Cass. 3e civ., 12 novembre 2020, n° 19-18.213
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Jean-Philippe Caston, SCP Richard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 avril 2019), la société Aza a acquis un bâtiment afin de l'aménager en hôtel, puis a fait procéder à sa rénovation et réhabilitation complètes.
2. La société Dim froid, chargée de la conception et de l'installation de la climatisation, a établi un devis, qui a été accepté.
3. La société Dim froid a procédé à la réalisation des travaux et à la mise en service d'une pompe à chaleur réversible.
4. La société Aza a réglé toutes les factures émises par la société Dim froid et n'a pas souscrit de contrat d'entretien.
5. L'hôtel a ouvert le 5 septembre 2005 et la climatisation est tombée en panne en décembre 2009.
6. La société Aza a fait appel à la société EG réfrigération, laquelle a diagnostiqué une défaillance du compresseur et en a préconisé le remplacement.
7. La société Aza a fait procéder au changement du compresseur et fait installer des radiateurs électriques.
8. En juin 2011, l'installation faisant disjoncter les protections électriques, la société Aza a de nouveau fait appel à la société EG réfrigération, laquelle qui a diagnostiqué une nouvelle panne de compresseur.
9. La société Aza a pris conseil auprès d'un autre professionnel, la société Anquetil, laquelle, après s'être rendue sur les lieux, a confirmé le premier diagnostic, réalisé un devis et procédé à la réparation.
10. La société Anquetil a installé un système de filtration afin d'épurer le liquide frigorigène de pollution d'huile et autres matériaux en suspension et est intervenue à quatre reprises pour changer les cartouches filtrantes.
11. La société Aza a, après expertise, assigné la société Dim froid en indemnisation de ses préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
12. La société Dim froid fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en garantie décennale formée par la société Aza et de la condamner à lui payer
les sommes de 27 882,85 euros au titre du préjudice matériel et 8 000 euros au titre de la perte d'image, alors :
« 1°/ que la garantie décennale des constructeurs suppose la construction d'un ouvrage ; que tel n'est pas le cas des travaux d'installation d'un système de climatisation, lesquels ne constituent pas des travaux de construction d'un ouvrage ; qu'en retenant, pour dire que les travaux réalisés par la société Dim froid constituaient un ouvrage relevant de la garantie décennale des constructeurs, que le litige portait sur une opération de construction puisque les parties avaient conclu un contrat de fourniture et de pose d'une installation de chauffage, à savoir la fourniture et la mise en place de toute l'installation de climatisation de l'hôtel avec la pose de compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisations d'air dans et à travers les murs du bâtiment, sans faire ainsi ressortir que les travaux réalisés étaient assimilables à des travaux de construction d'un ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du code civil ;
2°/ que la réception tacite est caractérisée lorsque le maître d'ouvrage manifeste sans équivoque sa volonté de recevoir l'ouvrage ; qu'en considérant ensuite, pour dire que la réception tacite était intervenue le 26 mai 2006, que l'installation litigieuse avait été mise en fonctionnement à compter du mois de septembre 2005 et que le paiement intégral du solde des travaux était intervenu à cette date du 26 mai 2006, sans ainsi faire ressortir la volonté non équivoque de la société Aza de recevoir les travaux à ladite date du 26 mai 2006, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
3°/ que la présomption de réception tacite résultant du paiement de la totalité des travaux et de la prise de possession permet de fixer la date de la réception au moment de la prise de possession ; qu'au demeurant, en déduisant une réception tacite au 26 mai 2006 de la prise de possession en septembre 2005, jointe au paiement intégral des travaux ce 26 mai 2006, quand il en résultait que la réception tacite était intervenue au mieux lors de la prise de possession en septembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;
4°/ que la réception tacite est caractérisée lorsque le maître d'ouvrage manifeste sans équivoque sa volonté de recevoir l'ouvrage ; qu'en toute hypothèse, en fixant de la sorte la date de réception tacite des travaux à celle du paiement par le maître de l'ouvrage du solde des travaux le 26 mai 2006, sans rechercher si la société Aza avait pu régler le solde à cette date uniquement en ce que la société Dim froid lui avait accordé des délais de paiement pour ne pas régler immédiatement la facture de solde émise du 29 novembre 2004, lesquels délais de paiement n'étaient pas en rapport avec une quelconque contestation de la qualité des travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
5°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Dim froid faisait valoir qu'elle ne devait, en tout état de cause, aucune garantie à raison de l'intervention de tiers sur l'installation après les travaux, à savoir les sociétés Eg réfrigération et Anquetil, qui avaient procédé à des changements et modifications sur les installations ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
13. En premier lieu, la cour d'appel, ayant constaté que les parties avaient conclu un contrat de fourniture et de pose d'une installation de chauffage incluant la fourniture et la mise en place de toute l'installation de climatisation de l'hôtel avec pose des compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisation d'air dans et à travers les murs du bâtiment, a pu en déduire que le litige portait sur la construction d'un ouvrage.
14. En deuxième lieu, ayant relevé que l'hôtel avait ouvert en septembre 2005, de sorte que l'installation litigieuse n'avait été mise en fonctionnement qu'à compter de cette date, mais que le paiement intégral de la facture n'était intervenu que le 26 mai 2006, elle a pu en déduire que la réception tacite résultait de la prise de possession jointe au paiement intégral, de sorte que la date à retenir pour le point de départ de l'action en garantie décennale était le 26 mai 2006.
15. En troisième lieu, ayant retenu que la société Dim froid avait installé une climatisation entachée d'un vice de construction puisqu'elle n'était pas d'une puissance suffisante pour lui permettre de fonctionner normalement et d'être pérenne et que les pannes répétées avaient montré que l'installation mise en place était dans l'incapacité de fonctionner par grand froid ou forte chaleur par manque de puissance entraînant ainsi la casse systématique du compresseur, elle a pu retenir la responsabilité décennale de la société Dim froid sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes.
16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.