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Décisions

Cass. 3e civ., 12 janvier 2005, n° 03-17.281

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

M. Paloque

Avocat général :

M. Gariazzo

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Baraduc et Duhamel, Me Odent, SCP Boré et Salve de Bruneton

Douai, du 22 mai 2003

22 mai 2003

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 mai 2003) que la société Usinor aux droits de laquelle se trouve la société GTS Industrie a commandé à la société CGEE Alstom devenue Alstom Power Conversion une installation d'extension de la tôlerie forte ; qu'entre la réception provisoire intervenue le 20 décembre 1985, et la réception définitive qui a eu lieu le 20 décembre 1986, des incidents de fonctionnement ont été constatés qui ont nécessité l'intervention de la société France Dunkerque Rosendael, assurée auprès de la compagnie UAP, devenue Axa France IARD ; que, notamment, le 24 juillet 1986, le moteur M1 a connu un problème de fonctionnement que la société GTS Industrie a attribué à l'oubli, par la société France Dunkerque Rosendael, d'une lame de scie dans le moteur, lequel a fait l'objet d'un soufflage à la suite duquel des débris métalliques ont été retirés ; que, sept ans après, soit les 9 et 17 février 1993, deux incidents sont survenus sur le moteur M1 donnant lieu à une expertise judiciaire ; que les représentants de la société GTS et ceux de la société Alstom ont soutenu avoir découvert, le 1er mars 1993, en l'absence de l'expert judiciaire, une esquille métallique fichée entre deux parties conductrices du rotor, qui serait à l'origine des incidents ; que ces sociétés ont prétendu avoir, aussitôt, perdu cette esquille que, ni l'expert, ni la société France Dunkerque Rosendael n'ont pu voir ; que la société GTS Industrie a assigné les sociétés Alstom et France Dunkerque Rosendael et leurs assureurs en réparation de son préjudice ;

Sur les deux premiers moyens, réunis :

Attendu que la société GTS Industries fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre la société France Dunkerque Rosendael et ses assureurs, la compagnie Axa Courtage et AGF MAT, alors, selon le moyen :

1 / que la contradiction est respectée à l'égard d'une partie dès lors que celle-ci a été mise en mesure de faire toutes observations qu'elle jugeait utiles sur les opérations d'expertise et le rapport qui en est issu ; qu'en déclarant l'expertise non contradictoire à l'égard de la société France Dunkerque Rosendael et en s'interdisant d'en retirer les éléments démontrant le rôle de cette société dans les sinistres des 9 et 17 février 1993, cependant que la société France Dunkerque Rosendael ne contestait pas avoir été invitée à faire valoir ses observations sur les opérations d'expertise, tant antérieures que postérieures à l'extension judiciaire de celles-ci et à discuter le rapport de l'expert, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que les faits se prouvent librement par la voie de témoignages ou de présomptions ; qu'en refusant de considérer comme établie la présence d'une esquille métallique ayant entraîné un défaut d'isolement et provoqué un court-circuit à l'origine des deux sinistres des 9 et 17 février 1993 au motif que sa découverte n'aurait pas été faite dans le cadre d'une expertise contradictoire ou en présence de représentants de la société France Dunkerque Rosendael, la cour d'appel a indûment restreint l'étendue de son pouvoir souverain d'appréciation et violé l'article 1353 du Code civil ;

3 / qu'en écartant les présomptions selon lesquelles les sinistres avaient été causés par la présence d'une esquille métallique, par une application erronée des règles relatives aux modes de preuve, la cour d'appel a écarté la seule explication scientifique susceptible d'expliquer la similitude des deux sinistres, violant de plus fort le texte susvisé ;

4 / que la société GTS industrie avait, dès la première instance puis en cause d'appel, versé aux débats une pollice d'assurance de responsabilité souscrite à effet du 1er janvier 1984 par les Chantiers du Nord et de la Méditerranée auprès de la compagnie Préservatrice foncière d'assurance ; qu'il y était expressément stipulé que les garanties nées de cette police bénéficiaient à une filiale dénommée "Société métallurgique et navale Dunkerque Normandie, rue des Oyats à Dunkerque, dont le nom commercial est France Dunkerque Rosendael" ; qu'en refusant de s'expliquer sur cette pièce régulièrement versée aux débats et spécialement invoquée par la société GTS industrie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1322 et 1323 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'esquille métallique qui proviendrait d'une lame de scie laissée par la société France Dunkerque Rosendael dans un moteur en 1986, et à laquelle la société GTS industries impute la cause des sinistres, aurait été perdue aussitôt découverte, en sorte que, ni l'expert, ni les représentants de la société France Dunkerque Rosendael ne l'ont vue et qu'aucune analyse métallurgique n'a pu être effectuée permettant d'identifier un acier caractéristique d'une lame de scie, et constaté que les faits qui seraient à l'origine de la présence de cette esquille étaient intervenus sept ans auparavant sans qu'aucun incident n'ait été décelé depuis lors, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant tiré de l'inopposabilité du rapport d'expertise, que, le seul élément matériel susceptible d'impliquer la responsabilité de la société France Dunkerque Rosendael faisant défaut, il n'y avait pas, en l'espèce, suffisamment de présomptions graves, précises et concordantes pour retenir sa responsabilité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société GTS Industries fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre la société Alstom et son assureur la compagnie AGF-IART, alors, selon le moyen :

1 / que la garantie décennale prévue par l'article 1792 du Code civil s'étend aux éléments d'équipements dès lors qu'ils s'intègrent dans la construction par une incorporation au sol réalisée au moyen de travaux de génie civil ; qu'il n'était pas discuté en l'espèce que, même démontables, les moteurs et transformateurs faisaient bien partie d'une installation fixe constituée de deux cages de laminage de plus de 5 mètres, ayant nécessité pour son incorporation au sol des travaux de génie civil dont l'exécution s'articulait avec celle des éléments d'équipement fournis par la société CGEE Alstom ; qu'en excluant cependant la garantie légale, au motif inopérant que les moteurs et transformateurs étaient démontables, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du Code civil par refus d'application ;

2 / que l'inexécution d'une obligation de résultat oblige son débiteur à réparer le préjudice qui en découle, sauf la preuve par celui-ci d'une cause exonératoire de responsabilité , qu'en rejetant la responsabilité de la société Alstom Power Conversion sans rechercher si cette société ne s'était pas engagée à livrer une installation industrielle immunisée contre toute défaillance d'isolation électrique pendant toute la durée prévisible de son fonctionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

3 / que la cour d'appel ne pouvait, sans entacher ses motifs d'une irréductible contradiction, exclure à priori tout défaut dans la conception de l'installation au seul motif que l'expert ne l'aurait pas retenu, après avoir précisément répudié les conclusions de cet expert qui soulignaient que les sinistres litigieux résultaient de l'action d'un corps étranger à cette installation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'en laissant sans réponse les conclusions par lesquelles la société GTS Industrie indiquait que la défaillance des transformateurs T1 et T2 résultait bien d'une tenue mécanique insuffisante en regard des contraintes auxquelles ces transformateurs se trouvaient exposés et rappelait que la société CGEE Alstom devenue Alstom Power Conversion s'était précisément engagée à la suite d'incidents similaires survenus en 1986, à modifier la conception des tôles de calage du moteur pour éviter tout nouvel incident, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la réalisation et le montage de moteurs et de transformateurs démontables et ne faisant pas corps avec le bâtiment ne pouvaient être assimilés à des travaux de construction d'un ouvrage, et relevé que les incidents techniques n'étaient pas dus à un défaut de conception des installations mais à un vieillissement prématuré des transformateurs résultant de leur mode d'utilisation depuis plusieurs années et à une déconnexion du circuit " RC du thyristor" effectuée par une personne non identifiée pouvant appartenir au personnel de maintenance de la société GTS Industries ou d'une entreprise tierce, la cour d'appel a pu en déduire que la responsabilité de la société Alstom Power Conversion ne pouvait être engagée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.