Cass. com., 17 janvier 2018, n° 16-22.285
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2016), que le 9 août 2005, la société Prudence Vie, aux droits de laquelle vient la société Generali Vie (la société Generali), a confié à la société EC Conseils, courtier en assurances, la commercialisation de divers produits d'assurance-vie ; que le 25 juillet 2009, un nouveau protocole de courtage a été conclu par les parties ; que courant juin 2012, la société Generali a proposé à la société EC Conseils un partenariat avec sa filiale, la société E Cie Vie, pour commercialiser un contrat dénommé e-novline, ce qui a été refusé par la société EC Conseils ; que le 13 décembre 2012, la société Generali a résilié les protocoles de courtage ; que reprochant à cette dernière divers manquements contractuels, la société EC Conseils l'a assignée en annulation des résiliations intervenues et paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Attendu que la société EC Conseils fait grief à l' arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que dans une société anonyme, seuls le directeur général, les directeurs généraux délégués et, le cas échéant, les personnes disposant d'une délégation de pouvoir à cet effet, ont le pouvoir de résilier un contrat conclu par la société ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que Mme Z... avait qualité pour procéder à la résiliation des protocoles de courtage, qu'elle était « directrice épargne patrimoniale », sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme Z... disposait bien d'une délégation de pouvoir pour résilier ces protocoles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-56 du code de commerce ;
Mais attendu que la société Generali ayant reconnu, dans ses conclusions d'appel, avoir ratifié tacitement la décision de résiliation des conventions de courtage, prise par Mme Z... pour son compte, la cour d'appel n'était pas tenue de rechercher si cette dernière avait reçu pouvoir pour y procéder ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société EC Conseils fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la société EC Conseils faisait valoir que la société Generali Vie avait explicitement conditionné le versement des commissions à la conclusion du protocole avec la société E Cie Vie ; qu'elle versait au débat le courriel du 17 août 2012, dans lequel la société Generali Vie indiquait qu'elle était « toujours en attente du protocole et des barèmes de commissions signés en deux exemplaires » et qu'« à réception », elle ne manquerait pas de « réactiver les coms et les encours » ; qu'en se bornant à relever qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que la suspension des commissions aurait constitué une pression opérée par la société Generali Vie pour contraindre la société EC Conseil à signer le protocole, sans examiner, même sommairement, le courriel versé au débat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge a l'obligation de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il ne peut se retrancher derrière des divergences dans l'appréciation, par les parties, des dispositions législatives et contractuelles en cause ; que la société EC Conseils faisait valoir que la société Generali Vie avait manqué à ses obligations légales et contractuelles en matière d'avances, d'arbitrage ou de fourniture d'informations ; qu'en considérant, pour rejeter la demande indemnitaire de la société EC Conseils, que le litige portait " sur des questions techniques", relevait de « divergences d'appréciation » sur les contrats proposés par la société Generali Vie et s'inscrivait « dans l'interprétation donnée à l'article L. 132-28 du code des assurances », la cour d'appel, qui a refusé de trancher le litige dont elle était saisie, a violé l'article 4 du code civil et l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ que l'absence de lien entre le refus opposé par la société Generali Vie à certaines demandes d'avances et la proposition d'adhésion aux contrats de la société E Cie Vie n'excluait pas le caractère fautif de ce refus ; qu'en considérant, pour rejeter la demande de la société EC Conseils, que les demandes d'avances ne présentaient aucun lien avec cette proposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ que la caractérisation d'une faute contractuelle n'est pas subordonnée à l'existence d'un élément intentionnel ; qu'en considérant, pour rejeter la demande de la société EC Conseils, que le refus opposé par Generali Vie ne relevait pas d'une « volonté délibérée de refus de fournir des renseignements au courtier et à ses clients », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
5°/ qu'il résultait de la pièce n° 17 versée au débat que le solde des commissions d'encours pour l'année 2013 n'avait été versé à la société EC Conseils que le 3 mars 2014, comme le soutenait cette dernière dans ses conclusions d' appel non contestées par la société Generali Vie sur ce point ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du courtier au titre de la déstabilisation provoquée, notamment par la cessation du versement des commissions pendant plusieurs mois, que ce solde avait été versé le 3 mars 2013, avant l'expiration du préavis, la cour d'appel a dénaturé cette pièce, violant ainsi l' article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'en retenant, par motifs adoptés non critiqués, que la société EC Conseils ne justifiait pas d'un préjudice résultant de la résiliation intervenue, tant en terme de perte de chiffre d'affaires que de clientèle, ni consécutivement à la modification de leurs relations contractuelles, ni en raison de pratiques discriminatoires et abusives de la part de la société Generali, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, rendant inopérants les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.