Cass. 3e civ., 14 mars 2001, n° 99-17.959
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 22 février 1999), qu'en 1993, M. d'X..., aux droits duquel viennent les consorts d'X..., a chargé la société Corse terrassement de la réalisation des travaux de voirie d'un terrain de camping ; qu'après exécution, il n'a pas réglé le solde du prix, dont l'entrepreneur a sollicité le paiement ;
Attendu que les consorts d'X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'il suffit de se reporter au devis du 16 juin 1993 signé par M. d'X... pour constater que la mention "variante : réalisation immédiate de revêtement bicouche, plus-value de 10 francs le mètre carré. Reprise de revêtement en septembre, enduit bicouche à 28 francs le mètre carré" figure sous les signatures et le "bon pour accord" du client, de sorte que la signature du client portée au-dessus de cette mention n'implique pas que le client ait accepté que les travaux soient réalisés selon la variante, qui ne comporte aucun paraphe de nature à laisser supposer que le client l'ait approuvée ; que la mention figurant au devis, selon laquelle "ne seront facturées que les quantités réellement exécutées, tickets de pesée pour la grave et métré contradictoire en fin de travaux" traduit la volonté de réduire le prix prévu aux travaux effectivement réalisés ; qu'en déduisant de ces mentions l'acceptation de clauses prévoyant des travaux supplémentaires, bien que le devis, dans sa partie acceptée par le client, ait prévu une surface et un mode de réalisation précis pour un prix à ne pas dépasser, l'arrêt attaqué a violé l'article 1793 du Code civil ;
2 / que, même en l'absence de marché à forfait, il appartient à l'entrepreneur de faire la preuve selon le droit commun que les travaux supplémentaires dont il demande paiement lui ont été commandés ;
qu'en se bornant à énoncer que M. d'X... "ne peut sérieusement soutenir que la société Corse terrassement a pris l'initiative d'effectuer ces travaux sans son accord", que "c'est inévitablement sur sa demande que la société Corse terrassement les a exécutes", sans relever aucun élément d'où il résulterait que le maître d'ouvrage, éloigné du chantier pour cause de maladie aurait effectivement commandé des travaux supplémentaires, l'arrêt attaqué a procédé par simple affirmation et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que, même si le prix prévu au marché constitue une simple prévision, une évaluation approximative qui ne lie pas les parties, il n'en demeure pas moins que la responsabilité de l'entrepreneur peut être engagée si le prix vient à dépasser considérablement les prévisions ;
qu'en la présente espèce, M. d'X... faisait précisément valoir dans ses écritures d'appel que l'entrepreneur avait engagé sa responsabilité à son égard en traitant 4 916 mètres carrés au lieu des 4 000 prévus au devis, en bicouche au lieu du monocouche prévu, sans le prévenir des modifications pour le moins substantielles apportées aux accords initiaux, ce qui avait entraîné un dépassement de 46 % par rapport au prix global prévu au devis initial, ce qui était manifestement excessif ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si un dépassement de prix de 46 % par rapport aux prévisions du devis n'était pas de nature à engager la responsabilité de l'entrepreneur vis-à-vis de M. d'X..., la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'aux termes de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, les intérêts au taux légal ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les faits courir de plein droit ; qu'en la présente espèce, il suffit de se reporter aux conclusions d'appel de la société Corse terrassement pour constater qu'elle y mentionne une "mise en demeure du 23 septembre 1993", sans préciser quelle forme elle a revêtue et notamment s'il s'agissait d'un courrier recommandé avec accusé de réception sommant M. d'X... d'avoir à s'acquitter dans les meilleurs délais du solde de la facture du 19 août 1993 sous peine d'action en justice ; qu'en fixant le point de départ des intérêts au taux légal sur la somme de 93 707,94 francs au 23 septembre 1993, date de la mise en demeure, sans vérifier s'il ressortait des termes de cette mise en demeure dont se prévalait Mme d'X... dans ses écritures une interpellation suffisante du créancier au sens de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ainsi que les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le devis, dont les modalités et le montant avaient été acceptés par M. d'X..., prévoyait que la facturation ne porterait que sur les quantités réellement exécutées, ce qui excluait son caractère forfaitaire, et comportait une variante proposant un revêtement bicouche, que d'après l'expert c'est bien un tel revêtement qui avait été exécuté, la facture présentée correspondant aux prestations réalisées et souverainement retenu que c'est à la demande de M. d'X... que la société Corse terrassement avait exécuté les travaux prévus par cette variante, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, et qui n'était pas saisie d'une contestation relative à la forme de la mise en demeure du 23 septembre 1993, a pu en déduire que M. d'X... devait régler le solde de la facture présentée par l'entrepreneur, avec intérêts au taux légal à compter de cette date ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts d'X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Corse terrassement ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille un.