Cass. 3e civ., 20 mars 2002, n° 99-20.666
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
Mme Fossaert-Sabatier
Avocat général :
M. Baechlin
Avocats :
SCP Boré, Xavier et Boré, Me Choucroy, Me Bouthors, SCP Célice, Blancpain et Soltner
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 1999) que la SCI Gammapierre (la SCI), maître de l'ouvrage, a fait construire un ensemble de bâtiments à usage commercial et industriel, pour lequel elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la compagnie Mutuelles du Mans (MMA), la maîtrise d'oeuvre étant confiée à M. Y..., architecte, le contrôle technique à la Socotec, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, l'exécution des travaux à la société Entreprise industrielle, M. X... étant directeur des travaux et M. Z... technicien concepteur des structures ; que, se plaignant de désordres, la société Unipierre, acquéreur du bâtiment B 4, a assigné en réparation les constructeurs, la Socotec et la SCI et que celle-ci a formé des appels en garantie ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de laisser à sa charge la réparation du dommage de la société Unipierre et de rejeter ses recours à l'encontre de MM. Y..., Z... et X..., alors, selon le moyen :
1° que les conventions doivent être exécutées de bonne foi, qu'ainsi les constructeurs doivent refuser d'exécuter un ouvrage qu'ils savent entachés, dès l'origine d'un risque grave de malfaçons ; qu'en exonérant dès lors les constructeurs de toute responsabilité tout en ayant expressément constaté qu'ils connaissaient les risques de la construction " qu'aucun d'entre eux ne devait accepter " la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant a violé les articles 1134 et 1792 du Code civil ;
2° qu'en toute hypothèse, les constructeurs ne peuvent accepter de réaliser un ouvrage entaché d'un risque de désordres, connus d'eux-mêmes, sans solliciter du maître de l'ouvrage une décharge expresse de responsabilité valant renonciation non équivoque à tout recours en indemnisation susceptible d'être opposée à l'assureur dommage-ouvrage ; qu'en rejetant dès lors le recours de l'assureur dommage-ouvrage, tenu au seul préfinancement des travaux de réparation, sans constater que le maître de l'ouvrage avait renoncé à toute action en responsabilité contre les constructeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 du Code civil, L. 242-1 du Code des assureurs ;
3° qu'ayant retenu l'existence d'une mise en garde par les seules sociétés Socotec et Entreprise industrielle, sans caractériser celle des architectes (Y...) concepteur des structures (Z...) directeur des travaux (X...) tous débiteurs d'une obligation de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;
4° qu'en dépit des motifs du jugement infirmé partiellement et retenant que M. X... aurait dû signaler les conséquences du choix des fondations et formuler des réserves auprès du maître de l'ouvrage, la cour d'appel, qui ne consacre aucun motif à la responsabilité de M. X..., a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5° qu'en exonérant l'architecte de toute responsabilité envers le maître de l'ouvrage tout en constatant qu'il était conscient du risque qu'il acceptait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1792 du Code civil ;
6° que le jugement avait retenu la responsabilité partielle de cet ingénieur structurel pour avoir proposé un autre procédé que celui préconisé par la Géotechnique appliquée et pour n'avoir pas émis de réserves sur le choix de la société Gammapierre ; qu'en se bornant à relever que le cabinet Z... avait établi des calculs sans rechercher sa responsabilité pour manquement au devoir de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;
7° que, faute d'avoir recherché, comme l'y invitaient les conclusions de la MMA si la compétence du maître de l'ouvrage était notoire, ce qui implique qu'elle le soit, dans le domaine précis d'activité, et au point de surpasser la compétence des autres constructeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;
8° que la société Gammapierre faisait valoir que la prétendue économie réalisée est dénuée de tout fondement, le décompte général établissant un dépassement de budget de quelque 250 000 francs sur un montant prévisionnel de travaux de 14 600 000 francs (soit 1,70 %) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent des conclusions de nature à exclure l'allégation d'économie excessive imputée au maître de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la SCI avait été clairement informée tant par la Socotec que par la société Entreprise industrielle des risques graves de désordres encourus non seulement par les cloisons mais également par le dallage de l'entrepôt B 4, dans toute leur ampleur et conséquences, et que c'était par un choix délibéré, après avoir été mise en garde par ces sociétés dans des termes particulièrement précis, que la SCI avait décidé en toute connaissance de cause de retenir la solution Latexfalt sur l'ensemble des sols industriels du bâtiment B 4, prenant ainsi le risque de survenance des désordres en raison des tassements prévisibles des sols, la cour d'appel, sans être tenue de répondre à des conclusions, que ses constatations rendaient inopérantes, invoquant l'absence de recherche d'une économie excessive, a exactement retenu que les sociétés Socotec et Entreprise industrielle, l'architecte et MM. X... et Z... étaient déchargés de la responsabilité qui pesait sur eux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.