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Décisions

Cass. 3e civ., 17 novembre 1999, n° 98-11.998

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Versailles, du 19 sept. 1997

19 septembre 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 septembre 1997), que la société Natalys, sous la maîtrise d'œuvre de M. X..., architecte, a, suivant un marché à forfait, chargé la Société de construction générale et de produits manufacturés (SCGPM) des travaux de reconstruction d'un de ses entrepôts ; que le maître de l'ouvrage, qui a fait réaliser par la société SEEB, un mur de soutènement d'une cour anglaise, a assigné les constructeurs en remboursement du coût de cet ouvrage et en dommages-intérêts ;

Attendu que la SCGPM fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la société Natalys, alors, selon le moyen,

1 ) que tout jugement doit être motivé et répondre aux moyens soulevés, desquels une partie déduit le bien-fondé de ses prétentions ; qu'en l'espèce, la SCGPM soutenait qu'en l'état de la confusion manifeste des plans et documents établis par l'architecte, devaient prévaloir, conformément à l'article 2-1 des CCAP, les termes de la lettre d'engagement et de la note technique y attachée en date du 4 mai 1993, excluant l'exécution de tous travaux d'aménagement extérieur ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, dont l'entreprise déduisait que l'aménagement d'une "cour anglaise", définie au Dictionnaire technique des bâtiments et des travaux publics comme "courette en contrebas du sol environnant sur laquelle débouchent les fenêtres du sous-sol", n'avait pu être inclus dans le marché à forfait du 4 mai 1993, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'en présence des constatations de l'arrêt attaqué, selon lesquelles les cours anglaises étaient mentionnées au CCTP, sans précision technique toutefois, et figuraient aux plans de l'architecte, tantôt en pointillés, tantôt en trait plein, la cour d'appel se devait de rechercher, au regard des éléments contractuels liant les parties, si ces contradictions et incertitudes n'excluaient pas que la réalisation de ces cours intérieures soit réputée comprise dans le forfait ; qu'en s'abstenant à cet égard de toute recherche utile, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1793 du Code civil ;

3 ) que l'entrepreneur a pour obligation première d'exécuter, conformément aux règles de l'art, les travaux de construction de l'ouvrage commandé par le maître de l'ouvrage, tel que défini aux plans et documents techniques conçus et élaborés par le maître d'œuvre, et ce sous le contrôle d'exécution de celui-ci ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les documents et "plans de marché" de la maîtrise d'œuvre souffraient d'une "imprécision fautive quant à la réalisation des cours anglaises litigieuses ; que, cependant, les plans d'exécution et de coffrage établis par l'entrepreneur, sur la base de ces documents et plans de marché et sur lesquels ne figurait pas de voile extérieure limitant la cour anglaise, n'ont pas été critiqués"... par le maître de l'ouvrage lors des réunions de chantier ; qu'en considérant néanmoins que la responsabilité de la non-exécution des cours anglaises litigieuses incombait aussi à l'entreprise SCGPM, tenue d'une "obligation de demander des explications au maître d'œuvre", la cour d'appel a méconnu les obligations respectives des professionnels et n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi, ensemble, les articles 1134 et 1793 du Code civil ;

4 ) que la SCGPM soutenait, dans ses conclusions d'appel, n'avoir reçu aucune mise en demeure, que ce soit de la part du maître de l'ouvrage ou du maître d'œuvre, concernant la réalisation de cours anglaises omises dans ses plans de coffrage, mise en demeure pourtant obligatoire aux termes de l'article 18-1 des normes françaises applicables au marché litigieux ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 5 ) que la cour d'appel a constaté encore que, pour ces cours anglaises, figurait en tout état de cause au projet initial un "talus", auquel a été substitué lors de la "remise tardive d'une fiche de travaux modificatifs", en date du 2 novembre 1993, un "mur de soutènement" ; qu'il en résultait objectivement que l'entreprise SCGPM n'avait pu, à la date de la signature du marché à forfait, le 4 mai 1993, chiffrer le coût de ce mur de soutènement, nécessairement hors forfait ; qu'en omettant ici encore de tirer les conséquences légales de ses constatations, elle a violé derechef les articles 1134 et 1793 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les pièces du marché comprenaient la réalisation des cours anglaises, et retenu que si les plans initiaux n'indiquaient pas le mur de soutènement, l'entreprise spécialisée, qui avait la responsabilité des plans d'exécution, était techniquement obligée de réaliser un mur et avait l'obligation de prévoir dans le montant de son forfait tous les travaux nécessaires à l'exécution de ses ouvrages selon les règles de l'art, et relevé qu'un protocole d'accord étant intervenu entre les parties, la société Natalys n'était pas tenue de mettre l'entreprise en demeure selon les termes de l'article 1146 du Code civil, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société de construction générale et de produits manufacturés (SCGPM) aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Société de construction générale et de produits manufacturés (SCGPM) à payer à M. X... et à la MAF, ensemble, la somme de 9 000 francs, et à la société Natalys, la somme de 9 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du dix-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.