que, si Gérard Y..., devant le magistrat instructeur, est partiellement revenu sur les aveux qu'il avait faits devant les services de gendarmerie, il résulte néanmoins de la cohérence, de la précision, et du contenu de ses déclarations, que le prévenu, qui a notamment affirmé que les camions n'avaient jamais transité sur l'un de ses parcs automobiles, connaissait nécessairement le circuit financier mis en place par Ruddy A... ; que la société Gérard Y..., par son statut et son assise financière, a permis à son dirigeant de commettre les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie ; que Gérard Y... sera déclaré coupable d'escroquerie réalisée en bande organisée au préjudice de l'administration fiscale par le dépôt de déclaration de TVA destiné à faire naître des droits indus ; qu'en revanche, il n'est pas démontré que Gérard Y..., qui n'est pas intervenu dans la constitution des sociétés de Ruddy A..., ait sciemment participé au circuit de blanchiment mis en place à la suite de l'introduction illicite de viandes ; qu'il convient de le renvoyer des fins de la poursuite pour les faits de blanchiment en bande organisée poursuivis ; que sur la peine, il convient de condamner Gérard Y... à la peine de deux ans d'emprisonnement assortie du sursis pour une durée de dix-huit mois ; que la peine d'emprisonnement est justifiée par la gravité des faits et le casier judiciaire de l'intéressé qui mentionne plusieurs condamnations ; que la SA Gérard Y..., dont le dirigeant par ses agissements, a engagé la responsabilité pénale, sera également condamné à une peine d'amende pour ce même délit ;

" 1°) alors que les personnes morales ne sont responsables pénalement que des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'à l'époque des faits, Gérard Y... était le directeur général de la société Y... dont la présidence était assurée par Mme J..., épouse Y..., de sorte que pour retenir ladite société dans les liens de la prévention, la cour d'appel qui s'est bornée à relever que Gérard Y... en était le dirigeant, sans caractériser à son encontre le moindre acte traduisant une gestion de fait, a privé sa décision de base légale ;

" 2°) alors que, pour être imputable à la personne morale, l'infraction doit avoir été commise pour son compte par l'un de ses organes ou représentants ; qu'à supposer même, comme la cour le retient, que la société Y... eut permis, par son statut et son assise financière, à Gérard Y... de commettre des manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie, l'arrêt se devait alors de caractériser l'intérêt que la société aurait pu retirer de ces manoeuvres ; qu'en se bornant à retenir que la société, par les agissements de son dirigeant, avait engagé sa responsabilité pénale, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il est reproché à Gérard Y... et à la société éponyme, dirigée par son épouse, d'avoir, courant 1997 et 1998, facturé fictivement des achats et des ventes de véhicules, qui n'ont jamais été livrés, en vue de faire naître des droits à la taxe sur la valeur ajoutée et d'avoir ainsi escroqué l'Etat français, avec cette circonstance que le délit a été commis en bande organisée ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de cette infraction, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Gérard Y... et la société Gérard Y... par Me Luc-Thaler, pris de la violation de l'article 313-1 du code pénal, de l'arrêté du 24 juillet 2000, et des articles L. 45 du livre des procédures fiscales, 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Gérard Y... et Gérard Y... coupables d'escroquerie en bande organisée, et les a condamnés à verser à l'Etat français, solidairement avec Jacques X... et Dirk C..., la somme de 862 200 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs que Xavier K... n'a pas été régulièrement cité et l'appel formé à son encontre par la partie civile sera disjoint pour être examiné ultérieurement ; que la partie civile sera déboutée de ses demandes formées à l'encontre d'Alfred F... et les sociétés Turbo's F... Truck Center et Turbo's F... pièces et véhicules en raison de la relaxe prononcée à leur égard ; que les demandes de la partie civile formées à l'encontre des autres prévenus sont recevables et bien fondées ; qu'il convient de condamner les prévenus solidairement entre eux et avec les autres parties définitivement condamnées, dans les termes du dispositif de la présente décision ;

" 1°) alors que la direction nationale des enquêtes fiscales ne tient d'aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir de représenter l'Etat français devant les juridictions de l'ordre répressif statuant sur une poursuite du chef d'escroquerie à la TVA, de sorte qu'en déclarant néanmoins recevable l'Etat français représenté par la DNEF en sa constitution de partie civile, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;

" 2°) alors que le préjudice de l'Etat français était, selon les propres écritures de ladite partie civile, constitué par la déduction de TVA fictive ; que Gérard Y... et la société Y... avaient été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie à la TVA au préjudice de l'Etat pour une somme totale de 793 731, 14 euros ; qu'en condamnant néanmoins Gérard Y... et la société Y... au paiement d'une somme de 862 200 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les textes susvisés " ;

Attendu qu'en condamnant Gérard Y... et la société du même nom, solidairement avec d'autres prévenus, à verser à l'Etat français, régulièrement représenté en matière d'impôts et taxes assimilées par l'administration des impôts, la somme de 862 200 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel, qui, dans la limite des conclusions des parties, a souverainement apprécié le préjudice subi par la partie civile, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour l'Etat français par Me Foussard, pris de la violation des articles 313-1 et 313-2, 132-71 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé des fins de la poursuite, engagée du chef d'escroquerie en bande organisée, Alfred F..., les sociétés Turbo's F... Truck Center et Turbo's F... pièces et véhicules et rejeté, en conséquence, les demandes formées par l'Etat ;

" aux motifs qu'Alfred F... et ses sociétés sont poursuivies pour avoir participé au délit d'escroquerie en bande organisée au préjudice de l'administration fiscale en ayant procédé à des facturations fictives d'achats et reventes de véhicules et à la réalisation de fausses livraisons intracommunautaires ; qu'Alfred F... et ses sociétés ont acquis en France des véhicules qui ont été facturés toutes taxes comprises ; qu'Alfred F... les revendaient à des sociétés situées dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, le plus souvent et notamment à la société Turbo's F... nv qui s'acquittait en Belgique la TVA correspondant à ces importations ; que les transactions réellement opérées par Alfred F... dont les véhicules ont transité sur le site de Roncq dans le nord de la France ou en Belgique ont revêtu un caractère de normalité ne permettant pas de déduire que le prévenu avait connaissance de l'existence de la fraude à la TVA ; qu'il est versé aux débats une copie des statuts au nom d'Orca international qui fait apparaître que l'objet social de la société était le commerce de tous objets publicitaires pour l'entreprise et, en général, « toutes opérations de commerce international dans tous les domaines ; tout commerce international », de sorte que n'est pas justifiée l'accusation selon laquelle les achats effectués par le prévenu aient délibérément eu lieu auprès de société hors de leur objet social ; qu'il n'est pas établi qu'Alfred F... ait connu l'existence de la fraude commise par les fournisseurs de ses fournisseurs, à savoir les sociétés Nortruck, Truckstar et STK, fiscalement défaillantes ; que la preuve n'est pas rapportée que les prix facturés à Alfred F... aient été minorés ; que l'existence à l'époque des faits incriminés d'une collusion entre Ruddy A..., qui, pour entrer en contact avec Luc G..., a utilisé une fausse identité, et ses amis, d'une part, et Alfred F..., d'autre part, n'est pas davantage démontrée ; qu'au contraire, il apparaît qu'Alfred F... ait plutôt été tenu à l'écart des turpitudes des autres prévenus ainsi que cela résulte notamment des procès verbaux de transcription de surveillance téléphonique qui font apparaître notamment que Jean-Philippe B... était inquiet que Dirk veuille que tous les paiements passent par Altus car il pensait que cela allait « affoler » F... ; que l'augmentation de son chiffre d'affaires en 1998 est insuffisante pour caractériser sa participation aux agissements illicites ; qu'Alfred F... a cessé toute transaction commerciale avec la société Orca à compter de novembre 1998 après courrier reçu le 16 octobre précédent de l'expert-comptable M. H... ; qu'en conséquence, la preuve de l'intention frauduleuse d'Alfred F... de participer sciemment au circuit mis en place par Ruddy A... et ses complices n'est pas rapportée de même que n'est pas établie l'implication frauduleuse des deux sociétés Turbo's F... Truck Center et Turbo's F... pièces et véhicules dans le circuit de commercialisation objet de la présente procédure ; qu'il convient, en conséquence, de renvoyer Alfred F... et les sociétés Turbo's F... Truck Center et Turbo's F... pièces et véhicules des fins de la poursuite diligentée à leur encontre ;

" alors que, avant de se prononcer sur une éventuelle absence d'intention frauduleuse, les juges du fond se doivent d'analyser les faits constitutifs de l'élément matériel de l'infraction ; qu'en l'espèce, il était reproché à Alfred F... et aux sociétés Turbo's F... Truck Center et Turbo's F... pièces et véhicules d'avoir acquis des véhicules auprès des sociétés Orca et Altus ; qu'il était relevé que ces sociétés, de création récente, s'abstenaient de déposer des déclarations de TVA, étaient dépourvues de moyens matériels humains et financiers d'exploitation permettant la réalisation de vente de véhicules, n'étaient pas propriétaires au jour de la vente, ne faisaient pas établir de certificat de cession lors des ventes, sachant que les véhicules en cause étaient déclarés mis sur le marché dans des pays tiers à des dates postérieures aux facturations (conclusions de l'Etat français, pages 25 à 28 et arrêt pages 15, 16, 17) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces faits, en examinant les opérations intervenues entre Alfred F... et les deux sociétés qu'il dirigeait et les sociétés Orca et Altus, pour être à même de rechercher ensuite si Alfred F... et les deux sociétés qu'il dirigeait avaient ou non conscience du caractère frauduleux des opérations, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge des prévenus, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.