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Décisions

Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-25.343

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Rousseau et Tapie

Paris, du 20 févr. 2015

20 février 2015

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2015, rectifié le 13 mai 2015), que les fonds professionnels de capital investissement AAC France 2005 A et AAC France 2005 B, gérés par la société Abenex Capital (la société Abenex), ainsi que M. et Mme Benjamin X..., la société Axélia et M. Christian X... ont constitué, courant mai 2008, une société Réponse Invest laquelle a acquis la société Réponse ; que les fonds gérés par la société Abenex ont bénéficié de bons de souscription d'action réservés aux investisseurs (BSA) et souscrit à des obligations convertibles en actions (OC) ; que M. Benjamin X... a été nommé président du directoire de la société Réponse Invest et a conclu, le 19 mai 2008, avec l'ensemble des actionnaires, un pacte définissant notamment les conditions de conversion des obligations et BSA, ainsi que des promesses de cession de ses droits et actions dans le capital social, Mme X... et la société Axélia consentant les mêmes promesses de vente ; que M. Benjamin X... a été révoqué de ses fonctions de président du directoire de la société Réponse Invest le 26 juin 2012 ; que la société Abenex, bénéficiaire des promesses de vente, a notifié le 24 septembre 2012 à M. et Mme X... et à la société Axélia sa décision d'acquérir leurs actions et BSA pour un certain prix ; que M. et Mme X... et la société Axélia ont pris acte de ces levées d'option, tout en contestant le prix offert sur la base du prix normal défini aux promesses de vente, puis saisi un tribunal pour qu'il soit statué sur la définition du prix normal et la prise en compte pour ce calcul des obligations convertibles en actions dites OC 1 et OC 2 ;

Attendu que M. et Mme X... et la société Axélia font grief à l'arrêt de dire que, conformément aux dispositions du pacte d'actionnaires et aux promesses unilatérales de vente des 19 mai et 17 décembre 2008, toutes les OC (OC1 et OC2) devaient être réputées converties pour le calcul du prix normal des actions Réponse Invest alors, selon le moyen :

1°/ que les époux X... et la société Axelia faisaient valoir qu'en application des stipulations claires et précises du pacte d'actionnaire du 19 mai 2008 et des promesses de vente des 19 mai et 17 décembre 2008, aucune obligation convertible (OC1 et OC2) n'était réputée convertie, les conditions permettant de définir quand les OC sont « réputées converties » n'étant pas réunies, en particulier celle tenant à l'hypothèse d'un « cas de sortie », c'est-à-dire de cession de contrôle de la société Reponse Invest ; qu'en considérant qu'il fallait simuler un cas de Sortie pour calculer le prix normal des actions cédées en exécution des promesses, en faisant « comme si l'on se plaçait au moment du débouclage de l'opération de capital-investissement (sortie), donc comme si 100 % des titres de Réponse Invest étaient cédés » et qu'il y avait en conséquence lieu de réputer converties les OCI et les OC2 dans le calcul du prix normal, après avoir pourtant constaté que « les promesses de vente ne prévoient pas clairement qu'il est nécessaire de simuler un cas de sortie pour déterminer si les OC doivent être réputées converties dans le calcul du prix normal » et relevé « l'absence de sortie effective », la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'inféraient de ses propres constatations et a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en application des articles 5. 1 et 1 des promesses des 19 mai et 27 décembre 2008 et 3. 1 des Termes et conditions des OC annexés au pacte d'actionnaire du 19 mai 2008, les obligations convertibles (OC1 et OC2) ne sont réputées converties que si, dans l'hypothèse d'un « cas de sortie », le taux de retour sur investissement (TRI) est inférieur à 17, 5 % ; que dès lors, la condition tenant à la réalisation d'un TRI inférieur à 17, 5 % est subsidiaire et ne peut jouer que si, au préalable, la condition tenant à l'hypothèse d'une « sortie » est réalisée ; qu'en retenant néanmoins, pour décider qu'il y avait lieu de réputer converties les OC1 et OC2, que le fait de « considérer qu'en l'absence de Sortie effective, les OC ne sont pas réputées converties dans le calcul du prix normal même si l'autre condition de conversion (TRI inférieur à 17, 5 % ou multiple inférieur à 1, 7) est remplie, revient à annihiler ce mécanisme incitatif puisque les actions des managers », la cour d'appel a ainsi considéré que les promesses stipulaient deux conditions cumulatives et que la réalisation de l'une d'elle suffisait à réputer les OC converties, cependant que la condition relative au TRI n'avait pas vocation à s'appliquer en l'absence de sortie, en violation de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que les époux X... et la société Axelia faisaient valoir, dans leur dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 13 novembre 2014, que la « formule de prix de cession a pour assiette l'EBITA résultant des derniers comptes connus de la société et lie donc le prix de cession aux résultats obtenus par le dirigeant », tout en précisant que les promesses ne faisaient aucune référence à un quelconque taux de performance du groupe à la date de départ d'un manager, ce qui démontrait que les parties n'avaient pas souhaité appliquer le mécanisme de conversion en fonction du taux de retour sur investissement (TRI inférieur à 17, 5 %) en cas de départ ; qu'en se contentant d'affirmer qu'« il est conforme au montage mis en place que la formule de calcul du prix normal tienne compte des performances du groupe à la date du départ des Managers, en l'occurrence par le jeu des termes et conditions (des OC1 et des OC2) prévoyant que les OC ne soient pas convertibles si l'opération atteignait un niveau minimum de rentabilité (contractuellement fixé à un TRI de 17, 5 % ou un multiple d'investissement de 1, 7) et qui ne l'a pas été en l'espèce » sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en outre, en retenant que le mécanisme de conversion des OC en fonction du TRI, qui incitait les managers à obtenir les meilleurs résultats possibles, devait être appliqué même en l'absence de sortie effective, afin de ne pas « annihiler le mécanisme incitatif », cependant que le prix normal des actions cédées au titre des promesses de vente était en toute hypothèse calculé en tenant compte de l'EBITA, c'est-à dire du résultat d'exploitation de la société Réponse Invest, ce dont il s'inférait que les managers étaient de toute façon incités à optimiser les résultats du groupe, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est par une interprétation souveraine des conventions des parties, que leur rapprochement et leur ambiguïté rendaient nécessaire, que la cour d'appel, après avoir constaté que les promesses de vente ne prévoyaient pas clairement s'il y avait lieu, pour la détermination du prix normal de cession des actions et BSA, en cas de départ d'un dirigeant, de simuler un cas de sortie, a relevé que ces promesses n'avaient jamais vocation à s'appliquer en cas de sortie effective, et estimé que celles-ci devaient s'appliquer en cas de départ d'un dirigeant et qu'il fallait donc calculer le prix normal de cession comme si l'on se plaçait au moment du dénouement de l'opération de capital investissement ;

Attendu, d'autre part, que c'est par une interprétation souveraine des conditions de conversion des obligations (OC1 et OC2) en cas de départ, telles que résultant des promesses de vente, du pacte d'actionnaire et de ses annexes, que leur rapprochement et leur ambiguïté rendaient nécessaire, que la cour d'appel, après avoir relevé que celles-ci n'étaient convertibles que si l'opération n'atteignait pas un niveau de rentabilité fixé à un taux de retour sur investissement de 17, 5 % ou à un multiple d'investissement de 1, 7, puis constaté que ces pourcentage et multiple n'avaient pas été atteints, en a déduit qu'il fallait les réputer converties pour les besoins du calcul du prix normal de cession ;

Attendu, de troisième part, que l'arrêt retient que pour définir le prix normal dans les promesses de vente, il faut calculer le prix de cession des titres des consorts X..., promettants, comme si l'on se plaçait au moment du dénouement de l'opération de capital investissement soit comme si 100 % des titres de la société étaient cédés pour valoriser de la même manière tous les titres donnant accès au capital de la société afin qu'ils puissent prétendre à leur quote-part de création de valeur ou au contraire que cette quote-part soit réduite si les niveaux de performance n'étaient pas atteints à la date de départ ; qu'en l'état de ses appréciations, dont il résulte que les parties n'avaient pas entendu, pour le calcul du prix normal des titres cédés, en cas de départ, faire abstraction des performances de l'opération de capital investissement telles que prévues par le pacte d'actionnaire et ses annexes, la cour d'appel a répondu au moyen prétendument délaissé ;

Et attendu, en dernier lieu, que recherchant la commune intention des parties, l'arrêt retient que le mécanisme de conversion des OC en fonction des conditions de performance de l'opération de capital investissement était incitatif pour les dirigeants dès lors que ceux-ci avaient intérêt à ce qu'elles ne soient pas converties, leur conversion diluant leur quote-part dans le capital, et qu'il devait recevoir application même en l'absence de sortie effective dès lors que ces conditions n'avaient pas été atteintes ; que par ces appréciations souveraines, dont il résulte que pour définir le prix normal de cession, il y avait lieu de réputer converties les obligations OC 1 et OC 2, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.