CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 14 janvier 1999, n° 6365/96
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Trehin, Rolland (Epoux)
Défendeur :
Credit Immobilier General (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Assie
Conseillers :
Mme Laporte, M. Maron
Avoués :
SCP Fievet-Rochette-Lafon, SCP Jupin & Algrin
Avocat :
Me Drappier-Villard
FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte notarié en date du 12 avril 1991, le CREDIT IMMOBILIER GENERAL (ci-après désigné le C.l.G.) a consenti à la société en nom collectif GARABEL (ci-après désignée la SNC GARABEL) un prêt de 32.000.000 francs.
Ce prêt n'ayant pas été remboursé selon les modalités prévues à l'acte, le C.I.G. a engagé une action en paiement à l'encontre de trois des associés de la SNC GARABEL, à savoir Monsieur Pierre TREHIN, Melle Pierrette TREHIN, et Madame Anne-Marie TREHIN épouse ROLLAND (ci-après désignés les consorts TREHIN).
Par jugement en date du 15 mai 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a condamné solidairement les consorts TREHIN susdésignés à payer au C.I.G. la somme en principal de 31.030.895,34 francs, outre les intérêts de retard à compter du 24 mars 1995, calculés à un taux égal au TIOP à 3 mois majoré de 4,20 points, ainsi qu'une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Appelants de cette décision, les consorts TREHIN soutiennent que c'est à tort que le premier juge a prononcé condamnation à leur encontre, alors que l'article 15 du décret du 23 mars 1967 dispose qu'un créancier ne peut poursuivre un associé, à défaut du paiement ou de constitution de garanties par la société, que 8 jours au moins après une mise en demeure de celle-ci et qu'une telle garantie avait été donnée, aux termes même de l'article 12 de l'acte de prêt qui prévoyait l'affectation hypothécaire en garantie du prêt d'un ensemble immobilier sis à PLAISIR (78) propriété de la SNC. Ils demandent en conséquence, à être déchargés des condamnations prononcées à leur encontre et ils réclament au C.I.G. une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le C.I.G. réfute l'analyse faite par les consorts TREHIN des dispositions précitées de l'article 15 du décret du 23 mars 1967 et conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, sauf à se voir allouer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en couverture des frais qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que chaque associé d'une société en nom collectif est tenu indéfiniment et solidairement avec les autres associés du passif social ; que toutefois, ainsi qu'en dispose l'article 10, alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966, les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extra judiciaire ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est plus contesté que, comme l'a relevé le premier juge, la S.N.C. GARABEL a été régulièrement mise en demeure, par acte d'huissier du 13 avril 1995, d'avoir à payer immédiatement et sans délai la somme de 31.030.895,39 francs arrêtée au 24 mars 1995 représentant la créance du C.I.G. après la déchéance du terme prononcé conformément aux conditions contractuellement prévues ;
Considérant que les consorts TREHIN entendent cependant soutenir que le C.I.G. est mal fondé à les poursuivre dès lors que cet organisme bénéficiait d'une affectation hypothécaire consentie par la SNC GARABEL en garantie de toutes les obligations résultant de l'ouverture de crédit et que cette affectation hypothécaire, stipulé à l'article 12 de l'acte de prêt, doit s'analyser en une constitution de garantie au sens de l'article 15 du décret du 23 mars 1967 ;
Mais considérant que l'article 15 susvisé n'a pour seul objet que de préciser le délai minimum entre la mise en demeure adressée à la société et l'autorisation de poursuite des associés, de sorte que la société dispose d'un temps suffisant pour faire face à ses engagements soit en payant la dette soit en constituant une garantie suffisante pour préserver l'intégralité des droits du créancier ; qu'en aucun cas l'affectation hypothécaire consentie lors de l'ouverture du crédit ne peut être à assimilé à une constitution de garantie de paiement d'une dette sociale qui ne devient exigible que par l'effet de la mise en demeure délivrée par le créancier et qui peut s'avérer bien supérieure aux montants des engagements initialement garantis ; qu'en décider autrement reviendrait à méconnaître le principe de solidarité des associés de la S.N.C., énoncé par l'article 10 de la loi du 24 juillet 1966, et à faire obstacle à toute poursuite contre lesdits associés dès lors qu'une garantie, si minime soit-elle, aurait été prise par le créancier sur la société lors de l'engagement initial ; que le seul moyen invoqué par les consorts TREHIN à l'appui de leur recours sera en conséquence rejeté et le jugement dont appel, qui a fait une juste appréciation des éléments de la cause et des règles de droit qui leur sont applicables, confirmé en toutes ses dispositions par adoption de motifs ;
Considérant qu'il serait inéquitable, eu égard à ce qui précède, de laisser au C.l.G. la charge des sommes qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel ; que les consorts TREHIN seront solidairement condamnés à lui payer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant enfin que les mêmes, qui succombent, supporteront les entiers dépens exposés à ce jour.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- REÇOIT Monsieur Pierre TREHIN, Mademoiselle Pierrette TREHIN et Madame Anne-Marie TREHIN épouse ROLLAND en leur appel mais dit cet appel mal fondé ;
- CONFIRME en conséquence en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant,
- CONDAMNE les appelants à payer au CREDIT IMMOBILIER GENERAL une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le premier juge ;
- CONDAMNE également les appelants qui succombent aux entiers dépens et autorise la SCP d'Avoués JUPIN & ALGRIN à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.