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Décisions

Cass. 3e civ., 25 septembre 2002, n° 00-22.173

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Orléans, du 18 sept. 2000

18 septembre 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 18 septembre 2000), qu'en 1988, Mme X... a payé à M. Y..., entrepreneur assuré par le Groupement français d'assurances, aux droits duquel vient la société AM prudence, le prix d'un chalet en bois édifié par ce dernier ; qu'ayant constaté la présence d'insectes xylophages dans les bois, le propriétaire a sollicité la réparation de son préjudice ;

Attendu que la société AM prudence et M. Y... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, que les vendeurs d'immeubles à construire et les constructeurs ne sont de plein droit responsables que des malfaçons qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou les rendent impropres à leur destination ; que dès lors, en se bornant, pour condamner M. Jacques Y..., in solidum avec la société AM prudence, à indemniser Mme X..., à relever que, selon l'expert, le chalet était infesté du capricorne des maisons et il était nécessaire de le traiter afin de pallier les désordres et éviter une extension à l'ensemble de cette construction en bois de l'action de ces coléoptères, sans rechercher, ce qui était contesté, si ces désordres étaient de nature à atteindre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1646-1 et 1792 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'infectation de la maison par les capricornes coléoptères xylophages rendait nécessaire le traitement des bois en raison du cycle larvaire, de la prolifération et des moeurs de reponte de ces insectes et que les panneaux de l'édifice offrant une maigre résistance aux coléoptères, ce traitement était inévitable pour empêcher la contamination de l'ensemble de la construction en bois, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, d'où il résultait que l'immeuble construit par M. Y... était compromis dans sa solidité et impropre à sa destination, légalement justifié sa décision de ce chef en retenant la responsabilité de plein droit de l'entrepreneur et la garantie de son assureur sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu que la société AM prudence et M. Y... font grief à l'arrêt de dire la demande de Mme X... non prescrite et que la société AM prudence fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir M. Y..., alors, selon le moyen :

1 / que la garantie de l'assureur de responsabilité décennale ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur ; que, suivant l'article 2.13 des conditions générales de la police responsabilité civile décennale 79, souscrite par M. Y..., la garantie n'est accordée que pour les travaux qui correspondent aux activités déclarées par l'assuré aux conditions particulières ; que, dès lors, M. Y... ayant entièrement construit pour Mme X... un chalet en bois de 82 mètres carrés avec, suivant l'analyse du devis par l'expert dans son rapport homologué, cloisonnement intérieur, réseau d'évacuation, isolation thermique, installation électrique et sanitaire, chauffage électrique, garage, sans avoir déclaré les différentes activités correspondant à tous ces travaux qu'il a accomplis pour réaliser le chalet, en relevant, pour condamner la société AM prudence, in solidum avec M. Y..., à indemniser Mme X... et à garantir M. Y..., que, lors de la souscription de la police, ce dernier avait déclaré, au vu de la nomenclature qui lui était proposée, toutes les activités ayant

trait aux métiers du bois en matière de construction (A3 charpente bois et D14 menuiseries bois), indiqué son numéro d'inscription au répertoire des métiers qui portait sur des activités de construction de chalets en bois, menuiserie, charpente, et que, suivant une attestation, tant l'agent général que son secrétaire connaissaient l'activité de constructeur de chalets en bois de l'assuré, la cour d'appel, qui a ainsi étendu la garantie due par la société AM prudence au-delà des activités limitativement et formellement mentionnées dans la police, a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances ;

2 / qu'en toute hypothèse, le vendeur d'immeubles à construire qui conserve les pouvoirs de maître d'ouvrage jusqu'à la réception de travaux a seul qualité pour prononcer cette réception qui est distincte de la prise de possession par l'acquéreur ; que dès lors, en affirmant, pour déclarer recevable l'action de Mme X... et condamner la société AM prudence à l'indemniser, in solidum avec M. Y..., que la réception était intervenue en avril 1988 par la prise de possession des lieux et le paiement du solde du prix par Mme X..., la cour d'appel, qui a elle-même relevé que le chalet avait été édifié entre 1980 et l'été 1984 par M. Y..., constructeur-vendeur, qui n'avait réalisé que des travaux de finition intérieure en 1987-1988, ayant cessé son activité d'entrepreneur à l'été 1984, n'a pas tiré de ses constatations, d'où il ressort que M. Y..., qui était le maître d'ouvrage, avait seul pu procéder à la réception des travaux qui n'avait pu intervenir au plus tard qu'à l'été 1984, les conséquences légales qui s'imposaient en confondant la réception par le maître de l'ouvrage avec la livraison à l'acquéreur et, partant, violé les articles 1601-3, 1646-1, 1792, 1792-6 et 2270 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement relevé que M. Y... avait, au vu de la nomenclature figurant à l'article 6 des conditions particulières de la police d'assurance par lui souscrite et couvrant la responsabilité décennale des entrepreneurs du bâtiment, déclaré exercer toutes les activités ayant trait aux métiers du bois (charpente et menuiserie) et indiqué qu'il était inscrit au répertoire des métiers pour la construction de chalets en bois, la cour d'appel a pu en déduire que la garantie de l'assureur devait être fournie au titre des désordres constatés ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que M. Y... avait construit le chalet commandé par Mme X... et que celle-ci avait procédé en 1988 à la réception tacite de l'immeuble par prise de possession des lieux et paiement du solde du prix des travaux, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les parties aient été liées par un contrat de vente d'immeubles à construire, a pu retenir que la prescription de l'action n'était pas acquise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société AM prudence, venant aux droits du Groupement français d'assurances (GFA), aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille deux.