Cass. soc., 3 juin 1997, n° 94-44.848
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gélineau-Larrivet
Rapporteur :
M. Desjardins
Avocat général :
M. Martin
Avocat :
SCP Boré et Xavier
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 1994), que M. X... a été engagé en qualité de directeur d'unité le 19 mai 1983 par la Société de prospection et d'inventions techniques (SPIT), appartenant au groupe ITW, par un contrat comportant une clause de non-concurrence applicable pendant une durée d'un an à partir du moment de son départ de la société et assortie de la contrepartie pécuniaire prévue par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie de la Drôme et de l'Ardèche ; que, sur la proposition qui lui a été faite, il a quitté la société SPIT le 28 février 1991, en remettant une lettre de démission, pour prendre immédiatement un poste dans la société Paslode, appartenant au même groupe économique ; que sa lettre d'engagement du 12 février 1991 précisait qu'il conserverait l'ancienneté acquise au service de la société SPIT et contenait une clause de non-concurrence identique à celle figurant dans son contrat précédent avec cette société ; que, par lettre du 31 décembre 1991, la société Paslode lui a notifié son licenciement et a dénoncé la clause de non-concurrence stipulée entre eux ; qu'il a alors réclamé à la société SPIT qui, lors de son départ, n'avait pas dénoncé la clause existant dans leurs rapports respectifs, le paiement d'une somme au titre de la contrepartie pécuniaire pour le temps restant à courir jusqu'au terme de la période d'un an prévue, soit jusqu'au 28 février 1992 ; que, faute d'avoir obtenu satisfaction, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société SPIT fait grief à l'arrêt qui a réformé le jugement du conseil de prud'hommes de l'avoir condamnée à payer à M. X..., qui était passé au service d'une entreprise concurrente, la société Paslode, après rupture du contrat de travail conclu entre ce salarié et cette société, une somme à titre de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail souscrit avec la société SPIT et une autre somme par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ladite société étant déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts à l'encontre de M. X... pour violation de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, d'une part, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs et entraîne la cassation de la décision judiciaire qui en est affectée ; qu'il y a contradiction, en l'espèce, à admettre, d'une part, que les deux sociétés SPIT et Paslode constituent des entités juridiques distinctes pour écarter l'existence d'une novation de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de M. X..., souscrit avec la société SPIT, novation qui a été concomitante au passage du salarié au service de la société Paslode avec laquelle M. X... était précisément convenu d'une clause de non-concurrence identique, et, d'autre part, à retenir que les deux sociétés ont des liens étroits pour refuser de condamner le salarié à payer des dommages-intérêts envers la société SPIT pour violation de la clause de non-concurrence ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions qui ont été délaissées, la société SPIT faisait valoir que les deux sociétés avaient une activité concurrentielle ; qu'ainsi, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que les premiers juges ont constaté que l'engagement de M. X... le 2 février 1991 par la société Paslode était un arrangement avec la société SPIT et que le salarié exerçait déjà une activité de supervision de la société Paslode depuis 1988 tandis qu'il était employé par la société SPIT, d'où le conseil de prud'hommes a déduit l'existence de liens étroits entre les deux sociétés ; que la cour d'appel, qui a approuvé le conseil de prud'hommes d'avoir relevé ces liens étroits, après avoir remarqué que M. X... avait remis une lettre de démission à la société SPIT et signé avec la société Paslode un contrat de travail prévoyant une clause de non-concurrence identique à celle existant dans son contrat avec la société SPIT, n'a pas tiré de ces constatations, d'où ressortait l'intention de nover la clause de non-concurrence, les conséquences légales qui en résultaient au regard de l'article 1273 du Code civil ; et alors, enfin, que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail avec la société SPIT n'était pas incompatible avec celle figurant dans le contrat conclu avec la société Paslode, a entaché sa décision d'un défaut de base légale caractérisé au regard de l'article 1273 du Code civil ;
Mais attendu que la clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs ;
Et attendu qu'après avoir exactement énoncé que la novation ne se présume pas, les juges du fond, qui n'avaient pas à répondre à des conclusions inopérantes, ni à procéder à une recherche qui ne leur était pas demandée, ont relevé, sans se contredire, les liens étroits existant entre les sociétés SPIT et Paslode, entités juridiques distinctes mais dépendant l'une et l'autre du groupe ITW, et ont fait ressortir que c'est en plein accord avec chacune d'elles que le salarié avait cessé ses fonctions dans la première pour en prendre de nouvelles dans la seconde ; qu'ils en ont déduit à juste titre que la clause de non-concurrence était restée sans effet pendant toute la période où M. X... avait travaillé pour le compte de la société Paslode, mais qu'elle avait, en revanche, repris ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec cette société avait été rompu, et qu'à compter de la même date, l'intéressé, tenu de respecter l'engagement par lui souscrit jusqu'au terme initialement convenu, devait en percevoir la contrepartie financière ; qu'ils ont ainsi justifié leur décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.