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Décisions

Cass. 1re civ., 26 janvier 1999, n° 97-10.028

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Cass. 1re civ. n° 97-10.028

25 janvier 1999

Attendu que la société Etna a fait construire des bâtiments à usage d'usine et de bureaux qui ont été réceptionnés en janvier 1989 ;

que ces immeubles ont été endommagés par une inondation provoquée par des pluies d'une intensité exceptionnelle le 14 février 1990, et pour lesquelles un arrêté interministériel du 16 mars 1990, a reconnu l'état de catastrophe naturelle ; que la compagnie Unat, auprès de laquelle la société Etna avait souscrit une police d'assurance comportant une garantie des catastrophes naturelles, lui a versé deux indemnités, l'une, pour dommages directs et, l'autre, pour pertes d'exploitation ; que les paiements ont donné lieu à la délivrance de deux quittances signées par l'assurée, la première, le 14 juin 1990, et la seconde, le 24 janvier 1991 et contenant chacune une mention de "décharge définitive et sans réserve donnée à l'assureur" ; que des désordres étant apparus au cours de l'hiver 1990 du fait d'une humidité persistante, la société Etna, après expertise prescrite en référé, a assigné en réparation la compagnie AIG Europe, venant aux droits de la compagnie Unat, ainsi que M. Y..., architecte, pris en sa qualité de maître d'oeuvre, la compagnie Abeille, assureur de ce dernier et les entrepreneurs ayant construit l'ouvrage, à savoir M. A..., la société Poralu, la société Pellegrini Carminati et la société Pellegrini ; que la compagnie AIG Europe a soutenu que la demande formée contre elle était irrecevable, les quittances signées par la société Etna valant transaction ; qu'à titre subsidiaire, elle a formé un recours en garantie contre la compagnie L'Abeille et contre les constructeurs de l'ouvrage, en soutenant que les désordres étaient imputables à des vices de construction ; que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné la compagnie AIG Europe, à payer à la société Etna des indemnités pour travaux d'assèchement et troubles de jouissance en retenant qu'ils étaient la conséquence de l'inondation et non pas de vices de construction et rejeté le recours en garantie formé par cette compagnie contre la compagnie Abeille et les constructeurs ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la compagnie AIG Europe fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à garantie envers la société Etna, alors, selon le moyen, qu'en mettant à sa charge la réparation de préjudices dont elle constatait qu'ils avaient été causés par le sinistre originaire et que seule leur ampleur avait été fixée postérieurement à la transaction conclue sur ce sinistre entre l'assureur et l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 2052 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que le rapport d'expertise, qui avait mis en évidence l'imputabilité à la catastrophe naturelle du 14 février 1990 des désordres apparus au cours de l'hiver 1990, n'avait été déposé qu'en octobre 1992, la cour d'appel a retenu, à juste titre, que les accords intervenus, matérialisés par la signature des deux quittances, ne pouvaient avoir d'effet sur des éléments de préjudice inconnus lors de l'établissement de ces quittances ;

D'où il suit que le moyen est sans fondement ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu, d'abord, que, par motifs adoptés, la cour d'appel a constaté que les désordres apparus au cours de l'hiver 1990, consistaient en des remontées d'eau dans les murs et cloisons et dans la moquette en dalles ainsi qu'en des désordres électriques et que, dans son rapport, l'expert avait préconisé, d'une part, l'exécution de travaux d'assèchement et, d'autre part, compte tenu de vices de construction, celle de travaux de reprise ; qu'elle a retenu, au vu des conclusions de ce rapport que seuls les travaux d'assèchement étaient en relation de causalité avec les inondations provoquées par les pluies exceptionnelles du 14 février 1990, dès lors que les bâtiments n'auraient pu, même s'ils n'avaient pas été affectés de vices de construction, s'avérer étanches en présence des eaux d'inondation, en raison de l'importance et de la pression de ces eaux stagnantes ; qu'elle en a déduit que le préjudice résultant de la nécessité de faire procéder aux travaux d'assèchement avait pour cause déterminante l'intensité anormale des pluies du 14 février 1990, et devait donc être considéré comme l'effet de la catastrophe naturelle, de sorte que, pour ce préjudice, les constructeurs se trouvaient exonérés, pour cas de force majeure, de la présomption de responsabilité décennale ;

qu'ainsi sans commettre de déni de justice ni violer l'article L. 125-1 du Code des assurances, la cour d'appel a, de ce chef, légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, que dans ses conclusions d'appel, la compagnie AIG Europe n'a pas soutenu qu'en la condamnant à payer à la société Etna, à titre de dommages-intérêts, d'une part une somme de 55 900 francs, pour privation de jouissance liée à des perturbations d'activité pendant le temps nécessaire à l'exécution des travaux d'assèchement et, d'autre part, une somme de 50 000 francs pour troubles de jouissance du 14 février 1990 jusqu'à l'exécution des travaux de remise en état, les juges du premier degré auraient indemnisé deux fois le même préjudice ; que le moyen, pris en sa troisième branche, est donc nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable ;

D'où il suit qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que, par motifs adoptés, la cour d'appel a retenu que le préjudice, dont la réparation était mise à la charge de la compagnie AIG Europe et résultant de la nécessité de faire procéder aux travaux d'assèchement, était entièrement imputable à l'inondation provoquée par l'intensité exceptionnelle des pluies du 14 février 1990, dès lors que les bâtiments n'auraient pu, même s'ils n'avaient pas été affectés de vices de construction, s'avérer étanches en présence des eaux d'inondation, en raison de l'importance et de la pression de ces eaux ; qu'ayant retenu ainsi que ce préjudice avait pour cause déterminante l'état de catastrophe naturelle reconnu par l'arrêté interministériel, elle a relevé que, pour ce préjudice, les constructeurs se trouvaient exonérés, pour cas de force majeure, de la présomption de responsabilité décennale ; qu'elle en a déduit que le recours en garantie formé par la compagnie AIG Europe contre les constructeurs et la compagnie Abeille devait être rejeté ; qu'elle a, de ce chef, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, pris d'une violation de l'article L. 121-12 du Code des assurances et de l'article 1792 du Code civil est sans fondement ;

Mais, sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la compagnie AIG Europe à payer à la société Pellegrini des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt attaqué retient qu'à juste titre les premiers juges avaient mis cette société hors de cause, l'expert ne l'ayant pas lui-même mise en cause, et que dès lors, en intimant ladite société, la compagnie AIG Europe avait abusé de son droit d'interjeter appel contre elle ;

Attendu qu'en statuant par de tels motifs, qui ne caractérisent à la charge de la compagnie AIG Europe, aucun abus du droit de saisir la juridiction du second degré pour statuer en fait et en droit sur la chose jugée en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et attendu qu'il y a lieu à cassation sans renvoi, la Cour de Cassation pouvant mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a condamné la compagnie AIG Europe à payer à la société Pellegrini des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 19 décembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Pellegrini de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Fait masse des dépens et les laisse par moitié à la charge de la société AIG Europe et de la société Pellegrini ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile condamne la compagnie AIG Europe à payer à la société Etna une somme de 12 000 francs et à la compagnie Abeille une somme de 11 500 francs ; rejette la demande formée par la société Pellegrini ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.