Cass. com., 20 septembre 2016, n° 15-15.369
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 janvier 2015), que le 17 juillet 2007, a été constituée la société par actions simplifiée Assistance technique délégation de personnels intellectuels (la société ATDPI), ayant M. X... pour associé unique ; que le même jour, MM. X... et Y... ont signé un « acte de vente sous seing privé », aux termes duquel le premier attestait détenir soixante-quatorze actions de la société et s'engageait à rendre au second trente-huit actions dès que celui-ci en ferait la demande, et au plus tard à partir de la troisième année suivant l'immatriculation de la société au registre du commerce ; qu'il était stipulé que ces actions viendraient compenser le chèque remis par M. Y... lors de la constitution de la société ; que par lettre du 23 octobre 2008, M. Y..., se prévalant de cet engagement, a demandé que lui soient restituées les trente-huit actions ; que s'étant heurté à un refus de M. X..., il a assigné ce dernier en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de la convention ainsi qu'en désignation d'un expert ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et la société ATDPI font grief à l'arrêt de dire que le premier était contractuellement porteur des actions de M. Y... dans le capital de la seconde et qu'il lui en devait restitution alors, selon le moyen :
1°/ qu'en relevant d'office, et sans le soumettre à la contradiction, le moyen pris de l'application des règles régissant le portage de droits sociaux, règles particulières qui n'avaient été invoquées par aucune des parties au litige, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se bornant à affirmer que la convention litigieuse constituait une convention de portage et à en donner une définition doctrinale, sans expliquer sur quels éléments de la cause elle se fondait pour retenir l'existence d'une convention valable au regard tant des règles régissant le droit des contrats que de celles du droit des sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1832 et 1844-1 du code civil ;
3°/ qu'en retenant que la convention conclue le 17 juillet 2007 emportait, à la charge de M. X..., obligation de transférer à M. Y... des parts sociales dont ce dernier était regardé comme ayant déjà versé le prix à hauteur de 18 500 euros, sans rechercher, comme l'y avaient pourtant invitée M. X... et la société ATDPI, si M. X... n'avait pas, postérieurement à la convention litigieuse, versé à M. Y... une somme comprenant la restitution de la somme de 18 500 euros précédemment décaissée par celui-ci et si ce versement ne devait pas être regardé comme dégageant M. Y... de l'entière opération, comme privant de toute contrepartie une hypothétique obligation de transfert de parts imputée à M. X... et donc comme rendant invraisemblable l'existence valable d'une telle obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que saisie d'une contestation entre les parties sur la qualification qu'il convenait de donner à leur convention, la cour d'appel, qui a approuvé les premiers juges d'avoir retenu la qualification de « marché à terme », n'a pas méconnu le principe de la contradiction en précisant qu'il s'agissait d'une opération de portage sans que cette qualification modifie la règle de droit applicable ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu qu'en exécution de la convention liant les parties, M. X... avait souscrit une obligation de restitution gratuite de la majorité des actions de la société ATDPI, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que le chèque remis lors de la constitution de la société ATDPI et l'engagement de restitution des trente-huit actions de cette société ne constituaient ni un prêt consenti par M. Y... à M. X... ni une garantie de son remboursement par ce dernier, la cour d'appel, qui a ainsi exclu que le versement effectué par M. X... postérieurement à la signature de la convention litigieuse ait privé de toute contrepartie l'opération de transfert des actions à laquelle M. X... s'était engagé, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... et la société ATDPI font grief à l'arrêt de dire que M. Y... a droit aux dividendes d'associé à proportion de ses actions représentant 51 % du capital social au 31 décembre 2008 et qu'il a droit, dans la même proportion, à une indemnisation par M. X... pour le transfert de sa participation acquise d'associé de cette société alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant que M. Y... avait droit aux dividendes d'associé à proportion de ses parts représentant 51 % du capital social au 31 décembre 2008, cependant qu'il résultait des constatations de l'arrêt qu'à cette date, le transfert des titres du patrimoine de M. X... vers celui de M. Y... n'avait pas eu lieu, de sorte que ce dernier n'avait pas la qualité d'associé et que seul M. X..., associé de la société, avait droit aux dividendes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1832 et 1844-1 du code civil ;
2°/ que M. X... avait fait valoir, dans ses conclusions, attestation de l'expert comptable de la société ATDPI à l'appui, que cette société n'avait jamais distribué de dividendes, que ce soit avant le 31 décembre 2008 ou même après ; qu'en retenant à l'encontre de M. X..., en sa qualité de partie à une convention extra-statutaire, une obligation de réparer un préjudice qui serait résulté de la prétendue atteinte portée au droit qu'aurait eu M. Y... de percevoir des dividendes à proportion de ses parts représentant 51 % du capital social au 31 décembre 2008, sans rechercher, comme cela lui avait ainsi été demandé, si M. Y... n'était pas dénué d'un tel droit, en l'absence de toute distribution effective de dividendes décidée par la société à cette date, cependant qu'un tel événement était seul de nature à faire naître le droit invoqué par M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1844-1 du code civil ;
3°/ qu'en retenant que M. Y... avait droit aux dividendes d'associé à proportion de ses parts représentant 51 % du capital social au 31 décembre 2008, en raison du prétendu non-respect, par M. X..., d'une convention extra-statutaire organisant au profit du premier un transfert de parts sociales, cependant que la distribution de dividendes étant par nature incertaine, un tel préjudice, à le supposer établi, ne pouvait consister qu'en une perte de chance de percevoir des dividendes, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil et le principe de réparation intégrale sans perte ni profit ;
4°/ qu'en retenant que M. Y... avait « droit à une indemnisation » pour le transfert de sa participation acquise d'associé de la société ATDPI à proportion de ses parts représentant 51 % du capital social au 31 décembre 2008, par la seule considération qu'une prétendue disparition des parts sociales du patrimoine de M. Y... n'aurait pas été contractuellement prévue et que cette situation aurait été créée par le comportement fautif de M. X..., sans rechercher, comme l'y avaient pourtant invitée ce dernier et la société ATDPI, si le versement, par M. X..., postérieurement à la convention litigieuse, d'une somme comprenant notamment la restitution de la somme de 18 500 euros précédemment décaissée par M. Y..., ne devait pas être regardé comme ayant désintéressé celui-ci de l'entière opération, de sorte qu'aucun préjudice certain ne pouvait plus être invoqué par lui, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu que M. Y... avait droit aux dividendes d'associé à proportion de ses actions représentant 51 % du capital social au 31 décembre 2008, non parce qu'il avait la qualité d'associé, mais en raison de la faute commise par M. X..., lequel, en ne lui restituant pas ses actions, l'avait privé de la perception des dividendes ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'en ordonnant une mesure d'expertise avant dire droit sur le surplus des prétentions de M. Y... en leur principe et/ ou leur quantum, et en donnant mission à l'expert de déterminer les dividendes de la société ATDPI pour l'année 2008, la cour d'appel a réservé sa décision sur les demandes visées par les deuxième et troisième branches ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche invoquée à la dernière branche, qui ne lui était pas demandée ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... et la société ATDPI font encore grief à l'arrêt d'ordonner une expertise comptable alors, selon le moyen, que le juge ne peut recourir à une mesure d'expertise que pour l'éclairer sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; qu'en confiant à l'expert mission de « donner son avis sur l'origine et la pertinence de l'ensemble des charges d'exploitation figurant au bilan de la SAS ATDPI arrêté au 31 décembre 2008, sur le bénéfice qui aurait dû être réalisé par la société, sur l'éventuelle régularisation comptable et réintégration ou exclusion de charges d'exploitation créées au détriment artificiel de l'associé Roger Y... », la cour d'appel lui a délégué ses pouvoirs, en lui demandant de porter une appréciation juridique sur l'éventuelle existence d'une faute qui aurait été commise dans la gestion de ladite société par la création de charges d'exploitation artificielles, et a ainsi commis un excès de pouvoir au regard de l'article 232 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en demandant à l'expert de lui donner son avis sur l'origine et la pertinence de l'ensemble des charges d'exploitation, sur le bénéfice qui aurait dû être réalisé par la société et sur l'éventuelle régularisation comptable et réintégration ou exclusion de charges d'exploitation, la cour d'appel a seulement confié à ce technicien des investigations techniques ayant trait à des questions de fait dont elle se réservait de tirer les conséquences juridiques ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.