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Décisions

Cass. com., 3 mars 2015, n° 14-12.036

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Rémy-Corlay, SCP Boré et Salve de Bruneton

T. com. Paris, 7e ch., du 10 avr. 2012, …

10 avril 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2013), qu'après que la société PGA Motors (la société PGA) eut mis fin au contrat de travail qui la liait à M. X..., celui-ci a été révoqué des mandats sociaux dont il était titulaire au sein des filiales de cette société ; que soutenant que ces révocations avaient été entourées de circonstances constitutives d'abus de droit, M. X... a assigné la société Safi et quinze autres personnes morales (les sociétés), toutes filiales de la société PGA, en réparation du préjudice subi à ce titre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :

1°/ la révocation du mandataire social s'opère ad nutum ou pour juste motif selon la forme de la société ; qu'en refusant d'analyser chacune des révocations des différents mandats sociaux de Monsieur X... au regard de la forme de la société en cause aux motifs inopérants que « point n'est besoin d'examiner le cas de chacune des entreprises dès lors que les documents relatifs à chacune des procédures mises en place se limitent à un procès-verbal d'assemblée générale ou de conseil rédigé dans des termes identiques » ou que « La précipitation de ces révocations et leur « cascade » démontrent au surplus le caractère automatique des révocations prises », la cour d'appel a violé les articles L. 223-25 et L. 225-47 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le seul fait que des révocations d'un mandataire social aient été faites dans les mêmes termes par différentes sociétés d'un groupe ne suffit à établir ni l'absence de juste motif, ni le caractère abusif de la révocation ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 223-25 et L. 225-47 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le licenciement d'un salarié de la société mère et la réorganisation du groupe constitue un juste motif de révocation des mandats sociaux au sein de sociétés à responsabilité limitée du groupe ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 223-25 du code de commerce ;

4°/ que le licenciement d'un salarié de la société mère et la réorganisation du groupe justifie la révocation des mandats sociaux au sein de ses filiales en société anonyme ou société par action simplifiée qui ne peut dès lors être considérée comme abusive ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 225-47 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

5°/ que le principe de la contradiction de la révocation a été respecté dès lors que le mandataire social a été informé de la nécessité de mettre fin à son mandat en raison de son licenciement au sein de la société mère ; qu'en l'espèce il est constant que c'est à la suite de son licenciement qu'il a été mis fin aux différents mandats sociaux de M. X... ; qu'il était fait valoir par les exposantes qu'il avait été demandé à celui-ci en septembre 2010 de bien vouloir démissionner de ces mandats au regard de la réorganisation du Groupe et que ce n'est qu'en raison de son refus que M. X... a ensuite été révoqué par les différentes sociétés du Groupe ; qu'en disant que la révocation était abusive aux seuls motifs que « point n'est besoin d'examiner le cas de chacune des entreprises dès lors que les documents relatifs à chacune des procédures mises en place se limitent à un procès-verbal d'assemblée générale ou de conseil rédigé dans des termes identiques » ou que « La précipitation de ces révocations et leur « cascade » démontrent au surplus le caractère automatique des révocations prises », sans rechercher, comme il était demandé, s'il ne s'évinçait pas de ces éléments que M. X... avait été dûment averti de la révocation liée à la fin de son contrat de travail, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles L. 223-25 et L. 225-47 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu que la révocation abusive n'ouvre droit à réparation ni du préjudice résultant de la révocation, ni même du préjudice constitué par la perte d'une chance de conserver ses fonctions, mais seulement du préjudice causé par la circonstance constitutive d'abus considérée en elle-même, la cour d'appel a alloué à M. X... une indemnité au titre de la révocation abusive de ses mandats ; qu'il s'ensuit que les première, troisième et quatrième branches, en ce qu'elles font grief à l'arrêt de ne pas avoir analysé chacune des décisions de révocation au regard des conditions de la révocation et en ce qu'elles soutiennent que le licenciement de M. X... par la société mère et la réorganisation du groupe constituaient un juste motif de révocation, sont inopérantes ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté, sans avoir à faire d'autre recherche dès lors qu'il n'était pas allégué par les sociétés que M. X... avait été mis en mesure de s'exprimer utilement devant les différents organes sociaux investis du pouvoir de le révoquer avant que les décisions de révocation fussent prises, qu'il était établi « qu'il n'y avait pas eu respect du contradictoire » à l'occasion de ces révocations, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que les sociétés avaient manqué à leur obligation de loyauté dans l'exercice de leur droit de révocation, de sorte que celui-ci était entaché d'abus, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que, pour partie non fondé, le moyen ne peut être accueilli pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que le préjudice réparable en cas de rupture brutale doit être évalué au regard du préjudice effectivement subi et qu'il ne peut être forfaitairement établi ; qu'en faisant droit à la demande forfaitaire de M. X... de 10 000 euros par mandat, soit la somme globale de 160 000 euros auxquelles les différentes sociétés ont été solidairement condamnée, sans s'expliquer sur l'évaluation de ce préjudice, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a manqué de base légale au regard des articles L. 223-25 et L. 225-47 du code de commerce, ensemble l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'évaluation souveraine par la cour d'appel de l'étendue du préjudice résultant pour M. X... de l'abus de droit retenu à l'encontre des sociétés ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.