Cass. 3e civ., 19 mars 2020, n° 19-11.771
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Djikpa
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Delamarre et Jehannin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 décembre 2018), la société civile immobilière R... (la SCI) a été constituée entre Mme K... R..., sa gérante, M. H... R... et Mme C... R.... Par acte notarié du 9 août 2017, M. R... et la SCI R..., représentée par celui-ci, ont reconnu devoir à M. et Mme A... la somme de 276 000 euros et ont affecté le bien immobilier de la SCI en garantie hypothécaire. Invoquant l'absence de pouvoir de M. R..., la SCI et Mme K... R... ont assigné M. et Mme A..., les notaires, ainsi que M. H... R... et Mme C... R..., notamment aux fins de voir déclarer inopposables à la SCI les dettes souscrites par M. R..., ordonner la mainlevée de la garantie hypothécaire et condamner les notaires au paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième, septième et huitième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et sixième branches
Énoncé du moyen
3. La SCI R... et Mme R... font grief à l'arrêt, ayant déclaré nulles les délibérations de l'assemblée générale de la SCI R... du 4 juillet 2017, de dire cette nullité sans effet sur l'acte notarié du 9 août 2017 et de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ que si le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, ce n'est que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ; qu'en l'espèce, pour juger que les époux A... étaient légitimes à croire lors de la conclusion de l'acte de prêt du 9 août 2017 que H... R... était habilité à représenter la société civile immobilière R..., la cour d'appel a retenu que lors de la conclusion du prêt avait été produit le procès-verbal d'assemblée générale de la société R... du 4 juillet 2017 donnant tous pouvoirs à H... R... pour consentir une hypothèque en garantie du prêt que les époux A... consentaient à la société ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si ce procès-verbal n'était pas entaché d'une irrégularité manifeste, décelable à sa simple lecture, en ce qu'il était uniquement signé par un associé de la société sans qu'il soit précisé que le gérant avait délégué ses pouvoirs à cet associé pour cette assemblée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1156, 1984, 1998 et 2413 du code civil ;
2°/ que si le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, ce n'est que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ; qu'en l'espèce, pour juger que les époux A... pouvaient croire lors de la conclusion de l'acte de prêt du 9 août 2017 que H... R... était habilité à représenter la société R..., la cour d'appel a retenu que lors de la conclusion du prêt avait été produit le procès-verbal d'assemblée générale de la société R... du 4 juillet 2017 donnant tous pouvoirs à M. R... pour consentir une hypothèque en garantie du prêt que les époux A... consentaient à la société ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si ce procès-verbal n'était pas entaché d'une irrégularité manifeste, décelable à sa simple lecture, en ce qu'il mentionnait que tous les membres de la société étaient présents à l'assemblée extraordinaire et qu'ils avaient tous signés le procès-verbal sans que ces signatures apparaissent sur le document qui n'était signé que par H... R..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1156, 1984, 1998 et 2413 du code civil ;
3°/ que le prêteur ne peut se prévaloir d'un mandat apparent du représentant de la société emprunteuse dès lors qu'il était assisté d'un notaire lors de la signature de l'acte authentique de prêt, le notaire étant tenu de vérifier que le représentant de la société était bien habilité à représenter cette dernière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le fait que la garantie hypothécaire avait été authentifiée par notaire était de nature à conforter l'existence d'un mandat apparent ; qu'en statuant ainsi quand, au contraire, c'est précisément parce que l'acte avait été établi par un notaire instrumentaire qui aurait dû vérifier que M. R... avait le pouvoir de représenter la société R... qu'il devait être exclu que les époux A... puissent se prévaloir d'un mandat apparent, la cour d'appel a violé les articles 1156, 1984, 1998 et 2413 du code civil ;
4°/ que seul peut être considéré comme dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, et ce de façon continue et régulière ; qu'en l'espèce, pour juger que les époux A... pouvaient se prévaloir d'un mandat apparent, la cour d'appel a affirmé péremptoirement que H... R... était manifestement le dirigeant de fait de la société R... ; qu'en statuant ainsi sans caractériser en quoi M. R... accomplissait des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, et ce de façon continue et régulière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1846 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a retenu que M. et Mme A..., qui avaient financé une grande partie des acquisitions de la SCI et de la société qui y exploitait un fonds de commerce, entretenaient depuis de nombreuses années une relation d'affaires continue et confiante avec le seul M. R... et que cette relation, associée à la production d'un procès-verbal d'assemblée générale de la SCI donnant tous pouvoirs à ce dernier pour consentir une hypothèque en garantie du prêt consenti à la SCI, dans des circonstances authentifiées par un notaire et explicitées par la référence à l'affectation de ce prêt, seule de nature à faire échec à la saisie et à la vente forcée du bien immobilier propriété de la SCI, autorisait M. et Mme A... à ne pas vérifier les limites exactes du mandat de M. H... R....
5. Elle a caractérisé, par ces seuls motifs, les circonstances dont elle a pu déduire la croyance légitime, confortée par l'intervention d'un notaire, de M. et Mme A... aux pouvoirs de M. R... pour engager la SCI les autorisant à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs et a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.