Cass. soc., 16 février 2012, n° 10-26.542
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Linden
Avocats :
SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 24 août 2005 en qualité de chef de produits par la société L'Oréal produits de luxe international (L'Oréal) ; qu'il a été muté à compter du 1er février 2006 au sein de la société Prestige et collections international, puis du 1er juillet 2006 au sein de L'Oréal ; qu'il a été licencié le 26 mars 2007 pour avoir refusé un poste en Chine ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'est valable la clause par laquelle un salarié embauché par une société à l'issue de son stage accepte, dans le cadre de son projet professionnel défini d'un commun accord avec son employeur, d'être formé dans un premier temps par la société qui l'emploie pour être ensuite muté au sein d'une filiale étrangère du groupe ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre d'embauche du 14 janvier 2005 signée par M. X... que ce dernier, embauché par la société L'Oréal produits de luxe international en qualité de chef de produit, à l'issue de son stage étudiant, avait, avec cette dernière, " envisagé, sous réserve que le salarié donne satisfaction dans ses fonctions actuelles, de lui confier des fonctions au sein d'une société appartenant au groupe L'Oréal en Chine et ceci dans un délai d'environ 2 à 3 ans ", et que les parties avaient convenu des conditions d'une telle mutation (contrat de droit local avec reprise d'ancienneté), ce dont il s'évinçait que le salarié avait été recruté en vue de son affectation en Chine ; qu'en jugeant nulle une telle clause, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'un salarié ne pouvant accepter par avance un changement d'employeur, la clause de mobilité par laquelle M. X... s'était engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe, était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que les dispositions de la clause relative à une obligation de non-concurrence aux termes desquelles le salarié sera tenu à une obligation de non-concurrence à l'égard de l'employeur dès que celui-ci lui en fera la demande ont pour effet de réserver à la société L'Oréal la faculté, après la rupture du contrat de travail, de soumettre M. X... à une obligation de non-concurrence ; que ces dispositions, de caractère potestatif, sont nulles ; qu'il s'ensuit que la clause relative à une obligation de non-concurrence conclue entre les parties constitue une clause de non-concurrence engageant la société dès la rupture du contrat de travail ;
Attendu, cependant, que l'employeur est en droit de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence au moment de la rupture du contrat de travail si les parties lui en ont réservé la faculté dans le contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le contrat de travail de M. X... prévoyait la faculté pour l'employeur de renoncer à la clause de non-concurrence, d'autre part, que la lettre de licenciement indiquait au salarié qu'il n'était pas lié par une clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société L'Oréal produits de luxe international à payer à M. X... une somme à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.