CAA Versailles, 3e ch., 2 mai 2017, n° 05VE00456
VERSAILLES
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Belaval
Rapporteur :
M. Davesne
Rapporteur public :
M. Brunelli
Avocat :
CAZIN
La COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0104733 en date du 30 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée solidairement avec la société SCET à verser à la société Lizsol la somme de 15 321,80 euros, ainsi que les intérêt au taux légal à compter du 27 juillet 2001 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Lizsol devant le Tribunal administratif de Versailles ou, à titre subsidiaire, de ramener la créance de la société Lizsol au montant du solde des seuls travaux effectués postérieurement au 28 mai 2001 et, en toute hypothèse, de limiter ce montant à 43 600 euros ;
3°) de condamner la société SCET à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
4°) de condamner la société Lizsol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le droit au paiement direct du sous-traitant ne couvre que les prestations exécutées par ce dernier postérieurement à son acceptation et à l'agrément de ses conditions de paiement ; que c'est, dès lors, au prix d'une erreur de droit que les premiers juges ont estimé que la circonstance que les travaux réalisés en sous-traitance par la société Lizsol étaient terminés à la date de la signature du premier acte spécial d'agrément, soit le 20 juin 2001, est sans influence sur le droit au paiement direct ; que, subsidiairement, la société Lizsol ne pouvait prétendre au paiement direct par le maître d'ouvrage des travaux effectués antérieurement au 28 mai 2001, date à laquelle la société SCET, maître d'ouvrage délégué, a eu connaissance de sa présence sur la chantier en qualité de sous-traitant ; que les premiers juges ne pouvaient retenir au titre du paiement direct les travaux effectués après le 20 juin 2001, dès lors qu'il est constant que la société Lizsol n'est pas intervenue sur le chantier postérieurement à cette date ; que, dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à son encontre, elle serait fondée à appeler en garantie la société SCET, laquelle a commis des fautes, d'une part, en n'informant pas le maître d'ouvrage de la présence de la société Lizsol sur le chantier en qualité de sous-traitant, d'autre part, en ne contestant pas lors de l'établissement du décompte général le bien-fondé de la créance de cette société et, enfin, en conservant la créance du sous-traitant, laissant ainsi courir les intérêts légaux ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 7décembre 1975 modifiée relative à la sous-traitance ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2007 :
- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;
- les observations de Me Charey, substituant Me Cazin, avocat de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE ;
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Sur le droit de la société Lizsol au paiement direct :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée relative à la sous-traitance, le paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, pour la part du marché dont il assure l'exécution, est subordonné à la double condition que, sur la demande de l'entrepreneur principal, le sous-traitant ait été accepté par le maître de l'ouvrage et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été agréées par lui ; que lorsque, comme il en la faculté, l'entrepreneur principal ne présente un sous-traitant au maître de l'ouvrage, en vue de son agrément, qu'en cours d'exécution du marché, le sous-traitant n'est en droit de prétendre au paiement direct que pour les seules prestations exécutées postérieurement à cet agrément ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Etis, titulaire conjointement avec la société Travaux publics de l'ouest parisien du marché conclu le 7 décembre 2000 avec la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE pour la construction du centre technique municipal, a sous-traité la pose du dallage de l'atelier et de la zone du bac à sel et du plancher de la mezzanine de l'atelier à la société Lizsol ; que, sur la demande de la société Etis présentée le 28 mai 2001, la société SCET, agissant comme mandataire de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE, a, par un acte spécial signé le 20 juin 2001, accepté la société Liszol comme sous-traitant et agréé ses conditions de paiement ; qu'ainsi, la société Lizsol n'a droit au paiement direct par le maître d'ouvrage que des seules prestations effectuées postérieurement au 20 juin 2001 ; qu'il suit de là que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a estimé que la société Lizsol avait droit au paiement direct de l'ensemble de ses prestations ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Lizsol devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la Cour :
Considérant que si la société Lizsol soutient qu'elle a réalisé une grande partie des travaux postérieurement au 28 mai 2001 dès lors que d'importantes quantités de béton lui ont été livrées les 30 et 31 mai 2001, il résulte de l'instruction que ces travaux ont été effectués du 5 avril au 11 juin 2001 ; qu'il s'ensuit que la société Lizsol ne saurait prétendre au paiement direct par le maître d'ouvrage des prestations litigieuses, qui étaient achevées à la date de son agrément comme sous-traitant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à payer à la société Lizsol, solidairement avec la société SCET, la somme de 15 321,80 euros au titre du paiement direct ;
Sur la responsabilité de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE et de la société SCET :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SCET n'a été informée de l'intervention de la société Lizsol comme sous-traitant de la société Etis que le 28 mai 2001, date à laquelle elle a été saisie de la demande d'agrément présentée par cette dernière et elle a reçu la lettre du 21 mai 2001 par laquelle la société Lizsol demandait la confirmation de son agrément ; que la société Lizsol est mentionnée pour la première fois comme sous-traitant sur le tableau annexé au compte-rendu de la réunion de chantier du 29 mai 2001, alors qu'elle ne figurait pas sur le tableau annexé au compte-rendu de la réunion du 22 mai 2001 ; que si la société Liszol soutient que la société SCET et la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE auraient eu connaissance de son intervention antérieurement au 28 mai 2001, elle ne l'établit pas en se bornant à produire une attestation de son gérant et de l'un de ses salariés selon lesquels ils auraient rencontré des responsables de la société SCET sur le chantier les 9 et 25 avril 2001 ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la société SCET a eu connaissance de l'intervention de la société Lizsol comme sous-traitant le jour même où une demande d'agrément lui a été présentée ; que la société Lizsol ne saurait dès lors utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 faisant obligation au maître d'ouvrage ayant connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant de mettre en demeure l'entrepreneur principal de le soumettre à son agrément ; qu'en donnant son agrément le 20 juin 2001, alors que la demande lui avait été présentée le 28 mai 2001, la société SCET n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité et celle de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE envers la société Lizsol ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Lizsol n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de condamnation solidaire de la société SCET et de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE sur le terrain de la responsabilité pour faute ;
Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE :
Considérant qu'en l'absence de condamnation de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE, les conclusions d'appel en garantie de celle-ci dirigées contre la société SCET ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les autres conclusions :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions de la société Lizsol tendant à la condamnation de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE « pour résistance abusive » ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant, en deuxième lieu que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Lizsol et à la société SCET les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société Lizsol à verser à la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article L. 11 du code de justice administrative les arrêts des cours administratives d'appel sont exécutoires ; que, par suite, les conclusions de la société Lizsol tendant à ce que la Cour ordonne l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir sont dépourvues d'objet et doivent, en conséquence, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 0104733 du Tribunal administratif de Versailles en date du 30 décembre 2004 sont annulés en tant qu'ils condamnent la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE à verser, solidairement avec la société SCET, une somme de 15 321,80 euros à la société Liszol, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La demande présentée par la société Lizsol devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée en ce qu'elle tend à la condamnation de la COMMUNE DE MANTES-LA JOLIE.
Article 3 : La société Liszol versera la somme de 1 500 euros à la COMMUNE DE MANTES-LA JOLIE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.