Cass. 3e civ., 14 décembre 2017, n° 16-24.752
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Lévis, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Odent et Poulet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 août 2016), que, se prévalant de dommages consécutifs à la sécheresse, M. et Mme Z... ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur Multirisques habitation, la MMA, qui a mandaté un expert, lequel a fait procéder à une étude de sol ; que, sur la base du rapport géotechnique préconisant un confortement au moyen de micro-pieux, un protocole transactionnel d'indemnisation a été conclu entre M. et Mme Z... et leur compagnie d'assurance ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux de confortement a été confiée à la société Athis ; que les travaux ont été réalisés en 2007 par la société Surfaces et structures ; que, se plaignant de la mauvaise qualité de ces travaux, M. et Mme Z... ont fait appel à M. A..., expert ; que la société Surfaces et structures a mis en demeure M. Z... de lui régler la somme de 39 587,82 euros correspondant au solde des travaux ; qu'un protocole a été signé entre la société Surfaces et structures et M. et Mme Z..., aux termes duquel, d'une part, cette société s'était engagée à reprendre la quasi-totalité des micro-pieux avec début des travaux le 18 mai 2009 et fin des travaux le 8 juin suivant, d'autre part, la société Surfaces et structures ne réclamait plus le solde des travaux et le trop versé de 2 671,49 euros par M. et Mme Z... qui resterait acquis à la société ; que, les travaux de reprise n'ayant pas été terminés, M. et Mme Z... ont, après expertise, assigné la société Surfaces et structures, son assureur, le GAN, la société Athis, la société A... expertise, venant aux droits de l'EURL A..., et son assureur, la SMABTP, en paiement de sommes ;
Attendu que la société Surfaces et structures fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Athis et la société A..., à indemniser les maîtres de l'ouvrage et de mettre hors de cause les assureurs de garantie décennale, alors, selon le moyen :
1°/ que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, pour exclure toute réception tacite des travaux achevés par l'entrepreneur le 7 juillet 2009, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu qu'« il n'était pas contesté que les travaux n'avaient pas été réglés » ; qu'en se prononçant de la sorte quand elle rappelait par ailleurs que les maîtres de l'ouvrage reconnaissaient avoir payé l'intégralité des prestations, la cour d'appel s'est contredite en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les conclusions prises dans l'instance s'imposent au juge avec la même force obligatoire que les actes juridiques ; qu'en affirmant qu'« il n'était pas contesté que les travaux n'avaient pas été réglés » tandis que l'exposante soutenait que les maîtres de l'ouvrage avaient accepté les travaux qu'ils avaient payés, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que les travaux n'avaient pas été réglés ; qu'en se prononçant ainsi quand, aux termes du protocole transactionnel du 18 septembre 2009 et du rapport d'expertise, le prix total du chantier, comprenant les travaux initiaux et de reprise, avait finalement été fixé à la somme de 25 793,91 euros intégralement et définitivement acquittée par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel a dénaturé ces écrits, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; que sa volonté non équivoque de refuser l'ouvrage ne saurait être suppléée par le constat d'un tiers ; que, pour écarter toute réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué s'est fondé sur les constatations de l'expert judiciaire qui, excédant les termes de sa mission, avait présupposé que les travaux exécutés ne pouvaient pas être réceptionnés ; qu'en se prononçant de la sorte quand les énonciations du technicien ne permettaient pas de caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de refuser les travaux exécutés, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
5°/ que la réception peut être tacite dès lors que n'est pas exprimée l'intention de refuser l'ouvrage dans l'état où il se trouve ; qu'il en est ainsi, comme en l'espèce, lorsqu'il y a à la fois prise de possession des lieux et paiement intégral du prix sans qu'aucune contestation ne soit immédiatement élevée ; que, pour décider qu'il n'y avait pas eu de réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que le maître de l'ouvrage avait contesté les travaux de reprise en introduisant, fin septembre 2009, une procédure de référé-expertise ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier si, le 7 juillet 2009, au jour de l'achèvement des travaux de reprise, le maître de l'ouvrage les avait approuvés sans élever la moindre contestation, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil ;
6°/ que, subsidiairement, même en l'absence de paiement intégral du prix du marché, la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de ne pas réceptionner l'ouvrage n'est caractérisée que s'il a élevé immédiatement des protestations ; que, pour décider, à supposer que le prix du marché n'ait pas été réglé dans sa totalité, qu'il n'y avait pas eu de réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que le maître de l'ouvrage avait contesté les travaux de reprise en introduisant fin septembre 2009 une procédure de référé-expertise ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier si le 7 juillet 2009, au jour de l'achèvement des travaux de reprise, le maître de l'ouvrage les avait acceptés sans élever la moindre contestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que, dès l'origine des travaux de confortement, M. et Mme Z... avaient contesté la qualité des travaux réalisés par la société Structures et surfaces et qu'ils avaient également contesté les seconds travaux de reprise, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la volonté non équivoque de M. et Mme Z... de recevoir les travaux n'était pas établie, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.