Cass. 3e civ., 18 juillet 2001, n° 99-12.326
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
Mme Fossaert-Sabatier
Avocat général :
M. Guérin
Avocats :
SCP Delaporte et Briard, Me Blondel, Me Cossa, Me Foussard
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 1998), que, pour la construction d'un abattoir, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Blezat Ferrat alimentaire (BFA), la société Sicavyl, maître de l'ouvrage, a confié le lot équipement frigorifique à la société des Usines Quiri, assurée par la compagnie Allianz, venant aux droits de la compagnie Rhin et Moselle ; que se plaignant du dysfonctionnement des réseaux de circulation des fluides, la société Sicavyl a assigné en réparation les constructeurs et leurs assureurs ;
Attendu que la société des Usines Quiri fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum à payer une certaine somme au maître de l'ouvrage alors, selon le moyen, que la responsabilité des constructeurs régie par les articles 1792 et suivants du Code civil ne s'applique qu'aux travaux de construction ; qu'en retenant en l'espèce la responsabilité de la société des Usines Quiri au titre de la responsabilité décennale, sans avoir caractérisé en quoi la réalisation de l'installation frigorifique atteinte de désordres avait constitué de tels travaux, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les équipements frigorifiques étaient notamment constitués de canalisations assurant le transport de froid dans l'ensemble des locaux en traversant des cloisons isolantes, dites cloisons isothermes, et pu retenir qu'une construction de cette nature, à savoir une installation frigorifique comprenant une salle de machines qui alimente les réseaux desservant les autres locaux, le froid étant transporté par deux réseaux indépendants de tuyauteries, relevait de l'article 1792 du Code civil, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la compagnie Allianz fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société des Usines Quiri des condamnations prononcées à son encontre alors, selon le moyen :
1° que le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qu'il ne peut relever un moyen d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office un moyen tiré de la modification législative des articles 1792 et 2270 du Code civil, sans provoquer d'explication des parties sur ce point, pour dire que la compagnie Allianz assurances devait garantir la société des Usines Quiri, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2° et à titre subsidiaire, que l'article 1792 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1967, inclut dans les risques couverts par la garantie décennale les vices affectant les éléments d'équipement et rendant l'ouvrage impropre à sa destination, puisque le législateur de 1978 a, sur ce point, entériné l'interprétation jurisprudentielle de l'article 1792 du Code civil ; que dès lors l'exclusion de garantie pour les actions en responsabilité fondées sur l'article 1792 du Code civil figurant dans la police d'assurance souscrite par la société des Usines Quiri avant la modification législative de 1978 concernait, avant comme après la réforme, les vices affectant les éléments d'équipement de l'ouvrage pourvu qu'ils le rendent impropre à sa destination ; que la cour d'appel a constaté que le vice atteignait un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil et le rendait impropre à sa destination, de sorte que la garantie de l'assureur était exclue ; qu'en retenant, pour juger que l'assureur devait sa garantie, que la clause d'exclusion de garantie avait été rédigée avant la modification législative, ce qui était sans incidence sur l'absence de couverture du risque litigieux, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à justifier sa décision en violation de l'article 1134 du Code civil ;
3° qu'en ne recherchant pas si le vice atteignant l'ouvrage n'était pas couvert par la garantie décennale telle qu'elle était définie lors de la rédaction du contrat, seule circonstance de nature à déterminer si la clause d'exclusion devait s'appliquer dès lors que la loi du 4 janvier 1978 n'avait pas modifié la nature de la garantie en cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article 1792 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'exclusion invoquée, faute d'avenant conclu en application des dispositions de la loi du 4 janvier 1978, ne visait que les articles 1792 et 2270 du Code civil dans la rédaction de 1967, la police ayant été souscrite en 1976, mais non les éléments d'équipement occasionnant des dommages rendant l'ouvrage impropre à sa destination et donnant lieu à la garantie décennale de l'article 1792 de ce Code dans sa rédaction de 1978, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer le principe de la contradiction, que la garantie stipulée, couvrant la construction, les ventes d'installations ou de matériel frigorifique industriel et commercial construit ou acheté par la société des Usines Quiri, devait s'appliquer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.