Cass. 3e civ., 16 février 2005, n° 03-18.999
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 juin 2003), que la SCI N 75, assurée auprès de la compagnie Axa assurances, a fait édifier un bâtiment à usage commercial qu'elle a donné à bail à la société Cama Provincia, assurée auprès de la compagnie Zurich ; que la maîtrise d'oeuvre a été assumée par M. X..., assuré auprès de la compagnie des Assurances générales de France ; que la société Etablissements Poulingue, assurée auprès de la compagnie Groupama Samda Normandie, a été chargée du lot charpente couverture et la société établissements Y..., assurée auprès de l'Union des assurances de Paris, a réalisé la charpente en bois lamellé ; que la réception est intervenue le 13 juillet 1987 ; que, le 11 décembre 1990, la toiture s'est partiellement effondrée à la suite de chutes de neige ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Attendu que la société Etablissements Poulingue et la compagnie Groupama SAMDA Normandie, ainsi que la compagnie Axa France IARD, font grief à l'arrêt de les condamner à payer in solidum des sommes à la SCI N 75, alors, selon le moyen :
1 / que la responsabilité du constructeur n'a point lieu si ce dernier prouve que les dommages subis par le maître d'ouvrage proviennent d'une cause étrangère ; qu'en matière d'intempéries violentes, le dépassement des valeurs extrêmes définies par le document technique unifié applicable caractérise la force majeure ; qu'en écartant l'existence d'un cas de force majeure après avoir constaté que la quantité de neige abattue sur la toiture de l'édifice avait dépassé, fût-ce de peu, la norme extrême dans la région concernée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations et a violé l'article 1792 du Code civil ;
2 / que lorsque la victime du dommage est soumise au régime de la taxe sur la valeur ajoutée et est habilitée comme telle à récupérer les sommes qu'elle décaisse à ce titre, le principe de réparation intégrale implique que la personne responsable ne puisse être condamnée au paiement d'une somme augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en condamnant la société Y... et la compagnie Axa, la société Poulingue et la compagnie Groupama au paiement de la somme de 109 788,58 euros correspondant au coût des réparations toutes taxes comprises , sans rechercher , comme elle y était invitée, si la SCI N 75 et la compagnie Axa n'étaient pas habilitées à récupérer les sommes décaissées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1149 et 1792 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la quantité de neige avait faiblement dépassé la norme extrême prévue au document technique unifié, la cour d'appel, qui a ainsi souverainement retenu l'absence d'irrésistibilité du phénomène et qui n'a pas constaté l'imprévisibilité des chutes tombées à la période considérée, a pu en déduire que la force majeure n'était pas caractérisée ;
Et attendu, d'autre part, qu'il incombe à celui qui s'en prévaut de prouver que son adversaire a la possibilité de récupérer sur un tiers le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Etablissements Poulingue et la compagnie Groupama SAMDA Normandie font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à voir condamnées in solidum la société Etablissements Y... et la compagnie Axa à les garantir de toutes condamnations prononcées au profit de la SCI N 75 et de son assureur et de dire qu'elles supporteront la charge définitive des condamnations par moitié avec la société Etablissements Y... et son assureur, alors, selon le moyen, que tout rapport d'expertise, même non contradictoire, peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il a été soumis à la libre discussion des parties ; qu'en se fondant dès lors exclusivement sur le caractère non contradictoire des opérations d'analyse faite par le Centre technique du bois et de l'ameublement pour en écarter les conclusions, soumises à la libre discussion des parties, retenant que le bois utilisé par la société établissements Y... n'était pas conforme aux normes contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'expert ne s'était rendu sur les lieux qu'après la dépose de la couverture et de la charpente et leur stockage sur un parking voisin, qu'il avait confié le soin à la SCI N 75 de prélever les échantillons destinés au Centre technique du bois et de l'ameublement, et qu'un tel procédé ne garantissait pas le caractère représentatif des échantillons choisis ni même que le matériau soumis au CTBA provenait effectivement des poutres litigieuses, la cour d'appel a pu en déduire que les analyses, qui avaient un caractère discutable, pouvaient être écartées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne, ensemble, la société Etablissements Poulingue et la compagnie Groupama SAMDA Normandie et la compagnie Axa France IARD, assureur de la société Y..., aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la compagnie Axa France IARD, assureur de la société Y..., à payer à la société Cama Provincia et au Groupe Zurich, ensemble, la somme de 2 000 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les autres demandes de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille cinq.