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Décisions

Cass. 3e civ., 26 novembre 2003, n° 02-13.875

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Toulouse, 1re ch. sect.1 du 14 janv 2002

14 janvier 2002

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 janvier 2002), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e 11 octobre 2000 pourvoi n° 97-22.253), que, suivant marché à forfait du 16 décembre 1989, la société civile immobilière Bagalam (la SCI) a chargé la société Projebat, actuellement en liquidation judiciaire, des travaux de gros oeuvre et d'aménagement d'un immeuble en hôtel, la direction de ces travaux étant confiée à M. X..., maître d'oeuvre ; que des travaux supplémentaires ont été exécutés ; qu'après expertise, la société Projebat a réclamé le paiement du solde du prix des travaux à la SCI qui a sollicité, par voie reconventionnelle, l'application de pénalités de retard ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au liquidateur judiciaire de la société Projebat une somme au titre du solde des travaux, alors, selon le moyen :

1 / que celui qui s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changement ou d'augmentation des travaux, si ces derniers n'ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire ; qu'en se bornant, pour écarter le caractère forfaitaire du marché conclu le 16 décembre 1989 entre la société Projebat et la SCI, à retenir que les travaux initialement prévus pour rénovation de l'immeuble et sa transformation en hôtel, avaient été considérablement modifiés tant dans leur nature que dans leur importance, sans répondre aux conclusions de la SCI faisant valoir que pour apprécier l'importance des modifications, il était nécessaire de distinguer les travaux complémentaires, lesquels ne pouvaient donner lieu à aucune rémunération supplémentaire de la part du maître de l'ouvrage dès lors que ces travaux étaient nécessaires à la bonne fin de l'ouvrage, des travaux supplémentaires, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue de payer à la société projebat des travaux initialement compris dans le forfait, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le caractère forfaitaire d'un marché ne peut être écarté que si le maître de l'ouvrage a autorisé par écrit et en avance les travaux supplémentaires à réaliser ; qu'à défaut d'une telle autorisation écrite, le prix du marché peut être changé si les modifications affectent l'objet même du contrat et sont de nature à caractériser un bouleversement de l'économie de celui-ci ; qu'en décidant néanmoins que l'acceptation expresse du maître de l'ouvrage, la SCI, d'une modification très importante des travaux inclus dans le marché conclu le 16 décembre 1989 avec la société Projebat avait eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat initial, sans même caractériser la nature de ce bouleversement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale de l'article 1793 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant par motifs propres et adoptés, répondant aux conclusions, relevé qu'indépendamment des travaux complémentaires non inclus dans le marché initial et qui devaient être réglés par le maître de l'ouvrage, celui-ci, qui avait expressément accepté une modification très importante des travaux inclus dans le marché de base, ne pouvait s'opposer au paiement du coût réel de ces travaux supplémentaires, et constaté que les travaux initialement prévus avaient été considérablement modifiés tant dans leur nature que dans leur importance, la cour d'appel qui a pu retenir le bouleversement de l'économie du contrat lui faisant perdre son caractère forfaitaire, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Projebat au paiement de pénalités de retard, alors, selon le moyen :

1 / que la clause pénale s'applique dès lors que l'une des parties n'exécute pas l'une de ses obligations ; que la modification de certaines dispositions du contrat ne prive pas d'effet ladite clause sauf si le créancier y renonce par des actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la SCI tendant au paiement par la société Projebat de pénalités de retard n'était pas justifiée, dès lors que des modifications importantes avaient été apportées au projet initial et que des travaux complémentaires avaient été demandés, sans pour autant relever que la SCI aurait renoncer au paiement de ces pénalités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1152 et 1226 du Code civil ;

2 / que la clause pénale s'applique dès lors que l'une des parties n'exécute pas l'une de ses obligations ; qu'en décidant néanmoins que la SCI Bagalam n'était pas fondée à réclamer l'exécution de la clause prévoyant le versement de pénalités de retard en cas d'exécution tardive des travaux, au motif inopérant qu'aucune retenue n'avait été pratiquée sur les acomptes, comme le prévoyait l'article 7 du cahier des clauses administratives , la cour d'appel a violé les articles 1134, 1152 et 1226 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le délai prévu dans le marché n'avait pas été respecté, et que ce dépassement de délai était justifié par l'importance des modifications apportées au projet et par la commande de travaux complémentaires, et relevé que la société maître de l'ouvrage n'avait procédé en cours de chantier à aucune retenue sur les acomptes de paiement dus à l'entrepreneur, alors que, conventionnellement, les pénalités devaient être retenues sur ces acomptes, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la SCI n'ayant pas invoqué, dans ses écritures d'appel, le manquement de l'architecte à son obligation de conseil relativement aux conséquences juridiques d'un éventuel bouleversement de l'économie du marché, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.