Livv
Décisions

Cass. 2e civ., 2 juillet 2009, n° 08-11.599

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gillet

Avocats :

Me Odent, SCP Didier et Pinet, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Peignot et Garreau, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Rennes, du 29 nov. 2007

29 novembre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 novembre 2007), que la société Les Serres du Fréty, exploitante de serres agricoles, a fait installer par la société Claie un système informatisé d'enrichissement de l'atmosphère de ses serres comprenant deux ballons de stockage d'eau chaude ; que la société Elotec a fourni une unité centrale informatique ainsi qu'un logiciel de gestion climatique ; que, se plaignant de déficiences de cette installation, la société Les Serres du Fréty, après désignation d'un expert en référé, a assigné devant un tribunal les sociétés Claie et Elotec en réparation de son préjudice ; que sont intervenus à la procédure la société Axa, devenue Axa France IARD (la société Axa France), assureur de la société Elotec, la société Groupama Loire Bretagne - caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles des Pays de la Loire (la société Groupama), assureur de la société Claie, la société Allain des X... et M. Jean-Pierre Y..., intermédiaires de la société Groupama, et M. Vincent Z..., administrateur judiciaire de la société Claie entre-temps placée en redressement judiciaire ; que le tribunal, après avoir partiellement annulé le rapport de l'expert, a condamné la société Groupama, assureur de la société Claie, à payer à la société Les Serres du Fréty une certaine somme ; que la société Groupama a interjeté appel de cette décision ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Groupama fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Elotec et la société Axa France, à payer à la société Les Serres du Fréty une certaine somme, outre intérêts au taux légal, et de juger que dans leurs rapports respectifs les parties condamnées se garantiront mutuellement à raison de 75 % à la charge de la société Groupama et de 25 % à la charge in solidum de la société Elotec et de la société Axa France, alors, selon le moyen :

1°/ que la méconnaissance du principe de la contradiction par l'expert judiciaire n'empêche pas le juge de prendre en compte le fait sur lequel l'expert s'est appuyé pour donner son avis et qui a ensuite été soumis à la libre discussion des parties devant la juridiction ; qu'en jugeant que le non-respect de la contradiction par l'expert à propos de la constatation selon laquelle la société Elotec avait déjà participé à l'installation d'un système comprenant deux ballons interdisait jusqu'à la prise en compte de ce fait pourtant librement discuté devant le tribunal puis la cour d'appel, cette dernière a violé par fausse application l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que l'annulation d'une partie du rapport d'expertise dans laquelle l'expert judiciaire donne une opinion juridique sur le partage de responsabilité ne fait pas obstacle à ce que les juges du fond aient la même appréciation juridique ; qu'en excluant un partage de responsabilité pour moitié entre les sociétés Claie et Elotec en raison de l'annulation de la partie du rapport d'expertise qui concluait à un tel partage, tandis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue par l'opinion juridique exprimée par l'expert, pouvait conclure à un partage de responsabilité identique, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 238 du même code ;

Mais attendu qu'ayant partiellement annulé le rapport de l'expert, après avoir constaté que celui-ci avait méconnu le principe de la contradiction en révélant et en utilisant une information recueillie dans des conditions non portées à la connaissance des parties, les privant de la possibilité d'en débattre et d'apprécier l'effet que pouvait avoir cet élément sur leur implication dans le litige, la cour d'appel, exerçant sa propre appréciation de la répartition des responsabilités entre les différents intervenants, a pu fixer comme elle l'a fait, sans encourir les griefs du moyen, la part de responsabilité de la société Elotec dans la survenance du dommage, après avoir considéré que celle-ci, en qualité de professionnelle des ordinateurs destinés aux serres horticoles, avait méconnu ses obligations envers la société Claie, et après avoir retenu qu'il lui appartenait d'attirer l'attention de la société Les Serres du Fréty sur les anomalies constatées et les risques de mauvais fonctionnement générés par les défectuosités ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche :

Attendu que la société Axa France fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés Groupama et Elotec, à payer différentes sommes à la société Les Serres du Fréty, et de la condamner à garantir la société Elotec, son assurée, de la condamnation au paiement de la somme principale de 326 655,10 euros, alors, selon le moyen, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives de parties ; qu'en l'espèce, la société Axa France a soutenu que le dommage survenu était exclu de la garantie puisque, ne constituant pas un dommage "matériel" au sens du contrat, il ne constituait pas davantage un dommage immatériel consécutif ; que la société Elotec n'a pas prétendu qu'il s'agirait d'un dommage "matériel", retenant au contraire dans ses conclusions qu'elle "ne peut, dans le cadre des produits informatiques et des logiciels qu'elle conçoit et qu'elle vend, provoquer d'atteinte à la structure ou à la substance d'une chose" ; qu'il y avait dès lors accord sur ce point entre les parties, la société Elotec reprochant précisément à la société Axa France d'avoir manqué à son obligation de conseil en se fondant sur l'absence de risque d'un tel dommage dans son activité ; qu'en remettant dès lors en cause cette question non débattue, pour décider que le risque survenu était un risque matériel, ce qu'aucune des parties n'admettait, et que les termes du contrat obligeaient la société Axa France à le garantir comme tel, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'une simple concordance des conclusions entre les parties ne constituant pas l'accord exprès qui pourrait, selon l'article 12 du code de procédure civile, lier le juge par des points de droit auxquels elles auraient entendu limiter le débat, la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a exactement décidé que la société Axa France était tenue à garantie envers son assurée, après avoir, par une interprétation souveraine, retenu que le risque survenu était un risque matériel au sens du contrat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.